La description du restaurant, sur le site web, commence ainsi: «Être Avec Toi (Ê.A.T.) est un nouveau concept de restauration révolutionnaire où le summum des mets et des boissons côtoie une passionnante galerie d'art sur une trame sonore conçue par un DJ local. Imaginé par le groupe BPC, ce restaurant transitionnel invite à la découverte d'un univers exclusif et novateur. Dégustez les oeuvres de génies et admirez la beauté de chaque plat.»

Avouez que c'est tout un programme. «Summum», «génies»...

Ce restaurant aux marketeurs friands d'hyperboles, c'est celui de l'hôtel W, dans le Vieux-Montréal, en face du square Victoria, rouvert au début de l'année dans l'espace occupé jadis par l'Otto.

Le lieu a été transformé par BCP, une firme américaine spécialiste de l'aménagement du lieu branché à haute densité.

Aux murs, on voit partout des illustrations, des peintures, des collages et des murales. A-t-on l'impression d'être dans une galerie d'art? Pas clair. Pas celles du Belgo ou de Chelsea, en tout cas. Lieu novateur? Disons que je vous recommanderais plutôt une visite à la biennale d'art contemporain.

Pour être sûre de pouvoir bien observer et goûter le tout méticuleusement, je m'y suis rendue un midi. La salle n'était ni vide ni pleine. Il y avait de l'ambiance. Et les serveurs, vêtus de grands chemisiers légèrement déconstruits par le créateur Travis Taddeo, travaillaient comme le soir avec leurs guéridons modernes, tout blancs, ce qui est, disons-le, fort élégant.

Le chef de cuisine, explique le site web du resto, s'appelle Sébastien Giannini et il cuisine avec un menu de poissons et de fruits de mer créé, au départ, par un chef new-yorkais, Alan Ashkinaze, qui collabore avec toute la chaîne des hôtels W.

Comme le font bien des restaurants du centre-ville, le Ê.A.T propose une formule pas chère le midi, à 24,90 $ et rapide: on peut manger en 30 minutes.

On apporte alors tout en même temps: un potage ainsi qu'une entrée et un plat principal avec des à-côtés tous ensemble dans la même assiette subdivisée. J'ai pris l'option végétarienne où, après une crème de chou-fleur correcte, j'avais droit à un flan d'avocat insipide à la texture visqueuse, malheureusement aucunement sauvé par une écume aux concombres, des poivrons et champignons grillés. L'autre personne à ma table avait quant à elle du vivaneau franchement très cuit dans lequel elle s'est réfugiée pour se remettre d'un potage aux nouilles soba où, semblait-il, toute la responsabilité de donner au plat un peu de goût avait été confiée à des piments ultrapiquants.

Mon expérience a été meilleure lors d'une autre visite où j'ai choisi mes plats à la carte. Toutefois, c'était plus cher.

En amuse-bouche, les huîtres du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard se rangeaient chez les petites, mais savoureuses et charnues, servies tout simplement avec citron et mignonnettes. Un classique à prix, pour cela, raisonnable: 1,50 $ l'unité.

C'est après que le rapport prix-qualité est devenu moins intéressant.

La salade César grillée modernisée, avec morue noire, par exemple, jouxte morceaux de romaine légèrement gratinés, fins croûtons citronnés et morceaux de poisson froid. C'est savoureux et bien composé, mais parle-t-on de summum? Non. Et le tartare de thon aux épices orientales? On a beau le préparer élégamment au guéridon, avec le jaune d'oeuf de caille joliment en vue, des chips d'ail, des amandes, un mélange d'épices et une pâte de dattes, le résultat arrive dans l'assiette pâteux et trop sucré, sans l'acidité nécessaire - généralement apportée par la moutarde, la sauce Worcestershire ou les câpres, dans la recette très classique - pour contraster avec le gras de la chair et le crémeux de l'oeuf.

En plat, le poulpe grillé avec sauce vierge - tomates cerises, câpres, herbes variées, huile - s'avère aussi décevant. Le fruit de mer s'impose, un peu trop dur, présenté de façon très rustique, alors que le prix du plat appelle à la subtilité. On le laisse un peu tout nu sur l'assiette, puisque les frites devant l'accompagner - maison, charnues, charmantes - sont ailleurs, en cornet façon bistrot. On cherche de l'élégance, plus de sauce pour égayer et adoucir les bouchées.

La «guédille» au homard? Trois petits pains au lait avec des morceaux de homard et un peu d'aïoli au safran qui ne s'éloigne pas trop de la simple mayonnaise. Avec une chiffonnade de crudités - choux, betteraves, notamment - en accompagnement. La fraîcheur est au rendez-vous, mais là encore, on est dans la moyenne, pas le summum qui aurait peut-être justifié le prix de 22 $.

Finalement, au dessert, les profiteroles ne brillent aucunement par leur originalité, mais tant pis, puisqu'on les sert bien faites, avec de la glace bien vanillée, une sauce au chocolat sans faille, quelques amandes effilées et surtout des choux juste assez craquants, pas trop élastiques. La mousse au fruit de la passion et au chocolat? Si vous avez envie d'un dessert déconstruit avec toutes sortes de petits éléments ici et là, des framboises, de la crème, du crumble, de la glace, peut-être trouverez-vous que c'est le summum. Moi, ça ne m'a pas rendue nostalgique, ni de 2003 ni même de 1997 quand c'était, là, réellement révolutionnaire.

Ê.A.T. (Être Avec Toi). 901, rue du Square Victoria, Montréal. 514 395-3100. http://www.etreavectoi.com/

Photo Robert Skinner, La Presse

Le chef du Ê.A.T., Sébastien Giannini, cuisine avec un menu de poissons et de fruits de mer.

Notre verdict

Prix: Entrées entre 10 $ et 26 $, sandwichs entre 18 $ et 25 $, plats entre 28 $ et 42 $. Il y a aussi une nouvelle formule appelée Bistro Box à 24,90 $, donc fort raisonnable, pour gens pressés, où tout arrive en même temps: soupe, entrée, plat et légumes. On l'a essayée et on a eu un peu l'impression de manger ce qu'il restait dans le frigo: un flan d'avocat insipide, un vivaneau très cuit...

Carte des vins: Pas très classique, les vins y sont classés par cépages plutôt que par région. On y retrouve pas mal de vins du Nouveau Monde, et il y en a de tous les prix.

Service: Courtois et très professionnel, au guéridon.

Ambiance et décor: C'est à la fois un restaurant d'hôtel et un lieu qui se veut une destination locale; le midi, le restaurant est effectivement fréquenté autant par des clients de passage que par des gens d'affaires du Vieux-Montréal. L'ambiance est créée par des oeuvres d'art accrochées partout au mur sur un fond surtout blanc avec meubles gris souris. Lors de notre passage, il y avait le logo coulant de la Ville de Montréal en bleu dans les fenêtres et des peintures de Darth Vader modifiées façon graffiti, en plus de toutes sortes d'oeuvres collées aux murs pêle-mêle.

Plus: le service très gentil et professionnel.

Moins: très cher pour la qualité de la cuisine.

On y retourne? Pas le midi, en tout cas.