Au début du XXe siècle, les pêcheurs américains avaient l'habitude de visiter au moins trois lacs par jour durant leur expédition dans l'actuelle réserve de Mastigouche. Une journée comprenait toujours une pause avec la préparation d'un «shorelunch».

Au menu: une fricassée de lard, de pommes de terre et d'oignons pour accompagner des truites fraîchement pêchées, se souvient le doyen des gardiens du secteur Shawinigan de la réserve de Mastigouche, Patrick Lemay. Et il y avait toujours un grand pot de thé pour compléter.

 

Le club Commodore a cessé d'exister à la fin des années 70 pour faire partie de la réserve faunique de Mastigouche. Le gouvernement de l'époque a mis fin au règne des clubs privés au Québec pour donner accès au grand public. Les chalets en bois rond construits vers 1905 peuvent aujourd'hui être loués. Un territoire de plus de 400 lacs à explorer et autant de rives pour y faire un dîner d'antan.

Louis-François Marcotte, chef propriétaire du restaurant Le Local, se souvient d'avoir séjourné enfant dans le chalet principal de cet ancien club. «Je pense avoir pris goût à la cuisine lors des grand repas préparés dans des endroits comme ici», confie-t-il. Les truites fraîches ont d'ailleurs inspiré le jeune chef et son acolyte, Charles-Emmanuel Pariseau. Les deux chefs ont réalisé l'un des fantasmes ultimes des pêcheurs: cuisiner des poissons dès leur capture. Nous les avons avalés à peine 45 minutes après qu'ils eurent mordu sur nos muddlers.

Le tartare

Pendant que l'un découpait des filets à la chair orangée, l'autre préparait une mayonnaise toute simple pour assembler un tartare. Avec l'ancre jetée au milieu d'une petite baie, les insectes étaient trop loin pour importuner les pêcheurs. Une bouteille de vin blanc frais, quelques croûtons de pain et le tartare ont transformé une sortie de pêche en expérience gastronomique.

Il faut quand même être très motivé pour se lancer dans ce genre de prouesses culinaires. La préparation d'un repas sur la rive s'avère plus facile. Un feu pour les plus conservateurs ou un BBQ portable pour les paresseux est tout de même nécessaire.

Pour accompagner le poisson, Louis-François Marcotte a très peu changé le classique mélange de lard, d'oignons et de pommes de terre bien caramélisé. Il suffit d'un peu de sel pour faire dégorger les oignons de leur eau et éviter de trop brasser les légumes pour leur permettre de bien dorer, conseille Charles-Emmanuel Pariseau.

 

Pour la truite, si vous avez une belle prise, gardez-la toute entière. Autrement, prélevez des filets. Le réflexe culinaire des pêcheurs est souvent de passer le poisson frais dans de la farine pour ensuite les faire rôtir dans le beurre ou l'huile. Le chef propriétaire du Local propose une petite variante: la semoule de maïs fine. Avec un filet d'huile, les filets deviennent croustillants.Pour la truite entière, on peut laisser son imagination courir, mais le mélange échalotes, citron et ail rôti de Louis-François Marcotte était tout à fait réussi. Pour varier, le chef propriétaire du Local a aussi imaginé des filets de poisson avec une julienne de légumes fumé aux copeaux de bois.

Voilà des recettes d'exécution simple remisant au placard la truite enfarinée et rissolée. Et voici beaucoup de calories pour retourner au plus vite se creuser l'appétit en rêvant d'attraper un poisson gigantesque.

Les frais d'hébergement et de pêche de ce reportage ont été payés par la SEPAQ.

Photo: Martin Tremblay, La Presse