Ah! le beau rêve romantique d'ouvrir un premier restaurant dans un quartier en pleine transformation. Même si des émissions de téléréalité comme Opening Soon ont déboulonné le mythe de la restauration comme partie de plaisir, les jeunes entrepreneurs n'ont toujours pas conscience des nombreux défis qui les attendent. Exemples.

Les «maudits» tabourets

C'est beau, un long bar noir de 60 pi, mais ça prend beaucoup de tabourets pour y asseoir les clients. Hon! Personne n'avait pensé que 25 tabourets identiques, ça pouvait coûter cher. Après des semaines de recherche, sur Kijiji, dans les reprises de faillite, chez les encanteurs, etc., Elisabeth a enfin trouvé des tabourets neufs coquets et abordables sur l'internet. Mais deux semaines avant l'ouverture, elle a su que son précieux lot ne serait pas livré avant le mois de juin. «À un moment donné, on manque de temps. Ça nous prend 25 tabourets, un point c'est tout, quitte à les payer 200$ chacun.» Pour la réception de mariage qui a eu lieu au Manitoba juste avant l'ouverture, les invités ont donc dû poser leurs fesses sur de vieux tabourets empruntés, certains défoncés. Personne n'a rouspété.

La liste d'épicerie

La veille du mariage, premier événement organisé au Manitoba le vendredi 28 mars, la liste d'épicerie d'Elisabeth s'étendait sur six pages pleines: petites poubelles pour les toilettes, distributrices de savon, miroir, brosse à récurer, ouvre-boîte, une trentaine de bouteilles d'alcool fort, verres à vin, chandelles, serviettes en papier, crochets à poser sous le bar, gants à vaisselle, limonadiers, shakers, verres à shooter, cure-dents, mousseur à lait, glace, alouette. Le jour J, on n'a manqué de rien, ou du moins, ça n'a pas paru.

Le plafond en «croûtes de planches»

Elisabeth et Simon ont hérité d'un lot de «croûtes de planches», c'est-à-dire la partie arrondie, avec écorce, qui reste une fois le tronc transformé en planches. Dans ses temps libres, Elisabeth a épluché, sablé, nettoyé environ 300 planches qui ont ensuite été installées au plafond dans la partie avant du restaurant. «On en a manqué un peu, mais on s'est dit que ça ferait juste plus de lumière pour le barman!», nous a lancé l'un des ouvriers de La Firme, après l'installation des planches.

Le permis d'alcool

L'obtention du permis d'alcool fait cauchemarder bien des restaurateurs. C'est un processus plutôt long, qui exige un dossier monté d'avance par le demandeur (plans de l'architecte, certificat d'immatriculation de la société, certificat d'occupation, menu, carte des vins, etc.) qui est ensuite étudié par la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ). Avant l'obtention du permis, il faut soumettre des photos du lieu (enseigne extérieure, salle à manger, cuisine, etc.) et... attendre. Les antécédents de l'adresse peuvent ralentir le processus. Aussi Elisabeth avait-elle préparé toute une série d'arguments, de plans B, C et D pour réussir à obtenir un permis d'alcool avant le vendredi 28 mars. Le mercredi 26 mars, elle s'est présentée aux bureaux de la RACJ, photos en main, puis en est ressortie moins d'une heure plus tard, permis en main. Ouf! Il y a parfois des choses qui vont bien, dans l'édification d'un restaurant!

Le mariage

Elisabeth avait perdu la voix. Simon avait des cernes jusqu'au menton. Il n'y avait pas de vestiaire. Les verres à vin collaient au bar parce que la dernière couche de résine n'avait pas eu le temps de sécher. La hotte de cuisine a arrêté de fonctionner vers 20h. La vinaigrette ne goûtait pas assez le conifère. Le prix de la bière n'avait pas été décidé. La mariée, enceinte, avait faim et réclamait sa bière sans alcool! ... Mais tout le monde était heureux. Ce fut une excellente répétition générale.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE