De l'agneau en France, du cabri en Corse, du pain brioché en Italie, du crabe en Guadeloupe et toutes sortes de desserts en Russie : chaque pays se distingue par ses traditions pascales uniques, originales et, surtout, spécifiques. Et si, pour une fois, on ne mangeait pas du jambon à Pâques ?

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi nous mangions religieusement notre jambon à Pâques, alors qu'ailleurs, c'est souvent de l'agneau qui trône sur la table ? D'ailleurs, que reste-t-il de cette tradition québécoise ? Osons quelques hypothèses...

Liane Gauvreau reçoit traditionnellement sa «petite» famille pour le brunch à Pâques : ses filles, leurs conjoints, les petits-enfants, sans oublier les beaux-parents. Au menu, une joyeuse tablée pour déguster quiches, salades, fromages et autres croissants sucrés, le tout arrosé de bon vin, avant de passer aux choses sérieuses : la chasse aux oeufs.

Dans bien des familles québécoises aujourd'hui, Pâques, c'est ça : un prétexte pour réunir la famille pour le brunch, et surtout pour permettre aux enfants, quand enfants il y a, de participer à la chasse aux oeufs. Et quoi qu'en pensent les puristes, ladite chasse a aussi, à sa manière, un petit quelque chose de sacré. «C'est un moment très spécial pour les enfants, à cause de la course aux oeufs. C'est un peu comme les cadeaux à Noël», explique Mme Gauvreau.

Vrai, Pâques n'est plus fêté religieusement. On a perdu, déplore aussi l'auteure France Paradis (Fêtes et rituels), le «sens» symbolique de cette journée : «la renaissance».

Tout ce qui reste, souvent, de la tradition pascale au Québec, c'est le jambon. Et encore. «Nos parents faisaient toujours un jambon à l'ananas, mais nous, on n'aime plus vraiment ça, commente Liane Gauvreau. Un gros jambon, je trouve ça moche.» D'ailleurs, qui sait encore cuire la bête selon les règles de l'art ? «Est-ce que les jeunes cuisinent encore ça, du jambon ?» s'interroge Pierre-Luc Chevalier, propriétaire de La cantine, avenue du Mont-Royal, bistro spécialisé dans les plats traditionnels québécois, qui voit toutes sortes de familles se bousculer à ses portes pour le brunch pascal.

Mais au fait, pourquoi diable mange-t-on du jambon plutôt que de l'agneau à Pâques au Québec ? «Une culture s'exprime dans son alimentation et dans ses traditions, répond Jean-Pierre Lemasson, sociologue à l'UQAM, dont la recherche porte entre autres sur le patrimoine culinaire québécois. Or, historiquement, l'agneau a été établi comme la viande des anglophones», avance-t-il.

«J'improvise, précise toutefois le chercheur, parce que personne n'a travaillé spécialement sur ce sujet.»

Du coup, les francophones, «dans une logique d'opposition», ne se sont jamais approprié l'agneau. À l'inverse, le porc, importé par les Français en Nouvelle-France, est devenu «l'aliment préféré des francophones». D'où le jambon («la meilleure partie du porc, la partie prestigieuse, royale») à Pâques, généralement arrosé de sirop d'érable, un autre «rituel du printemps» bien de chez nous.

Et pourquoi faire un brunch, et pas fêter le soir, comme au réveillon ? «Parce que les gens allaient à la messe, puis se réunissaient en famille», répond Philippe Métayer, professeur de cuisine à l'ITHQ. C'est aussi beaucoup plus digeste et... pratique, reprend le sociologue. Pratique ? «Autrefois, on n'avait pas l'électricité. Les rituels alimentaires ne se faisaient pas tellement à la chandelle, mais plutôt le midi.» D'où le brunch de Pâques, qui permet à la fête de s'étirer, tard dans la journée.

Vous recevez demain et vous voulez surprendre vos convives ? La Presse vous propose trois recettes du chef Louis-Philippe Breton, du restaurant Le bouchonné. Et pas de jambon à l'horizon...