Quand on essaie régulièrement beaucoup de nouveaux restaurants, on finit par créer toutes sortes de catégories mentales qui résument en un sentiment, une onomatopée, l'expérience vécue. Il y a les «ouais bof», il y a les «ohhhhh!» (généralement réservés aux grands étoilés impressionnants), il y a les «zzzzzz...», ni bons, ni mauvais, ni différents - les pires pour une journaliste, car on a si peu à raconter. Il y a aussi les «deuh», décevants, comme prévu, sans parler des «grrrr», trop chers, pas vraiment bons, prétentieux.

Et puis il y a les «wow», qui nous épatent parce qu'ils répondent parfaitement bien aux attentes élevées qu'ils suscitent ou parce qu'ils sont beaucoup mieux que ce qu'on avait prévu. Ou parce qu'on n'avait aucune attente particulière et qu'ils viennent, bang!, nous charmer.

C'est exactement ce qui s'est passé lors de mes dernières visites au restaurant Bar&Boeuf, rue McGill, dans le Vieux-Montréal, dont les cuisines sont maintenant pilotées par Simon Mathys, jeune chef formé notamment en France et ici aux fourneaux des chefs Daniel Vézina et Stelio Perombelon.

Sans tambour ni trompette et, surtout, sous un décor néobaroque qui a été à la mode il y a quelques années et lui donne un air un cheveu dépassé, ce restaurant s'impose comme une des vraiment bonnes tables de Montréal. J'y ai mangé des plats originaux, bien faits, avec des produits bien choisis. Des assiettes faisant preuve de créativité où les acrobaties sont justifiées, où l'on n'essaie pas de reproduire les prouesses à la mode du moment, où le chef montre qu'il n'est pas là pour suivre les tendances, mais les faire avancer.

Le repas commence par un amuse-bouche fait de kampachi cru - poisson du Pacifique, d'élevage durable, souvent offert comme solution de rechange aux thons surpêchés ou mal pêchés - garni de pousses d'oseille sanguine, des microfeuilles aux nervures pourpres légèrement acidulées et humectées à l'huile de tournesol. La combinaison, élégamment équilibrée, fond en bouche, est à la fois délicate et bien ponctuée, sans fausse modestie.

Suivent ensuite en entrée deux plats surprenants. Une «saucisse» de crevettes nordiques - les toutes petites crevettes de Matane - composée des minicrustacés amalgamés, en bloc oblong. S'ajoute dans l'assiette une crème montée très légère au citron, salée, tandis que toute l'assiette est rehaussée par de la poudre de poireaux séchés et juste assez du croquant de la fleur de sel.

En outre, un improbable morceau de doré - toujours en entrée - accompagné d'une sorte de risotto de chou-fleur émincé avec une sauce au babeurre salée, riche, s'avère savoureux, le tout allumé par quelques feuilles de chou très vertes, fraîches.

En plat, la morue se distingue par sa cuisson à la limite de la friture, légèrement croquante, rehaussée par de la mousse aérienne de foie de volaille, façon espuma, note légèrement amère et salée. Pour compléter l'équilibre, des carottes marinées acidulées, des cubes de courge... La recherche de contrastes de textures se fait remarquer à juste titre.

Le plat de porc? Une viande parfaitement délicate coiffée de la peau, fine et bien croquante, de l'animal et accompagnée de morceaux de courges grillées. La note acidulée: une pointe d'argousier, baie orangée typique des contrées froides.

Au dessert, la fête continue grâce à un dessert aux agrumes, à la vanille et aux noisettes ainsi qu'à une riche création combinant mousses et glaces, tire éponge croquante et gelée rebondissante, le tout sur une trame d'érable, de notes d'arachides, de caramel salé et de banane.

Ouf!

Miam!

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Bar&Boeuf

500, rue McGill, Montréal

514 866-3555

baretboeuf.com

> Prix: Entrées entre 10 $ et 16 $, plats entre 23 $ et 30 $. Desserts 9 $. Menu dégustation de cinq services pour 50 $. Menu du midi à 30 $ ou 25 $.

> Carte de vins: Intéressante, plutôt française, incluant de nombreuses importations privées et beaucoup de bouteilles entre 35 $ et 65 $.

> Décor: Le restaurant a changé de chefs depuis quelques années, mais le décor demeure le même, avec fauteuils de cuir blanc, lampes laquées néobaroques, grandes fenêtres, hauts plafonds.

> Atmosphère: Beaucoup de gens d'affaires de tous les âges et horizons - on est proche de la Caisse de dépôt autant que de la Cité du multimédia - niveau de bruit assez élevé.

Une cuisine recherchée, bien faite, originale.

Le décor un peu dépassé.

On y retourne? Absolument.