Dans les étangs littoraux du Golfe du Lion, en Méditerranée, des ostréiculteurs luttent en faisant preuve d'originalité contre la mortalité des jeunes huîtres qui laisse entrevoir une augmentation des prix pouvant atteindre 20% pour Noël.

Après l'étang de Thau (Hérault), le plus ancien domaine installé depuis 1925, l'ostréiculture a gagné dans l'Aude ceux de Leucate dans les années 1970, et de l'Ayrolle il y a 4 ans dans un ancien parc salin près de Gruissan.

À l'approche des fêtes de Noël, les bateaux à fond plat, les «plates», sillonnent l'étang de Leucate pour se rendre sur les «tables», des assemblages sur pilotis d'où pendent des cordes où sont fixées des huîtres, ou encore des pochons remplis de coquillages prêts à être consommés.

Mais les ostréiculteurs des étangs littoraux, qui s'approvisionnent en jeunes huîtres «Crassostrea gigas» dans les mêmes écloseries que ceux de l'Atlantique (Arcachon, Marennes-Oléron...), sont frappés par la mortalité des naissains et des juvéniles qui touche toutes les côtes françaises et peut aller de 60 à 80% selon les lots.

Aussi, la production de la région devrait se monter cette saison à quelque 8000 tonnes contre les 14 000 de certaines années - 450 contre 800 à Leucate -, et les prix pourraient grimper de 20% pour les fêtes de fin d'année, selon le président des ostréiculteurs de Port-Leucate, Ange Gras.

Représentant un dixième de la production du parc français, la production de Languedoc-Roussillon est vendue à 70% pendant les fêtes de fin d'année, essentiellement dans la région et en Espagne.

Mais les producteurs, soucieux de développer leur marché, veulent affirmer leur spécificité avec une huître «charnue, à la chair fine et au goût de noisette», des qualités dues à un élevage dans les eaux particulières des étangs, mélange d'eaux de mer et douce.

Gym tonique

L'élevage des huîtres en Méditerranée, souligne M. Gras, présente d'abord une originalité majeure: en l'absence du système des marées, les coquillages sont en permanence immergés.

Ainsi, ils restent toujours ouverts pour se nourrir et arrivent à maturité beaucoup plus rapidement que leurs congénères de l'Atlantique: en 18 mois au lieu de 3 ans dans l'océan, selon l'éleveur.

D'autant que cette croissance, note M. Gras, est favorisée à Leucate par une grande richesse en phytoplancton, principal aliment de l'huître, qui se développe grâce à l'apport d'eau douce provenant des rivières qui se jettent dans l'étang, et des sources de Salses riches en sels minéraux.

Les 24 ostréiculteurs de l'étang profitent également d'une autre particularité: la forte salinité de la Méditerranée, pouvant atteindre 40 grammes pour un litre d'eau, contre 30 pour l'Atlantique.

Ce phénomène limite la reproduction de l'huître, qui n'est donc pas «laiteuse», et moins appréciée des consommateurs, qu'un mois par an au lieu de plusieurs pour celles de l'Atlantique.

Sur l'étang d'Ayrolle, la société Someval est allée plus loin dans la spécificité, créant une huître unique en cumulant les avantages de la Méditerranée et des marées de l'Atlantique, la «spéciale de l'île Saint-Martin». «Une huître de connaisseurs», annonce son directeur, Patrice Gabanou.

Les huîtres adultes sont placées pour un affinage de trois mois sur des tables dans d'anciens bassins de salins, où l'on peut maîtriser les entrées et les sorties d'eau. Il est donc possible d'exonder et d'immerger à volonté les coquillages, qui se ferment dès qu'ils sont à l'air libre, et s'ouvrent à nouveau une fois dans l'eau.