Les vacances des Fêtes sont terminées: tout le monde a retrouvé son train-train quotidien... et les petits-déjeuners avalés en vitesse. Le week-end venu, on profite de précieux moments passés entre amis grâce à un brunch gourmand que l'on prend le temps de faire et de savourer. Moments bénis. Madeleines de Proust pilotées par Albert Elbilia, boulanger d'exception qui nous ouvre son fournil pour l'occasion.

Et dire que tout a commencé pour faire plaisir à une gamine. Par sa faute. Ou plutôt grâce à elle.

Car Albert Elbilia, qu'on classera aisément parmi les meilleurs boulangers au nord de Montréal, n'avait jamais, au grand jamais, pétri le moindre pain avant de répondre à la demande de sa fille. C'était il y a un peu moins de 10 ans et la première expérience fut catastrophique, mais le photographe designer apprit si vite et si bien qu'il signa dans le temps de le dire un best-seller de la boulangerie (Boulange et boustifaille, éditions de l'Homme, 2014), avant d'ouvrir sa propre échoppe, dont le succès est tel qu'on atteint déjà les prévisions de croissance établies pour 2020... Lui qui avait promis de ne jamais faire ce métier!

«Ouais, c'est vrai que j'avais juré de ne pas devenir boulanger.»

Un enfant pris la main dans le sac: il n'avait pas prévu qu'il aimerait ça autant. Depuis un peu plus d'un an maintenant, Albert Elbilia accueille les clients à Prévost, dans les Laurentides, dans une microboulangerie chaleureuse comme on n'aurait jamais imaginé en trouver sur le boulevard  Curé-Labelle.

La cuisine du chef de famille de cinq enfants est gourmande et nourrissante, parfaite après un après-midi passé à jouer dehors. Simple, aussi, pour convenir à sa belle-mère qui lui donne un coup de main en cuisine et qui apprend sur le tas, mais une cuisine aux gestes précis: il compte plusieurs chefs parmi ses amis, dont Stelio Perombelon, pour le guider.

Ses clients viennent ainsi chercher chez lui des biscuits pas possibles (divins, au matcha), des soupes nourrissantes et, surtout, des pains d'exception, dont il laisse fermenter  les pâtes jusqu'à 140 heures avant de les enfourner, histoire d'obtenir un résultat le plus digeste possible, selon ses dires. Excellents, selon nos dires. «Ma façon de boulanger a beaucoup changé depuis le livre. Il y a plusieurs recettes que je fais différemment», dit-il.

Le succès aidant, «j'ai pris confiance en moi et je me permets maintenant de sortir des règles établies», explique le boulanger, montrant du doigt de grands bacs où vieillissent des pâtes depuis un, deux, trois, voire quatre jours. Quand il ouvre un couvercle, le parfum qui s'en échappe est frais, sans acidité. Les pâtes sont boursouflées de bulles qui atteignent parfois la taille d'un oeuf. Et pourtant, il n'utilise qu'une infime proportion - 1 % environ - de la quantité de levure recommandée dans les manuels de boulangerie traditionnelle, affirme-t-il.

Il aime le khorasan, le seigle, les farines anciennes, et de moins en moins la farine blanche. Et surtout, il aime expérimenter. Par exemple en inventant la recette de ces fameux biscuits dont la pâte est fermentée à froid pendant une centaine d'heures avant la cuisson. C'est sa conjointe qui a insisté pour qu'il y ait des biscuits à la boulangerie. Il a refusé, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle  se décide à en faire et à les apporter à la boutique. «Là, j'ai dit OK, je vais en faire, mais qui seront vraiment excellents.» Ou encore en préparant des madeleines qui, au lieu d'être sucrées, seront salées. «Il y en  a qui diront que c'est un sacrilège, moi, je trouve ça vraiment bon.»

On retrouve encore des traces d'Albert le photographe designer dans le soin qu'il accorde à l'esthétique de ses plats. Mais Albert, le boulanger, est entré dans une classe à part. Il n'a pas fini de surprendre  ses clients, ou ses amis pour le brunch. On tâchera de suivre son exemple à la maison.

Note: La boulangerie Merci la vie sera fermée pour donner un petit répit à la famille Elbilia du 9 janvier au 17 janvier inclusivement.