Même chef, même rue, un peu plus à l'ouest. Après huit ans passés aux fourneaux du Jolifou, un resto de 100 places, David Ferguson s'est simplifié la vie en déménageant dans un espace plus petit.

La cuisine, toutefois, n'a rien perdu de sa chaleur. Dans cette ville où l'on met du foie gras partout, on ne devrait pas s'étonner d'en trouver sur des nachos. C'est néanmoins avec un peu d'appréhension que nous avons attaqué ce monticule de chips de maïs, de fromage, d'avocat, de tomate et de coriandre arrosés d'huile épicée, surmonté de deux petites escalopes de foie gras poêlé et de leur gras de cuisson. Le résultat est un peu huileux, mais ça marche. L'abat raffiné s'entend comme larrons en foire avec les modestes ingrédients du nacho gratiné.

La salade César, avec sa vinaigrette préparée à la commande, ses lardons de pancetta et ses croûtons sautés au gras de canard, est tentante, mais la caille l'a emporté. Juteuse à coeur et grillée à l'extérieur, sa chair est idéale pour goûter les sauces piquantes maison (habanero, scotch bonnet-carotte, chipotle-tomate) offertes sur la table. Le pain de maïs servi avec la caille et cuit, comme dans le sud des États-Unis, sur une surface en fonte qui lui confère une croûte inégalée, complète l'expérience.

Poisson et agneau

Le poisson du jour était de l'aiglefin. Le pavé, bien saisi et encore tendre à l'intérieur, était posé sur des morceaux de yucca baignant dans une riche sauce pourtant exempte de produits laitiers. Inspirée de la sopa de tortilla mexicaine et des soupes au pain européennes, elle est préparée avec des tortillas de blé réduites en purée dans un bouillon parfumé d'ail rôti et de vin blanc. Une belle façon de revisiter ce poisson des mers froides. 

Le carré d'épaule d'agneau est une expérience qui plaira aux mordus de viande. Les côtes y sont, mais la pièce est coupée plus près de la patte avant que le carré classique. Contenant plus de gras et de collagène, la chair demeure moelleuse même si cette partie musclée de l'animal ne peut être servie saignante. Badigeonnée d'huile et de poudre de piment ancho, elle développe un superbe fini noirci au contact du gril. Résultat? Des morceaux spectaculaires, et beaucoup plus savoureux qu'un carré d'agneau traditionnel. Des légumes sont servis à part dans un plat à partager. Ce soir-là, c'était un mélange coloré de courge, de poblanos, d'oignon et de chou de Savoie. La portion est peut-être un peu trop généreuse compte tenu des accompagnements déjà présents dans chaque assiette, mais c'était bien bon. 

Dessert

La panna cotta infusée de fève tonka est un dessert tout en subtilité. Les notes profondes et légèrement vanillées de la fève animent la texture onctueuse et s'entendent à merveille avec le miel versé sur le dessus du ramequin. Je me serais toutefois passée des éclats de lavande: c'est bien joli, mais ça laisse un parfum d'armoire à linge sous la dent. 

Moins délicate, et même un peu délinquante, la tarte Tatin arrosée d'un filet de whisky Jameson est tout à fait à sa place dans cet établissement. La croûte rare et un peu émiettée est moins séduisante qu'une pâte feuilletée, mais elle a l'avantage de laisser toute la place aux pommes dodues, bien cuites, parfaitement caramélisées. 

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Gus

38, rue Beaubien E., Montréal

(514) 722-2175, www.restaurantgus.com

> Prix: Selon ce qui est à l'ardoise ce soir-là. Environ 10$ à 20$ pour les entrées, 20$ à 42$ pour les plats.

> Carte des vins: à l'ardoise aussi, donc courte et changeante. Si le vin que vous avez choisi n'est pas offert, on vous en fera apparaître un autre. Idem pour les bières, bienvenues avec ce type de cuisine. 

> Atmosphère: Varie selon l'arrivage. Relax en début de soirée, elle devient animée et bruyante dès que l'endroit se remplit. 

> Style: Cuisine robuste teintée d'influences du Sud-Ouest américain et du Mexique, servie dans un décor un peu bohème. 

> Service: Simple, aimable et de bon conseil. 

> Le plus: Les saveurs, les cuissons, les savants dosages de piments qui allument les plats sans incendier les papilles. 

> Le moins: L'absence de détails à l'ardoise, qui oblige les serveurs à tout expliquer. Intéressant, mais un peu long: lorsque la salle se remplit, ils semblent manquer de temps pour le service. 

On y retourne? Oui!