L'équipe de la boucherie Fleisher's et ses colorés propriétaires, Joshua et Jessica Applestone, sont à l'origine d'un engouement plutôt inattendu pour la boucherie chez les jeunes branchés de la Grosse Pomme et d'ailleurs. Depuis leur ouverture, en 2004, ils ne cessent d'apprendre aux clients ou aux futurs bouchers à se soucier de la provenance de leur viande, à apprécier toutes les parties de l'animal et à la cuisiner avec soin.

Le couple - lui cuisinier, elle auteure - n'avait pas l'intention de se lancer dans la boucherie lorsqu'il s'est installé à Kingston, village à deux heures de New York et à quatre heures de Montréal, dans la vallée de l'Hudson. Ils pensaient plutôt ouvrir un café et servir des petits-déjeuners. Pourquoi Kingston? «Parce que les loyers n'étaient vraiment pas chers!», lance Josh, avec sa franchise notoire.

Mais en se promenant de ferme en ferme, de marché en marché, les deux ex-végétaliens devenus défenseurs d'une viande bien élevée ont réalisé qu'aucune épicerie locale ne vendait la viande biologique des producteurs du coin. De plus, les restaurateurs de la grande ville se cassaient la tête pour trouver de la viande «locale», alors que des milliers de bovins, de porcs Berkshire et de chèvres broutaient dans leur verdoyante arrière-cour.

C'est ainsi que Joshua et Jessica sont devenus bouchers et «entremetteurs». En 2004, ils ont ouvert Fleisher's et créé un contact entre restaurateurs et fermiers de la vallée. Pour assurer des livraisons régulières, les Applestone ont même pris en charge la transformation des bêtes dans les meilleures conditions possible, en conduisant en même temps à l'abattoir les animaux de plusieurs petites fermes.

Pour Joshua, la boucherie avait quelque chose du retour aux sources. Son grand-père et son arrière-grand-père avaient été bouchers à Brooklyn. Mais c'était surtout une posture éthique et philosophique: «Nous avons voulu créer un endroit où les clients peuvent avoir la certitude d'acheter de la viande sans hormones ni antibiotiques, élevée et abattue dans les meilleures conditions possible», explique le moustachu gaillard.

Chez Fleisher's, comme dans toute bonne boucherie, rien ne se perd. Les os servent à faire des fonds, les abats non réclamés vont au resto d'en face, les restes finissent en saucisses ou en charcuteries. On fait même du savon avec la graisse de boeuf. C'est cette approche nose to tail (du museau à la queue) qui séduit tant de nouveaux adeptes de la boucherie.

Mentorat populaire

Lors de notre visite à Kingston, nous avons croisé deux restaurateurs de Philadelphie, des retraités curieux et un ex-banquier de Manhattan, unis par la viande. Ils s'étaient tous inscrits au cours de boucherie 101 pour en apprendre plus sur la viande ou pour voir s'ils avaient la vocation. Malgré un petit regain de popularité ici et là, la boucherie reste un métier difficile et pas du tout glamour.

Au départ, Joshua et son équipe accueillaient les apprentis à bras ouverts, les formant gratuitement. Julie Powell, auteure du blogue devenu livre devenu film Julie&Julia, a fait partie de ces premiers apprentis bouchers. Elle en a tiré un deuxième ouvrage autobiographique: Cleaving.

Mais la demande pour le «mentorat» est devenue si importante que Fleisher's a créé plusieurs programmes de formation, dont la plus complète, qui dure de 6 à 8 semaines, coûte pas moins de 10 000$.

À seulement quatre heures de Montréal, Fleisher's a tissé des liens avec la métropole québécoise. En mars, le restaurant Joe Beef a accueilli Joshua et quelques-uns de ses employés pour concocter un «Butcher Black Out», repas bien carné en huit services composé entre autres de charcuteries, de joue de veau, de couenne et de flanc de porc, de chevreau et d'entrecôte cuite en croûte de sel.

De plus, le stylisme culinaire du premier livre de Fleisher's, The Butcher's Guide to Well-Raised Meat (qui doit sortir le 7 juin), a été réalisé par la Montréalaise Kendra McKnight.

Mais ce n'est pas chez nous que Fleisher's a l'intention d'ouvrir sa deuxième boucherie. L'honneur reviendra au quartier Park Slope,à Brooklyn.