La carte de visite du chef et restaurateur Jérôme Ferrer d'Europea, le restaurant français de la rue de la Montagne, à Montréal, est la même depuis le début : offrir aux convives toutes sortes de petites attentions inattendues qui créent l'impression d'être vraiment spécial.

Qu'on soit client régulier ou visiteur d'un soir, jeunes parents en permission ou couples à la tête argentée, l'expérience est la même. Constamment durant le repas arrivent sur la table de petits plats surprises qui donnent le sentiment que le chef veut personnellement nous remercier d'être là, comme si on était de grands VIP. D'année en année, la formule se peaufine, se précise. Et ça marche. Si l'approche «nappe-blanche-petits-plats-dans-les-grands» à laquelle participe ce restaurant classique est en crise, Ferrer a trouvé, ainsi, une façon de la faire fonctionner.Dès que l'on arrive, même si on choisit une formule cinq services plutôt que le grand menu dégustation, on nous apporte des bâtonnets de pâte feuilletée à tremper dans une fine huile d'olive ainsi que des «sucettes» au chèvre et au parmesan. C'est fin, c'est précis. Attention, ce n'est que le début du début car, avant même que le repas soit officiellement commencé, on nous apporte aussi le classique «cappuccino» de bisque de homard, crémé à la truffe, un mini-plat signature du Europea, qui s'évanouit en bouche en nous laissant une impression de douceur et de brume océanique.

Arrivent ensuite, finalement, les entrées. Nous sommes, Robert Beauchemin et moi, en compagnie de ceux qui ont remporté la mise à l'encan de la Guignolée des médias. Les restaurateurs ne le savent pas. Mais c'est tout comme. On nous gâte, comme on le souhaite lorsqu'on s'offre une telle sortie au restaurant.

Par exemple, après le cromesquis, dernière petite attention à manger avec les doigts, on prend soin de laisser une serviette de table comprimée qui se gonfle sous une mini-pluie d'eau chaude. C'est drôle. Surprenant.

Préparé avec du café, des girolles et des morilles, le foie gras poêlé se démarque. On est loin des contrastes fruités habituels. On s'aventure plutôt en terrains boisés et dans la terre parfumée, avec toutes les nuances des champignons et une mousse de céleri rave.

Les pétoncles princesse, eux, avec jus de piperade et chip de chouriço, déclinent le concept du «surf'n'turf» avec élégance, tandis que le style du plat de crabe d'Alaska et de saumon mi-cuit, mi-fumé, servi avec caviar de Granny Smith et pamplemousse, donne à cette entrée fraîche au départ classique des airs modernes qui éclatent en bouche grâce à la pomme «sphérifiée».

Pour poursuivre, on nous apporte, surprise, une émulsion truffée cachée dans une coquille d'oeuf, un mini-petit plat riche mais qui passe rapidement comme un doux souvenir. On a à peine le temps de repenser à ce qui vient d'arriver qu'on nous apporte, spectaculaire, une petite portion de côte levée de boeuf de Kobe, dans une cloche de verre remplie de fumée. La viande, particulièrement tendre, est remplie des saveurs de bois et la présentation est magique. Un des plus beaux moments de la soirée.

Le repas continue avec les plats principaux : une «poule mouillée», à partager, que l'on vient nous montrer à table dans sa cocotte, mijotant tendrement dans un bouillon au galanga - racine orientale très parfumée, un peu comme le gingembre - avant de repartir en cuisine pour la servir ensuite sous forme de cannelloni d'effiloché et de suprêmes.

La joue de veau, elle, est présentée avec une purée de panais et un jus de viande hyper concentré, qui nous rappelle que l'on est bien chez un chef français formé pour les classiques.

Pour le dessert, l'abondance continue : délicat sorbet de citron vert enrobé de chocolat blanc, sur un bâton, macarons, pâtes de fruit maison, madeleines toutes chaudes... On nous apporte même de la barbe à papa, qui surprend et fait sourire, même si on préfère lorsqu'elle est faite aux sucres naturels, d'érable par exemple. Parlant d'érable : chez Europea, on en fait de la rebondissante guimauve.

Les sucreries, je vous le dis, arrivent en rafale. Il y a même une boîte de chocolats, façon thé ou cigare. À un moment, pour tout dire, il y en a presque trop. Mais on sort du resto conquis. Car malgré certaines imperfections - la barbe à papa industrielle ; un dessert aux fruits, dans un sac, un peu banal, qui ne trouve pas sa place ; le code rose fluo sur les coquilles d'oeufs, notamment - on a fort bien mangé. Parce que la rencontre entre les techniques moléculaires avec lesquelles s'amuse le chef et sa maîtrise des techniques françaises traditionnelles fonctionne. Et parce qu'on se sent dorloté, du début à la fin.

Europea

1227 rue de la Montagne

Montreal, QC H3G 1Z2

(514) 398-9229

www.europea.ca