Le nouveau restaurant du chef Marc-André Jetté, qu'on a connu aux 400 Coups et au Laloux jadis, est installé dans un quartier loin des repères traditionnels des gourmets du jour. On n'est ni dans le Vieux-Montreal ni dans le Mile End ou à Saint-Henri, mais plutôt à Rosemont dans un ancien entrepôt des usines ferroviaires Angus.

Hoogan et Beaufort étaient cultivateurs. Ce sont eux qui ont vendu les terrains au Canadien Pacifique pour qu'il s'y installe au XIXe siècle. De nombreuses décennies plus tard, le restaurant se propose de recommencer à y jardiner pour s'approvisionner en produits frais...

La cuisine de Jetté, qui s'est associé avec un ancien collègue sommelier, William Saulnier, dans ce projet, est en effet axée sur les produits régionaux. Légumes, viandes et fruits de mer du Québec... Hoogan et Beaufort est le genre de lieu spacieux, rempli d'histoire, qui s'inscrit dans les courants modernes raffinés sans être chichi. Oubliez la poutine rénovée. Pensez salicorne, couteaux de mer...

Dans cet ancien atelier aux plafonds vertigineux, on a installé une cuisine ouverte, un bar, des tables qui se côtoient sans être trop collées les unes contre les autres et où de grandes tablées peuvent s'installer.

Entrées ? Plats principaux ? On peut se construire un menu selon ce format traditionnel ou alors commander toutes sortes d'assiettes et partager, en commençant par le pain maison, une focaccia « brûlée » moelleuse et craquante qui rend heureux dès le début des agapes.

Les légumes ont une belle place sur le menu du restaurant, comme une carotte « fane » qu'on sert de trois façons- en purée, grillée, marinée - avec du carvi et un crumble de bacon de la maison. Ce plat savoureux tenait bonne compagnie à un gravlax de morue noire avec cresson rouge, amandes grillées, rabioles en très fines tranches et de bonnes tiges de salicorne. Délicats et légers tout en s'imposant par le mariage de saveurs fines, ces assiettes m'ont ravie mais l'ancien critique gastronomique qui m'accompagnait m'a fait remarquer, avec raison, qu'il y aurait vu une petite touche d'acidité et de piquant pour charpenter légèrement plus l'expérience.

Ont suivi une belle assiette de morue grillée avec une sauce aux palourdes et aux piments poblano et un plat d'agneau bien rose avec de petites laitues sucrine grillées, une sauce aux anchois bagna cauda, des tranches de grosses olives vertes et une purée de noix de cajou.

Mais la vedette de la soirée fut sans conteste l'assiette de strozzapreti - des pâtes maison courtes - servies avec une sauce aux oursins crémeuse et salée et remplie des parfums presque vanillés du fruit de mer, puis ponctuée de citron et des notes anisées de l'oseille. Bravo. La maison compte un jeune chef italien originaire du Molise qui fait de l'excellent travail.

Au dessert, on nous avait fortement recommandé la crème au citron brûlée, préparée à partir du jus d'agrumes dont on réduit les sucs en les faisant braiser, mais la consistance trop collante de l'appareil nous a fait préférer l'autre dessert chocolaté, franchement réussi. Crème de chocolat au lait, sorbet à la poire, crumble au chocolat en finition avec quelques morceaux de meringue à l'érable bien croquante pour structurer le tout. C'était formidable comme pas mal tout le repas d'ailleurs.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Hoogan et Beaufort

4095, rue Molson, Montreal

514 903-1233

hooganetbeaufort.com

Verdict

Prix: Entrées entre 9 $ et 24 $, pâtes de 14 $ à 16 $, plats 25 $ à 30 $. Desserts 9 $.

Carte de vins : très variée, minutieusement construite, on y retrouve quelques crus canadiens, des vins naturels... Prix raisonnables.

Ambiance et décor : c'est la maison Appareil Architecture qui a aménagé l'espace industriel historique dont on a conservé l'esprit. La hauteur des plafonds est spectaculaire. Le niveau de bruit non négligeable donne une atmosphère bien vivante à cet immense espace que semblent apprécier les gens de ce quartier en transformation.

Service : sympathique et professionnel. Attention au service du vin toutefois. Un de ceux qu'on nous a fait goûter avait un défaut évident et ce n'était pas une bouteille neuve.

Plus : le lieu, l'ambiance, beaucoup de bons plats

Moins : des petits ajustements encore nécessaires en cuisine et en sommellerie

On y retourne ? Absolument

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE