On l'ignore souvent, mais la cuisine mexicaine ne se limite pas aux tacos et aux burritos, qui ne sont d'ailleurs pas plus mexicains que la mayonnaise ou la crème caramel. Ce qui n'empêche pas les Mexicains de les avoir adoptés et transfigurés. Il en est de la cuisine comme de l'art: c'est un continuum. On emprunte, on transforme, on s'approprie.

Du reste, les Mexicains n'aiment rien autant que d'ornementer. Leur cuisine est une fusion de la vieille Espagne du siècle d'or, des spécialités des empires mayas et aztèques et de quelques contributions de la France napoléonienne. À cela on peut ajouter que les provinces mexicaines offrent une telle variété d'écosystèmes qu'il est normal que cela influe sur la cuisine. Les régions ont des distinctions assez remarquables qu'on perçoit rarement dans les restos mexicains en dehors du pays. Mais l'époque est ainsi. Elle se contente de fractions et d'impressions. L'authenticité attendra...

Le mignon petit restaurant Itacate, tenu par une famille de Chilangos de DF (prononcez dé-èfé - la capitale nationale - comme on dit là-bas) ne fait pas exception. Sa carte est riche en roulades, empilages et entortillages de toutes sortes, en plus de proposer quelques petites choses inhabituelles. Mais grosso modo, ce n'est pas ici que vous apprendrez grand-chose sur cette cuisine, sinon que, bien préparée - et elle l'est certainement -, elle peut être vraiment succulente et une source de réel plaisir. N'est-ce pas ce que l'on cherche avant tout quand on va au resto?

Un brin étriquée, la salle est longue et étroite mais, parce qu'on a mis un peu partout des tableaux colorés et des tissus indigènes aux couleurs habituellement associées aux oeuvres de Frida Kahlo et de Rivera (rose bonbon, vert lime, jaune soleil), on a l'impression qu'elle est plus vaste. En tout cas, elle sert bien son propos, qui est celui d'offrir à prix très décents de la cuisine joyeuse, colorée, fringante comme tout.

Par exemple, rien ne réjouit comme des nachos et du guacamole pour accompagner ces bières blondes d'été, qu'on sert toujours avec une tranche de lime. Même s'il pleut, on croit entendre la mer, les mariachis. La purée d'avocat a un goût franc, légèrement pimenté à cause du jalapeño, qui apporte un petit mordant. On enfile tout ça en préparant les vacances. On passe ensuite aux tacos dorados, croustillants et frais, farcis de poulet déchiqueté, d'oignon et de poivron, qu'on garnit avec de la laitue effilochée et de la crème sûre. Nous aimons bien les petits tacos de cochinita pibil, ouverts et remplis de porc braisé à l'achiote, cette graine qui colore tout d'un rouge dense mais qui n'apporte aucun parfum particulier et avec laquelle on fait mariner des oignons crus, qu'on utilise en garniture. C'est une spécialité du Yucatan, servie avec les haricots et le riz. Attention, ce n'est pas vaporeux.

Autres variations possibles sur le thème de la galette repliée: à l'arrachera (boeuf mariné, délicieux), suadero (boeuf, coriandre et tomate), chilaquiles et enchiladas - des galettes de blé farcies et nappées de sauce aux piments, rouge ou verte, généralement servies au petit-déjeuner. Enfin les burritos et fajitas, deux plats abondants inventés quelque part au Texas et qui prouvent qu'on peut décliner ad infinitum l'idée même d'un bout de pain rempli de quelque chose. Mais tout est bon, frais et savoureux, et au bout du compte, c'est ce qui fait la différence.

Les desserts ont une tenue distraite, beaucoup de lait et de crème, flan et caramel de toutes sortes, à laisser si vous avez une soudaine poussée de chaleur - avec des nourritures aussi protéinées, on s'étonnera!

Ce qui n'empêche pas l'Itacate d'être un petit resto pétaradant de fraîcheur et de pimpant. Ce n'est pas bien original, mais on n'a pas toujours envie de ça, à la fin. Un peu de familier, de choses vues et connues, c'est rassurant!

Itacate

67, rue Beaubien Est

514-276-5880

Prix: Les variantes autour de la tortilla sont proposées à moins de 11 $ l'assiette bien copieuse. Bières mexicaines et margaritas à 7-8 $. Tout cela vous reviendra à environ 70 $ pour deux, taxes et service inclus. Et vous aurez certainement envie de faire une petite promenade digestive après toutes ces nourritures allègres et savoureuses mais pas particulièrement légères.

Faune: On voit surtout de petits couples qui se tiennent la main sous la table, des familles de Mexicains parlant foot.

Service: A-do-ra-ble.

Vin: Allez ! On ne va pas se la jouer raffinée. Au Mexique, on boit de la bière blonde et légère, généralement avec une tranche de citron vert. Ça tombe bien, on adore la Corona et la Sol, qu'on peut choisir en cubetazo (un seau de cinq bouteilles) à 22 $. Mais on propose aussi des margaritas bien citronnées.

On y retourne? Si on a envie de cuisine mexicaine de plage, de zócalo de ville coloniale, on viendra ici. Ce n'est pas de la cuisine ménagère, entendons-nous là-dessus, mais c'est sacrément bien fait et goûteux.

+++ Le soin mis dans les préparations, la gentillesse absolue des jeunes patrons, le cadre familial, un peu rustique, certes, mais parfaitement mexicain.

- - - Les petits contenants de plastique pour les sauces. Pas beau, pas écolo et pas nécessaire non plus.