J'avoue que j'ai rigolé en apercevant le nom de ce restaurant à l'orée de Saint-Henri, cet été, et que j'ai tout de suite eu envie d'y aller.

Il s'appelle Foiegwa, la version écrite de la prononciation anglophone de ce mets intraduisible qu'est le foie gras. En faire un nom de resto annonçait un sens de l'autodérision, de mixité culturelle de bon augure et ce n'est pas sans donner un charme général au lieu même si quelques détails restent à peaufiner.

D'abord, je tiens à le dire: comme c'est le cas avec bien des restaurants, ce n'est pas parce que je n'ai pas trouvé mes plats délirants de perfection culinaire que le lieu n'est pas bondé, vivant, populaire. De toute évidence, le concept plaît. Et j'imagine que si on finit par éplucher le menu pour trouver les plats les plus adroits, on peut finir aisément par adopter l'endroit. Parce que le Foiegwa a une grande qualité qui le distingue de bien d'autres tables de ce type: il est ouvert jusqu'à 2 h. Il se classe donc déjà bien pour rafler aisément la palme de la meilleure niçoise ou du meilleur bagna cauda en ville, catégorie «disponible à 1 h du mat'».

Ouvert en juillet, le Foiegwa est le dernier né du groupe Barocco, qui possède déjà, notamment, le restaurant éponyme dans le Vieux-Montréal. La cuisine est dirigée par Jérémie Falissard, l'un des coproprios. Et l'aménagement de l'espace angle Atwater et Notre-Dame Ouest, jadis occupé par une succursale de la Belle Province, est signé par les frères Toby et Taylor Gauley, de la firme Gauley Brothers, aussi copropriétaires. On leur doit entre autres l'aménagement du barbier Notorious plus à l'ouest, rue Notre-Dame, ainsi que le club École privée angle Milton et Saint-Laurent. Ils ont en outre travaillé sur le Velvet Speakeasy dans le sous-sol de l'Auberge Saint-Gabriel.

Le style de Foiegwa: on fait un clin d'oeil clair aux diners à la new-yorkaise. En plus des confortables banquettes, il y a notamment des caricatures de Montréalais célèbres cordées sur les murs. Cela dit, le menu évoque plutôt celui des brasseries françaises (cuisses de grenouilles! os à moelle!) Bref, on est dans un diner, mais un diner «French», interprétation sympathique de la fusion linguistique et culturelle montréalaise.

En arrivant, on nous annonce que, oui, on a bien notre réservation, mais qu'on doit toutefois attendre pour notre table. À moins qu'on accepte de prendre cette autre table. Mais celle-ci est réservée à partir de 22 h. Après avoir vérifié deux fois plutôt qu'une que nous avions bien compris le concept du départ avant 22 h, on nous a assis.

C'est ainsi qu'a commencé le repas, dans une atmosphère autrement fort enjouée, avec niveau de décibels costauds.

On aurait pu prendre l'un des nombreux cocktails préparés par la maison. On a préféré le vin au verre qui était correct, mais sans plus, avec service approximatif.

En entrée, la bagna cauda, une sauce aux anchois servie traditionnellement avec des crudités, mettait joliment en valeur les légumes du marché Atwater non loin. Des haricots, des carottes, du concombre, des radis, le tout sur fond de miettes de pain grillé croquantes, pour le contraste des textures.

La «salade niçoise», même si elle ne correspondait pas du tout à la recette traditionnelle, nous a aussi franchement plu. De la straciatella de mozzarella - version crémeuse et filamenteuse du fromage - sur laquelle on dépose du thon à l'huile en conserve en belles tranches et de bonne qualité, fondant en bouche, des tomates cerises, quelques morceaux d'olives noires et de fines tranches de pain grillé en croûtons. Avec une bonne huile d'olive. On a tout dévoré.

Le tartare qui a suivi était fort satisfaisant. Bien relevé. Bien équilibré. On le sert coiffé de son jaune d'oeuf, ce qui lui donne belle apparence. On s'imagine s'en régaler en plein milieu de la nuit, avec un petit ballon de rouge, quand tout, partout, est fermé.

Déception toutefois avec le hachis parmentier de canard confit avec foie gras - où était-il? -, sec et ennuyant, assommé par trop de purée de pommes de terre. Soudainement, je me suis franchement ennuyée du rôle rafraîchissant et équilibrant joué par le maïs dans notre version québécoise, le pâté chinois.

Les desserts n'étaient pas non plus totalement renversants. La poire belle-hélène est dans la catégorie «traditionnelle»: de la poire, de la bonne glace à la vanille, de la sauce au chocolat au lait sucrée et onctueuse. Le problème: une poire fade, voire farineuse.

Plus audacieux, le Paris-Brest de la maison est préparé avec des beignes plutôt qu'avec une couronne de pâte à chou. J'imagine que cela sera populaire avec les noctambules en quête de réconfort riche et sucré qui ne sourcilleront pas devant la crème, qui ressemble pas mal plus à une pâtissière à peine aromatisée qu'à la traditionnelle et délicate mousseline pralinée.

Foiegwa. 3001, rue Notre-Dame Ouest, Montréal. 438 387-4252. www.foiegwa.com

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le style de Foiegwa: on fait un clin d'oeil clair aux diners à la new-yorkaise. En plus des confortables banquettes, il y a notamment des caricatures de Montréalais célèbres cordées sur les murs.

Notre verdict

Prix: entrées entre 7,75 $ et 25 $. Plats entre 14,95 $ et 35 $. Desserts de 5,75 $ à 9,95 $.

Carte de vins: on a essayé les vins au verre, un vernaccia et un côtes-du-rhône qui étaient corrects, mais pas servis exactement à la bonne température, sans trop de décorum. Les grands efforts semblent avoir plutôt été dirigés vers les cocktails - incluant plusieurs classiques modernisés comme le Dark and Stormy ou le Bloody Caesar - dont la liste est impressionnante.

Service: gentil, mais pas totalement au point, notamment côté accueil.

Atmosphère: super vivante, salle pleine un mercredi soir, sentiment d'être dans un des lieux qui bougent en ce moment.

Plus: l'atmosphère et les heures d'ouverture: jusqu'à 2 h tous les jours. Lunchs en semaine.

Moins: corrections nécessaires côté service et cuisine.

On y retourne? Oui, s'il faut manger en dehors des heures traditionnelles des restos.

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Le plat de spaghetti maison monté au beurre et truffe noire avec jaune d'oeuf et parmigiano reggiano.