Dans son ancienne incarnation, le Via Dante plaisait aux Italiens d'une autre génération. Aujourd'hui, c'est un petit bistro de quartier et sa clientèle a changé. Mais elle se compose toujours d'amateurs de cuisine italienne classique.

Installé sur un coin de rue, à deux pas du marché Jean-Talon et devant le parc Dante et son étonnante église, on ne peut pas dire que c'est raté côté atmosphère. L'intérieur est tout refait, les boiseries, les tables sans nappe, l'éclairage tamisé et les grandes fenêtres sans rideau, le menu inscrit sur une ardoise, voilà une mise en scène à la fois moderne et doucement rétro.

Le Via Dante, c'était surtout la cuisine du nord de l'Italie, celle de la mamma. C'est devenu la cuisine des figli ! Qui, sans révolutionner ce qu'ils ont appris de leur mère, ont su lui donner ce petit coup de pouce, la faisant passer à l'ère des huiles extra-vierges et des balsamiques vieillis.

C'est d'ailleurs ce dont elle avait besoin, une opération de rajeunissement; mais pas du fond, seulement de la forme. Avec des ajustements, qui seraient comme des accents aigus sur des sauces, des points d'orgue sur des émulsions. Et c'est ce qui est bien avec ce genre de cuisine: elle change si peu! On en reconnaît toujours le vocabulaire, c'est comme une vieille amie à qui on a promis fidélité.

Avec un menu classique, mieux vaut choisir des entrées qui contrastent avec le plat suivant. Pour éviter le régime double pâte ou double viande. Ainsi, dans l'assiette de gnocchi ripieni, des petites sphères de pasta remplies de chair de porcini haché, d'une sorte de pâte de champignons et d'huile de truffes et nappée d'une sauce onctueuse, on trouve le goût de l'automne. La roquette et le parmigiano reggiano, c'est comme un vieux couple: touchant et toujours à point. Il lui manque un peu de luisant cependant; on goûte davantage l'acide que l'olive, mais la laitue est pimpante et l'assaisonnement, impeccable.

Toujours si simple...

En plat, je me souviens du lapin braisé à la pancetta et au romarin de la mère, qu'elle servait avec une polenta de référence, archicroustillante dans son extérieur bruni, et souple et fondante dedans. La version du fils est tout aussi réussie, avec des notes plus salines, une sauce plus lisse, un look du moment sur son assiette creuse. Et la polenta de ces gens originaires du Tyrol italien, c'est quelque chose! Il faut goûter cette élasticité qui ne vient qu'avec une longue et lente cuisson. Et pourtant, c'est toujours si simple...

L'assiette est sans ornements, le plat se mange sans chou-fleur ou verdure et, avec le vin blanc, les quartiers du lapin ont engendré une sauce magnifique. Et les strozzapretti, des pâtes tubulaires légèrement tordues, ici dans une version industrielle, sont nappés d'une riche émulsion de crème et de raschera, un fromage à la fois délicat et légèrement piquant des hauts alpages du piémont qui donne à la sauce de l'élasticité et un parfum tenace.

Nous terminons ce repas tout en délicatesse, sur une panna cotta veloutée, ponctuée de framboises - dedans et dessous. Miam! Au fond, des restaurants comme Dante, il n'en reste plus beaucoup en ville. Les autres ont tendance à se photocopier mutuellement, à coup de turbulence, et nous, on finit par les confondre. Pas celui-ci, qui carbure à la félicité de la discrétion.

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Via Dante, 251 rue Dante

514 270-8446

On y retourne? Cela va de soi.

Prix: les entrées de 10 à 15$, les plats autour de 25-30$, on s'en tire autour de 140$ avec quelques verres ou une petite bouteille raisonnable, les taxes et le service compris.

Faune: D'un âge certain, elle y traîne ses téléphones intelligents. Elle s'installe à deux ou à quatre, mais elle bavarde bien rond, on sent qu'elle y est bien.

Service: un peu racoleur sur les bords, mais au fond, on aime ce côté des Italiens quand il est sincère. Ça nous fait chaud au coeur.

Vin: Plusieurs très bons petits crus, et quelques extravagances comme des Super Toscans, un ou deux choix au verre. Et des prix plutôt raisonnables.

Plus: L'ambiance tranquillisante, la très bonne cuisine rassurante.

Moins: Selon l'endroit où l'on sera placé, il se peut que le vilain lampadaire de la rue Dante vienne vous aveugler. De soir, un petit rideau diaphane ferait l'affaire (ou des verres fumés) ! Et puis avis aux puristes, la télé est toujours allumée....