Le lieu s'appelle Chambre à part, vous savez comme dans l'expression décrivant ces couples qui restent proches tout en réclamant leur propre espace et en dormant dans des pièces différentes.

C'est ce que fait ce restaurant en se détachant de La Fabrique, où travaille aussi Jean-Baptiste Marchand, le chef copropriétaire des lieux. On est à la porte voisine de La Fabrique, rue Saint-Denis, dans un espace occupé il y a bien longtemps par le Witloof - les amateurs de cuisine belge des années 90 s'en souviendront - et ce Chambre à part est bien différent. La cuisine est fermée. Les plats sont plus végétaux, moins crème et beurre. Les tables sont espacées pour préserver un peu l'intimité de chacun.

C'est tout aussi bon, tout aussi accueillant que La Fabrique, et le service est impeccable. Cette nouvelle adresse est toutefois un poil plus soignée, plus chic. (Serait-on du côté féminin du couple ou serait-ce tomber dans les stéréotypes...)

En arrivant dans l'espace décoré par la maître d'hôtel et sommelière Stéphanie Labelle, qui a fait des études en aménagement avant de virer dans la restauration, on nous propose des cocktails. On peut les prendre avec ou sans alcool. Ou juste un petit peu. Ils réunissent des extraits de gingembre et de la pomme et de la vodka et du mousseux ou du citron et des herbes et du gin infusé, précis, recherché. On aime ces mariages frais, sans fausses notes.

Sur le menu, il y a des assiettes qui se veulent des entrées et d'autres, des plats. On ne voit plus cela souvent dans les nouveaux restos. On choisit une soupe chaude, puis un poisson. Ou une salade puis une viande. On est presque surpris du concept.

On a choisi un pétoncle mariné cru pour commencer le repas après avoir mangé trop d'un irrésistible petit pain aux herbes fraîchement sorti du four qu'on apporte d'entrée de jeu. Le fruit de mer est mariné délicatement dans un jus d'oranges sanguines dont quelques suprêmes participent à l'assiette, et le tout est garni de coriandre, de feuilles d'endives, de quelques bouchées de purée de navet, d'oseille... Les textures sont équilibrées et les saveurs bien agencées même si on aurait pris un tout petit peu plus de piquant ou d'acidité. On aime particulièrement la douceur craquante des amandes encore vertes qui viennent ponctuer le tout.

L'entrée de bison en gravlax avec mayonnaise au single malt et à la coriandre est plus costaude, et propose des tranches de viande marinée déposée sur des chips de riz croustillant, le tout complété avec de l'estragon et une purée de topinambours. Compliqué, mais néanmoins plutôt heureux.

Pour le plat, j'ai choisi l'option végétarienne (et sans gluten !) : des ravioles de légumes racines où la pâte est en fait de fines tranches de légumes - rutabaga notamment - qu'on farcit avec de la ricotta et de la bette à carde avant de garnir le tout d'une émulsion de bouillon de légumes et de graines de tournesol. Un très bel effort créatif pour un plat presque tout légume. Dommage que la présentation soit si marron...

De l'autre côté de la table, on a pris des ris de veau dont la cuisson était impeccable, servis avec des oignons frits, une sauce au vermouth, le craquant de quelques noisettes et la douceur de champignons boutons. Un plat moins innovant, mais plus précis, plus élégant.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

On a choisi un pétoncle mariné cru pour commencer le repas après avoir mangé trop d'un irrésistible petit pain aux herbes fraîchement sorti du four qu'on apporte d'entrée de jeu. 

Côté dessert, le chef Marchand fait du super boulot, on l'a vu à La Fabrique. Pas en pâtisserie hyper délicate, mais en composition juste assez sucrée, juste assez fine, juste assez réconfortante. Il faut essayer le soufflé bien chaud, bien diaphane aux canneberges et au sucre d'érable - en fait, on aurait pris plus de sucre d'érable, mais est-ce un critère objectif vu une certaine dépendance à ce produit québécois ? -, mais surtout, surtout, le dessert aux oranges confites. Le chef fait carrément cuire tout le fruit trois fois, dans de l'eau et du sucre, et on mange même la pelure. On accompagne ça de crème thym-citron. C'est sucré et amer et franchement très bien réalisé, tout comme la tarte tatin, par ailleurs très classique.

Dans ce dernier service comme tout au long du repas, on retrouve les éléments de références gastronomiques françaises traditionnelles du chef, amenés sans la moindre facétie, très accessibles. C'est comme si on sentait un pont créé avec des éléments de cuisine rustique d'ici et des courants à la mode ou de la rue. Et c'est fort sympathique.

Chambre à part

3619, rue Saint-Denis, Montréal

438 386-3619

restaurantchambreapart.com

Prix : Entrées entre 8 $ et 18 $, plats entre 17 $ et 23 $. Desserts 9 $ à 10 $.

Carte de vins : Pas immensément longue, mais méticuleusement choisie, de tous les prix, moderne. Très bons conseils de la sommelière.

Décor : Le décor a été aménagé par la sommelière et maître d'hôtel Stéphanie Labelle, qui a repris certains éléments du vieux Witloof - des tuiles notamment -, a ouvert une vaste verrière au plafond au fond du restaurant et a ajouté des touches qui rendent l'espace à la fois chaleureux et aéré, un peu rétro, mais pas vieillot. On aime les lampes dépareillées, la porcelaine aux motifs floraux chinée aux puces.

Ambiance : Les tables sont espacées, on peut s'entendre parler avec une trame sonore plutôt cool - Lana Del Rey, Feist... Ce n'est pas un lieu pour être vu, mais bien pour bien manger entre amis amateurs de bons vins, de bonne cuisine et de bonne conversation.

Plus : L'accueil souriant et le style général des lieux... le bo-bo (bourgeois-bohème) sans prétention à son meilleur.

Moins : Quelques plats pourraient être précisés, allégés, édités.

On y retourne ? Oui, bien sûr.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Les tables sont espacées, on peut s'entendre parler avec une trame sonore plutôt cool - Lana Del Rey, Feist... Ce n'est pas un lieu pour être vu, mais bien pour bien manger entre amis amateurs de bons vins, de bonne cuisine et de bonne conversation.