Certes, le Just Thaï est situé à Terrebonne, il est néanmoins rigoureusement authentique. Installé au milieu d'un centre commercial, il détonne un peu, c'est vrai. Tout autour, des autoroutes, encore plus de centres commerciaux, des stations-service, du pétrole, c'est le règne absolu (et la victoire) de l'automobile sur l'homme. Les trottoirs sont vides, il n'y a pas de marmaille galopante, pas de poussettes traversant les rues, pas de piétons. Or, la salle est pleine d'enthousiastes, il faut réserver impérativement, et parfois on ne trouve une table que tard en soirée. Il y a des raisons à cela: la gentillesse des patrons, la qualité générale des préparations et des prix raisonnables. Dans ce coin du monde, c'est une formule qui ne peut pas échouer.

Les jeunes patrons d'origine lao-thaïe, nés ici, ont su composer avec adresse en puisant dans le garde-manger des condiments et des épices d'Asie et les us locaux. Le résultat est à la fois rigoureux et doux. Les aromates sont dosés en fonction des palais délicats, difficilement habitués aux morsures extrêmes des piments forts, aux parfums acidulés violents, aux goûts de fermentation avancée qui sont la marque de la cuisine thaïlandaise, du reste exceptionnellement raffinée quand elle est faite dans les canons.

En outre, le chef, qui vient saluer les clients après le service, parle français avec l'accent des Laurentides (et tout le personnel aussi d'ailleurs). Trente années de politique migratoire ouverte ont, à l'évidence, transformé les villes québécoises et, par extension, les habitudes alimentaires. Cette cuisine, avec ses currys, ses soupes au lait de coco, ses bouchées frites et ses salades acidulées au citron vert et à la coriandre fraîche, nous est maintenant aussi familière que la chinoise ou la japonaise.

Classiques et plus

Au menu: les classiques et quelques petites choses que l'on n'avait pas vues depuis un bon moment, et qui figurent rarement aux cartes des restaurants thaïs, comme les cuisses de grenouille, et surtout le Pla Rad Prik, un poisson entier, passé en grande friture avec de l'ail et du poivre, la peau devenue croustillante et la chair floconneuse, couvert d'une sauce pimentée quelquefois d'une brutalité inouïe, ce qui me fait penser que certains plats de cette cuisine sont faits pour nous agiter la girouette.

Après quelques bouchées, on entre même dans une sorte de délire entre la souffrance et l'extase, tous méridiens dehors. Comme ça, on prête vraiment attention. Car il n'y a pas de vraie cuisine thaïe sans piment, et les piments, ça brûle. Généralement. En outre, s'attendre à une cuisine douce chez les Thaïs, c'est un peu comme manger un millefeuille en s'attendant à ce qu'il ne soit pas sucré!

À la manière de là-bas, la table est couverte de plats que l'on partage et que l'on mange avec fourchette et cuillère (et pas des baguettes). Le principe est simple, la fourchette est un guide et on ne la met jamais en bouche. Il s'agit plutôt de pousser la nourriture dans la cuillère. On commence avec une salade rafraîchissante de canard émincé, épicé au riz torréfié, à la coriandre fraîche, à l'ail et au sucre de palme. Pour contraster, on choisit de petits dumplings miniatures, croustillants, chauds et farcis d'une petite cuillère de porc émincé absolument exquis, qu'on trempe dans une sauce à base d'arachides et de soja.

Arrivent ensuite les soupes, succulentes dans leur acidité et attendries avec un peu de sucre. Les unes sont à base de noix de coco et les autres, de jus de tamarin au parfum intense et vaguement caramélisé. On leur ajoute des crevettes pochées, un peu de poulet, beaucoup de citronnelle hachée et du galanga, ce parent plus sage du gingembre. C'est un moment que l'on partage presque en silence. Les soupes ont un goût suave et sont relevées avec douceur. Encore ces merveilleux contrastes de la cuisine thaïe.

La suite, un curry rouge au porc et à la noix de coco - et relevé avec pas mal de chili rouge -, un sauté de poulet au piment sec et aux noix de cajou et un plat de volaille au basilic restent ici des index de la pédale douce: des plats corrects sur le plan gastronomique, bien assaisonnés et dressés, et surtout vitaminés, mais qui ne donneront pas de grands tremblements étant donné qu'on les a un brin adoucis. Bref, demandez à ce qu'on vous les fasse un peu plus... affirmés. Le riz glutineux est parfait, servi dans de jolis petits paniers.

En finale, le vin qu'on termine, mais qu'on a de la difficulté à bien associer à cette déflagration de parfums. Quant aux douceurs, il n'y en a pas.

1265, boul. des Seigneurs, Terrebonne 450-492-8883

> On y retourne? Pour une petite sortie et pour cette qualité, pourquoi pas?

> Prix: Avec des entrées de 4$ à 9$, des soupes facturées autour de 5$ et des plats qui tournent autour de 15$, on s'en tire assez bien. Il faudra compter à peu près 75$ à deux, tout compris avec même un peu de vin.

> Service: Véloce et volubile, en un mot impeccable.

> Vin: Petite carte, prix décents. On a choisi un rosé qui a pris un goût sucré avec la noix de coco!

> Faune: Surtout locale, prédominance de couples, de tous âges, bien mis et polis.

+ Une rareté dans le quartier, ce restaurant authentique.

- Manque de piments!