Nous avons demandé conseil aux maîtres bouchers d'Aux saveurs des Sévelin, à Longueuil, qui nous ont proposé quelques pièces de viande particulièrement savoureuses sur le gril. Des classiques, des incontournables, mais aussi des trouvailles qui passent encore sous le radar.

L'onglet de boeuf

Nicolas Sévelin, copropriétaire de la boucherie Aux saveurs des Sévelin, s'applique avec minutie en retirant le nerf central qui sépare les deux parties de l'onglet de boeuf.

«Il faut respecter le produit, et cela se perd en épicerie. Moi, quand je fais une coupe, je m'applique à conserver le maximum de viande, explique le jeune homme, qui appartient à une famille où l'on est boucher de père en fils. En épicerie, le travail est parfois grossier, et on jette tout ce qui ne fait pas l'affaire. C'est regrettable. On veut ainsi faire valoir le fait qu'il y a une grande différence entre un vrai boucher et un coupeur de viande. Nous, on fait ce que l'on appelle de la néo-boucherie, qui consiste à connaître son produit de A à Z, de sa provenance jusqu'à la cuisson.»

Nicolas Sévelin, un diplômé en actuariat qui a travaillé six ans en finances avant de revenir à sa passion première, nous apprend ainsi que l'onglet est le pilier du diaphragme du boeuf, un muscle qui ne peut se contracter, ce qui fait qu'il est gorgé de sang.

«C'est super goûteux et super tendre à la base. On doit le manger non vieilli, grillé avec quelques assaisonnements ou avec une marinade au vin rouge et espresso.»

«C'est une viande qui se défait en filaments, un peu comme la bavette, enchaîne celui qui a émigré avec ses parents du sud de la France il y a presque 22 ans. En revanche, la bavette est moins épaisse sur les côtés qu'au centre, il est donc difficile de la cuire saignante sur le BBQ. L'onglet a une épaisseur régulière, il est donc plus aisé de le griller.»

Affirmer qu'un boucher doit non seulement connaître sa viande, mais aussi bien la cuire n'était pas des paroles en l'air. C'est Fabien Brisset, collègue et beau-frère de Nicolas Sévelin, qui s'est déplacé pour faire griller les viandes en vedette de notre dossier. «Il faut que le boucher sache informer ses clients sur la façon de cuire la viande, sinon l'expérience de choisir une bonne pièce n'en vaudra pas la peine», soutient le jeune boucher, recruté en France il y a cinq ans.

Le tomahawk

Tomahawk. En effet, brandir cette impressionnante pièce de viande face à un malheureux intrus devrait avoir l'effet escompté. Mais on aime tout de même mieux voir cette immense côte de boeuf sur la grille du barbecue.

«C'est une mode qui est arrivée il y a environ deux ans, probablement des États-Unis, affirme Fabien Brisset. C'est populaire surtout parce que c'est spectaculaire sur le barbecue. En fait, c'est la même chose qu'un steak de côte, sauf qu'il est plus épais et qu'on laisse une plus grande partie de l'os.»

Son beau-frère Nicolas Sévelin soutient toutefois que laisser l'os pendant la cuisson a pour effet de diffuser davantage de saveur à la viande. L'essentiel est de choisir un tomahawk qui a été tiré d'une section de côte de boeuf vieillie: «On fait mûrir notre viande pendant 70 jours sous environnement contrôlé, à 4 % d'humidité et sous une extrême ventilation, explique le boucher. Cela favorise la prolifération d'enzymes qui ont pour effet de casser la fibre de la viande, la rendant ainsi plus tendre.»

«On choisit aussi de faire vieillir les morceaux de viande les plus persillés. On se retrouve à terme avec un boeuf qui ressemble au Kobé japonais.»

Pour la cuisson, Nicolas Sévelin suggère de recouvrir le tomahawk d'une bonne croûte de sel aromatisé de Joe Beef.

«On laisse reposer une heure à température pièce. Par effet d'osmose, le sel contenu dans le mélange d'épices fera ressortir l'eau de la viande, explique-t-il. Aussi, quand on a une belle pièce de viande comme celle-là, vaut mieux ne pas utiliser de marinade liquide, cela dénature la viande. Un "rub", c'est suffisant.»

Après avoir recouvert la partie exposée de l'os avec du papier aluminium, on fait bien saisir des deux côtés, avant de compléter la cuisson à feu moyen-vif pendant près de 20 minutes pour une cuisson saignante.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Pour la cuisson, Nicolas Sévelin suggère de recouvrir le tomahawk d'une bonne croûte de sel aromatisé de Joe Beef.

L'échine de porc

«Les gens ne savent même pas que l'échine de porc existe, se désole Nicolas Sévelin. Ailleurs, elle passe surtout en porc haché, mais nous avons fait un effort d'éducation auprès de notre clientèle pour lui faire découvrir de nouvelles coupes de viande.»

«D'ailleurs, je crois que les gens commencent à être plus sensibles, et j'essaie de contribuer à ma façon. Je pense que ma passion est assez grande pour que je puisse faire une différence», poursuit-il.

L'effort d'éducation du boucher a porté ses fruits, du moins chez l'auteur de ces lignes, qui n'avait humblement jamais été sensibilisé aux vertus de cette partie du porc, qui correspond grosso modo à la nuque de la bête.

«L'échine offre un beau persillage, plus encore que les côtelettes, ce qui permet de diffuser encore davantage les saveurs.»

«Pour le barbecue, on veut des pièces de viande qui ont plus de corps, plus de goût, parce qu'autrement, tout finit par goûter la même chose, surtout quand on utilise le même mélange d'épice», explique Nicolas Sévelin.

Très bon en effiloché, l'échine a aussi l'avantage d'avoir un excellent rapport qualité-prix, en raison de sa relative impopularité. «Contrairement au boeuf, qui a presque triplé de valeur en 15 ans, le prix du porc est resté très stable, affirme M. Sévelin. Sa popularité n'a pas vraiment augmenté au Québec, il part surtout en exportation, en Asie notamment. L'échine coûte donc entre 3 et 6 $ la tranche, il n'y a aucune perte, il est délicieux sur le gril, mais aussi en caquelon ou à la mijoteuse.»

Idéalement marinées - «on vend 90 % de nos échines en marinades, car elles demandent une sauce rafraîchissante», précise Nicolas Sévelin -, elles peuvent aussi être cuites sur le barbecue sans marinade, avec un peu d'huile d'olive, pour éviter que la pièce ne colle à la grille. «Elle doit aussi être mangée bien cuite, recommande son collègue Fabien Brisset. Pour que le gras intramusculaire se diffuse dans la chair, de façon à ce que ça apporte du moelleux à la viande.»

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Très bon en effiloché, l'échine a aussi l'avantage d'avoir un excellent rapport qualité-prix, en raison de sa relative impopularité.

La côte d'agneau

Pour l'agneau, Nicolas Sévelin ne s'approvisionne qu'au Québec, chez un petit producteur de Saint-Patrice-de-Beaurivage, dans la région de Lotbinière.

«L'agneau du Québec n'a pas beaucoup de pelage, son goût est plus fin que celui de l'agneau de la Nouvelle-Zélande, qui goûte plus la laine, explique le boucher. L'agneau d'ici ressemble davantage à celui que l'on élève dans les Alpes, où il monte en altitude l'été. Ici, comme il ne fait jamais très chaud, les bêtes respirent bien.»

Cuites saignantes, les côtes d'agneau fondent en effet dans la bouche. «C'est un peu comme le tomahawk de boeuf, mais on laisse le flanc, fait remarquer M. Sévelin.

«On mange souvent ça avec les mains, on s'en met un peu partout dans la barbe, mais c'est ça qui est bon!»

«Aussi, pas la peine de retirer trop de gras, ça permet à la viande de ne pas trop coller sur le gril et ça donne du corps à la pièce», suggère le boucher.

Pour lui donner des accents méditerranéens, on peut le faire passer 24 heures en marinade. Mais il faut éviter d'utiliser du sel, qui a pour effet de faire durcir la viande après un certain temps.

Pour la cuisson, 7 ou 8 minutes à feu très vif suffisent. Il faut bien saisir la viande de chaque côté, et compléter la cuisson en retournant la viande quelques fois.

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Pour la cuisson, 7 ou 8 minutes à feu très vif suffisent. Il faut bien saisir la côte d'agneau de chaque côté, et compléter la cuisson en retournant la viande quelques fois.

La pintade

Plus onctueuse et plus faisandée que le poulet, une pintade coûte autour de 20 ou 22 $ et peut nourrir trois ou quatre personnes. Elle est aussi particulièrement facile à apprêter sur le barbecue.

«On demande au boucher de la préparer en crapaudine, car la cuisson de la chair est plus uniforme de cette façon, explique Nicolas Sévelin. On enfile quelques baguettes de bois dans la chair de la volaille pour permettre au morceau de se tenir. On commence la cuisson sur papier d'aluminium, à feu indirect, sans préchauffer le barbecue, à 175 ºC [350 °F].»

Au bout d'une heure, on vérifie si on arrive à tordre facilement les articulations de la pintade. Si c'est le cas, c'est cuit. «On peut aussi utiliser un thermomètre à viande, planté dans la poitrine sans toucher à l'os - les os chauffent plus rapidement que la chair, ça peut fausser la lecture, avertit Nicolas Sévelin. La température de cuisson idéale est de 74 ºC [165 ºF].»

On termine en faisant griller le morceau de chaque côté à feu vif pendant 90 secondes.

Si on lui applique une marinade, il ne faut pas la laisser reposer plus de 24 heures avant la cuisson, la chair risquant de se raidir.

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La pintade est, comme le poulet, particulièrement facile à apprêter sur le barbecue.