Il est beaucoup question ces jours-ci du lait américain qui se faufile dans les produits laitiers d'ici à l'insu des consommateurs. Cinq questions pour comprendre ce phénomène complexe et faire des choix éclairés.

Le petit logo bleu de la vache canadienne est-il fiable?

Oui. En 2009, les producteurs ont ajouté la mention « lait 100 % canadien » sous le petit logo bleu à la vache tatouée d'une feuille d'érable. 

Cela assure au consommateur qu'il a entre les mains un aliment fait entièrement avec des produits laitiers locaux. Cet ajout a été fait au moment où les protéines laitières néo-zélandaises envahissaient la planète fromage. Aujourd'hui, cette petite vache indique aussi que le produit est exempt de « lait diafiltré ». Ces protéines laitières américaines sont largement utilisées par les industriels canadiens. Elles se trouvent dans un flou administratif : elles ne sont pas reconnues comme des protéines laitières par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Conséquemment, les transformateurs peuvent les utiliser comme bon leur semble. Ils doivent par contre retirer la petite vache de leurs emballages... 

À savoir : le système est basé sur la bonne foi des transformateurs puisque les producteurs ne font pas de vérifications. 

Un produit sans ce logo contient-il nécessairement des ingrédients laitiers importés? 

Non. Certains transformateurs n'utilisent pas ce logo sans pour autant ajouter des produits étrangers dans leurs recettes. 

Si tous les fabricants qui utilisent uniquement du lait canadien apposaient la petite vache sur leurs fromages, yogourts et autres plaisirs laitiers, les producteurs québécois n'auraient qu'à lancer un boycottage de ceux qui n'en ont pas. 

Il faut également noter que le logo « lait 100 % canadien » est réservé aux produits de lait de vache, nuance aussi Nancy Portelance, qui distribue de nombreux fromages artisanaux québécois. Ses fromages de chèvre et de brebis n'ont donc pas de logo, mais la taille de l'entreprise productrice ne fait pas de doute : les artisans travaillent avec le lait de leurs propres animaux. 

Peut-on retrouver des substances laitières modifiées lorsqu'un produit s'affiche 100% canadien?

Certainement. Les transformateurs québécois en utilisent beaucoup. Ils doivent toutefois l'indiquer sur leurs étiquettes. Si les substances, peu importe leurs formes, proviennent de lait canadien, ils peuvent apposer le logo bleu avec la petite vache.

Qu'est-ce que ce lait diafiltré, alors? 

Il s'agit d'un produit relativement nouveau qui réussit à traverser la frontière malgré le fait que le lait est sous gestion de l'offre au Canada. Ce mode de gestion protège les producteurs canadiens de la concurrence étrangère en imposant des tarifs douaniers élevés sur la volaille, le lait et les oeufs, avec certaines exceptions prévues dans la loi. 

Le lait diafiltré est un produit hybride : il s'agit d'un concentré de protéines qui n'est pas considéré comme du lait par les douaniers, mais qui peut être utilisé comme du lait par les transformateurs d'ici, sans limite. 

Évidemment, il coûte moins cher que la protéine laitière produite au Canada. « Ça devient un avantage concurrentiel », estime Martin Guilbault de la fromagerie Du Champ à la Meule, située dans Lanaudière. Le fromager ne travaille qu'avec du lait de la région et n'ajoute pas de protéines dans ses meules. Ses fromages coûtent évidemment plus cher que les produits des grands transformateurs laitiers qui utilisent le lait diafiltré. « Dans le contexte économique actuel, dit-il, pour certains consommateurs, ça fait une différence. »

D'où provient le lait diafiltré? 

C'est un grand mystère, car les fabricants sont très peu bavards sur l'utilisation de lait diafiltré. 

Peu importe d'où il vient aux États-Unis, les producteurs québécois insistent : il n'est pas produit dans les mêmes conditions que celui qui est fait ici, dans de plus petites fermes. 

Il y a 60 vaches, en moyenne, dans une ferme laitière au Québec, première province productrice au pays. Pour un total d'environ 354 000 vaches dans les étables des producteurs laitiers. C'est à peu près ce que l'on retrouve au Nouveau-Mexique ou au Michigan. La Californie, plus grand État américain producteur de lait, compte près de 2 millions de vaches laitières avec une moyenne d'un peu plus de 1000 vaches par ferme, selon les chiffres du département de l'Agriculture américain. 

Les éleveurs américains utilisent aussi de la somatropine en production laitière, une hormone de croissance qui n'est plus utilisée au Canada. « Nous avons cessé de l'utiliser pour des raisons de bien-être animal, précise François Dumontier, porte-parole des Producteurs de lait du Québec. Nous sommes très fiers de ça. » 

Serge Riendeau, président de la coopérative Agropur, précise toutefois : « C'est un produit qui répond à tous les standards de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. » Agropur l'utilise dans ses fromages et yogourts. Serge Riendeau affirme que la coopérative cessera d'utiliser le lait diafiltré le jour où Ottawa demandera à tous ses utilisateurs de comptabiliser son utilisation dans la limite des protéines laitières permise en fabrication fromagère.