«J'vous le sers comment votre agneau ?» La qualité du service en restaurant fait l'objet de plus en plus d'attention, d'après des professionnels entendus à la Coupe du monde des maîtres d'hôtel à Tokyo.

Vingt-quatre serveurs de haut niveau de 14 pays se sont escrimés toute la semaine dernière à découper avec dextérité un carré d'agneau, à préparer le meilleur Irish coffee et à décorer une table du mieux possible.

Au-delà du service toutefois, le maître d'hôtel est attendu sur sa connaissance des aliments.

«La restauration est en plein bouleversement, les clients veulent en savoir plus sur les produits servis», explique Régis Marcon, chef triplement étoilé au guide Michelin avec le Régis et Jacques Marcon, à Saint-Bonnet-le-Froid (centre de la France).

Il insiste sur «la qualité de l'accueil et l'amabilité», mais évoque un désir des clients pour «un service moins guindé, plus décontracté».

Avec d'autres grands chefs, M. Marcon vient de passer une semaine à Tokyo à l'occasion de la Coupe Georges Baptiste Internationale, véritable championnat du monde des maîtres d'hôtel organisé pour la cinquième fois, après des éditions tenues depuis l'an 2000 au Canada, en France, au Mexique et au Vietnam.

Les candidats ont été mis sur le grill par un jury de professionnels: de quelle région vient ce vin rouge (goûté à l'aveugle) et avec quel mets s'allie-t-il le mieux ? Comment faire pour remonter l'acidité d'un tartare de saumon ? Peut-on manger cette volaille rosée ?

Les francophones plus portés sur la cuisine

Au-delà des prix remis au Japonais Shin Miyazaki, lauréat dans la catégorie «professionnel», employé du restaurateur français Joël Robuchon à Tokyo, et à la Danoise Kristina Bengtson, meilleur étudiante maître d'hôtel, le but du concours est de redonner ses lettres de noblesse à un métier parfois méprisé.

«Dans les années 1900, le cuisinier était l'homme de l'ombre, tandis que le maître d'hôtel en pleine lumière constituait la forte personnalité du restaurant. Ensuite, on est passé au «tout cuisinier»» et le service a perdu de son lustre, rappelle Patrick Henriroux, chef deux étoiles à La Pyramide à Vienne (centre-est de la France).

«Aujourd'hui, on essaie d'apporter une expérience globale. L'ambiance et l'atmosphère qui règnent dans un établissement sont primordiales», souligne-t-il.

M. Henriroux a participé à une thèse de doctorat sur les souvenirs conservés par les clients après des repas gastronomiques, soutenue le 16 décembre 2011 par Philomène Bayet-Robert à l'Université Lyon III, et comprenant les interviews de 4000 consommateurs de 60 pays du monde.

«Il en ressort que dans les pays francophones, la cuisine est ce dont les gens se rappellent en premier, puis vient le sens du lieu (l'endroit) et la personnalité (l'accueil par l'équipe de salle)», détaille ce grand chef.

Mais dans les pays anglophones et en Asie, ajoute-t-il, le client se rappelle d'abord de l'endroit, puis de l'accueil et enfin seulement de la cuisine.

«Cela nous incite à rester humble, les gens viennent au restaurant avant tout pour chercher des émotions», conclut M. Henriroux.

Les serveurs sont donc incités à apporter ce petit plus, ce facteur humain qui peut transformer l'impression laissée au client et lui faire apprécier davantage les mets servis.

Mais pour cumuler les connaissances et compétences requises, il faut une formation adéquate. Or en France par exemple, 62% des employés de restaurant ne sont pas formés et les deux tiers des serveurs sortant d'écoles quittent le métier au bout de trois ans.

Le pays dont la gastronomie a été classée par l'Unesco «au patrimoine immatériel de l'humanité» a chuté en six ans de la première à la sixième place mondiale en qualité du service, d'après une étude Ipsos citée par M. Henriroux.

Le chef note de surcroît que le terme «arrogant» est celui qui revient le plus souvent dans la bouche des étrangers pour qualifier les Français.

Pour améliorer la situation, les grands chefs présents à Tokyo ont appelé à augmenter les capacités des écoles hôtelières et à proposer des plans de carrière aux serveurs pour les inciter à rester dans le métier.