Elle vit dans un château du Médoc, avec ses cinq enfants. Parfois sept, lorsque les grands enfants de son mari islandais sont en visite. La famille compte aussi 14 chiens, qui se baladent dans la maison. Surtout lorsque la maîtresse est aux fourneaux. Portrait d'une cuisinière pas comme les autres...

Sans le vouloir, Mimi Thorisson est devenue une star de la cuisine en France, aux États-Unis et un peu partout dans le monde grâce d'abord à la popularité de son blogue, Manger. Elle y raconte, en anglais, sa vie dans la campagne française. Fabuleusement belle, elle a vite été repérée par un producteur français qui lui a offert une émission à Cuisine +. La table de Mimi est aussi présentée ici, à Zeste, depuis quelques mois.

Mais comment une petite fille qui a grandi à Hong Kong, née d'un papa chinois et d'une maman française, se retrouve-t-elle dans le Médoc, «une péninsule détachée du reste de la France» ?

Très simple, explique la principale intéressée. L'appartement parisien était devenu trop petit pour les

quatre enfants et quatre chiens de l'époque. La famille voulait vivre au grand air. Elle est alors partie vers le Médoc, où elle avait trouvé une maison à sa portée. Depuis, le Médoc a été très généreux pour Mimi Thorisson et sa famille.

Un parcours singulier

Petite, Mimi passait beaucoup de temps avec son papa dans les marchés de Hong Kong. Il lui a légué sa gourmandise. Du côté maternel, elle a hérité d'une passion dévorante pour la gastronomie française. Lourd héritage. L'été, lors de ses vacances dans la campagne française, elle cuisinait avec sa grand-maman et sa tante Francine, dont la soupe aux gourganes se retrouve dans le premier livre de Mimi, paru à la fin du mois d'octobre. La jeune Mimi a tôt appris à cuisiner selon les saisons, et c'est toujours ainsi qu'elle procède aujourd'hui. Dans ce qu'elle appelle «la période d'adaptation» qui a suivi son arrivée dans le Médoc, elle est partie à la découverte de ses voisins, producteurs d'artichauts, de fraises ou de vin; éleveurs d'escargots, chasseurs, pêcheurs, boulangères. Et c'est ce qui l'a fait tomber en amour avec cette nouvelle vie de terroir français.

Son blogue est né dans sa cuisine, il y a seulement deux ans, d'un désir de partager ses découvertes et la cuisine française classique. «Je pense que beaucoup de Français ressentent une envie de cuisiner des plats simples et bons - surtout avec des produits de nos marchés, répond Mimi Thorisson lorsqu'on lui demande ce qui explique ce fulgurant succès. Les gens veulent une bonne cuisine locale, faite avec des ingrédients représentant le terroir. Oui, j'aime la cuisine traditionnelle car, pour moi, c'est la meilleure et j'ai grandi avec cette culture.»

Son mari, Oddur Thorisson, étant photographe de grand talent et directeur artistique, le blogue est tout simplement magnifique. Son style est plus chiné qu'épuré; le couple de créateurs ne craint pas les ambiances chaudes, les couleurs foncées et les images chargées. Complètement à contre-courant de la tendance actuelle.

La cuisine de Mimi est rassembleuse, généreuse. Miel, crème, beurre, oeufs, foie gras, vin, fromage, viandes. C'est une cuisine authentique dans laquelle il n'y a pas d'interdits. Tout y est complet et riche. Les recettes comportent de nombreuses étapes, demandent de la patience, et c'est exactement ce qui explique le succès de Mimi. Dans une mer de publications de cuisine, blogues et émissions où les recettes «détox» et smoothies verts sont rois, elle brise le moule. Il y a bel et bien du vert dans ses recettes, mais le légume est souvent accompagné de lardons ou de fromage comté. Son univers n'est pas tout de blanc vêtu.

Une reconnaissance internationale

Mimi Thorisson a fait des études en finances à Londres, puis travaillé dans les médias à Hong Kong et à Paris. Sa précédente carrière l'a beaucoup fait voyager. Elle maîtrise cinq langues. Elle adore raconter des histoires, s'exprime bien et prend régulièrement le temps de répondre aux questions de ses lectrices, qui l'adorent.

On l'a vue dans le Elle français, le Vogue américain, dans des publications coréennes, grecques, norvégiennes, allemandes, où elle se présente comme elle est dans la vie, entourée des siens.

Mimi est maman de Louise, Gaïa, Hudson, Mia et Audrey-May.

Et tous ces chiens?

«C'est une grande passion, confie l'animatrice. Grâce aux chiens, nous avons eu le désir de quitter la ville et savourer l'air de la campagne!»

Cette décision a changé leur vie.

Grâce notamment aux droits de son livre, Mimi et sa famille viennent d'emménager dans leur tout nouveau vieux château. «Nous sommes en plein coeur du Médoc, dans un petit village entouré de vignes, raconte-t-elle. Le château date de 1850. Les propriétaires étaient viticulteurs. Une cuisinière légendaire vivait ici et elle est l'arrière-grand-mère de celui qui nous a vendu la maison. Ce château a beaucoup d'âme, d'histoire, et il m'inspire tant! Je vais organiser des ateliers de cuisine au printemps, ainsi qu'une table d'hôte à l'été.»

«Je veux encourager les gens à prendre des risques et à réaliser leurs rêves, que cela veuille dire de s'acheter une vieille maison de ferme dans la campagne française ou simplement d'essayer une nouvelle recette pour le souper.»

Trois façons de découvrir Mimi

Le livre

A Kitchen in France est un superbe ouvrage. Les recettes y sont présentées par saison. Ça tombe bien, les saisons du Médoc suivent à peu près les nôtres. Dans cet hiver froid, les plats de Mimi sont réconfortants à souhait. Mais attention, on est dans le réconfort chic, celui qui se gagne après pas mal de temps passé aux fourneaux. Sa blanquette de veau nous a demandé plus de 

trois heures de préparation et de cuisson. Mais la cuisine sentait bon les légumes, et le plat a été un succès, tout comme les autres testés: le magnifique chou farci, le coq au vin et les pommes de terre à la lyonnaise. Chacune des recettes comporte plusieurs étapes. C'est l'anti-mijoteuse: on ne fait pas ça en vitesse un soir de semaine. Dans son fond comme dans sa forme, le livre est tout le contraire des livres de cuisine à la mode, comme celui de Gwyneth Paltrow ou même le célèbre magazine Kinfolk et ses émules, qui vivent dans un univers blanc, crème et gris pâle. Et franchement, ça fait beaucoup de bien. Un magnifique cadeau à offrir. 

A Kitchen in France: A Year of Cooking in My Farmhouse, 

de Mimi Thorisson, éd. Potter, 304 p., 46$


Les recettes de Mimi seront publiées en français dans le courant de l'année, chez Hachette. 

La préparation de son deuxième livre est déjà en cours.

Le blogue

Une belle façon de se familiariser avec l'univers de Mimi. Manger est un blogue uniquement en anglais - la langue parlée à la maison multiculturelle des Thorisson. L'auteure y présente sa vie dans son Médoc d'adoption et ses recettes de saison: confit de canard parmentier, osso buco classique, tomates provençales, morue et aïoli, gnocchis à la citrouille, babas au rhum, madeleines... Pour une grande soirée, il y a tout ce qu'il faut, avec des conseils vin parfois, lorsque Mimi rencontre ses voisins producteurs. Car il y a aussi les petites histoires de la vie, la visite au marché, chez le boucher, quelques bonnes adresses à Bordeaux. Pour découvrir le style Mimi en mots, mais surtout en images, celles de son mari, Oddur, qui sont de toute beauté, tant les photos des plats que celles de la nature magnifique du Médoc. Et bien sûr il y a Mimi, les enfants, les chiens...

mimithorisson.com

L'émission

Depuis l'automne, Zeste diffuse La table de Mimi, en version originale française. Des leçons de cuisine tout ce qu'il y a de plus classique, mais avec une réalisation un brin déroutante. C'est le genre d'émission qu'on aime ou qu'on déteste. D'abord, elle a quelque chose d'un peu vieillot. On se croirait parfois dans un vieux film français. Même la trame sonore vient d'une autre époque. Elle est constituée de chansonnettes joyeuses et de versions classiques de succès populaires (Smells like Teen Spirit, vraiment?). Le rythme est lent. Mimi n'est pas une chef, elle coupe les carottes comme ses téléspectateurs, une tranche à la fois.

Et il y a ces erreurs de réalisation surprenantes. Il arrive que le bruit du batteur électrique force l'animatrice à pousser plus haut sa voix déjà bien aiguë. Il arrive aussi que le caméraman peine à suive ses mouvements ou que l'animatrice se tourne pour cuisiner dans sa vraie cuisine et qu'on ne voie que son dos...

On peut se retrouver avec un plan où Mimi a la tête coupée. Et sa table de travail, celle derrière laquelle elle donne ses leçons telle une maîtresse d'école, est franchement trop basse. Pas une cuisinière n'accepterait ces conditions de travail à la maison!

Malgré toutes ces imperfections, qu'on ne verrait jamais dans une émission comme celle de Josée di Stasio, La table de Mimi est de toute beauté. Les images sont souvent magnifiques (encore!). On se trouve dans la vie rêvée de Mimi Thorisson. Pendant que ses magrets de canard sont fumés sur des braises de sarments de vignes (!), Mimi lit The Great Gatsby. Elle pose souvent, a un style irréprochable avec ses jolies ballerines. Elle cueille des fraises avec ses enfants, vêtue d'une petite robe orange et de ses bottes Hunter.

On voit aussi régulièrement un chien passer dans la cuisine ou une petite fille qui mange systématiquement toutes les fraises au chocolat préparées par son frère et sa soeur. Un joli mélange de fiction et de vraie vie.