Les parents qui partagent la garde de leurs enfants ont parfois (!) des intérêts différents. L'un veut inscrire son enfant à des cours de ski, l'autre trouve que c'est trop cher et trop loin. Solution : des stations de ski - et d'autres organismes de sports et de loisirs - commencent à offrir des leçons une semaine sur deux.

Loisirs alternés

Suivre des cours de ski alpin seulement un week-end sur deux. C'est ce qu'offrent les centres de ski La Réserve, à Saint-Donat, et Belle Neige, à Val-Morin. « On a voulu s'adapter aux familles en garde partagée, explique Antoine Tétreault-Paquin, directeur de l'école de ski La Réserve. Quand un seul des deux parents est passionné de ski, ça lui permet d'emmener son enfant durant la fin de semaine où il en a la garde. » Sans avoir à payer le plein tarif, en sachant d'avance que le jeune ratera 50 % des cours.

Au Québec, en 2011, près de 30 % des enfants ne vivaient pas dans une famille biparentale, selon le ministère de la Famille. Cela fait bien des clients potentiels pour ces nouvelles formules, qui peuvent aussi intéresser les familles nucléaires en quête de souplesse.

Pas envie de ski ? Plusieurs autres activités sont proposées en alternance.

À Québec, il est possible depuis l'automne de s'inscrire à 7 des 14 séances d'entraînement parents-enfants donnés par Pair-Forme. « Des gens m'ont demandé de venir juste une semaine sur deux, et je me suis dit : "Pourquoi pas ?", indique Guillaume Drouin, kinésiologue et fondateur de Pair-Forme. J'essaie de mettre l'accent sur la flexibilité. Tout le monde n'a pas un horaire régulier. »

Le club de triathlon Tri-O-Lacs de Vaudreuil-Soulanges accorde, quant à lui, un rabais de 100 $ sur le forfait annuel « pour un enfant qui est présent à l'entraînement une fin de semaine sur deux », précise Marie-France Beaumont, vice-présidente du club.

Même la natation s'y prête. Afin « de permettre à des enfants en garde partagée d'apprendre à nager », le Groupe aquatique Mille-Îles Nord offre des cours de natation un week-end sur deux, à Sainte-Thérèse. Les enfants vont à la piscine le samedi et le dimanche, la première fin de semaine. La suivante, ils n'y vont pas. À la fin du trimestre, ils ont passé autant d'heures à apprivoiser le crawl que leurs copains des cours hebdomadaires.

MÊME COURBE DE PROGRESSION

L'an dernier, une trentaine d'enfants étaient inscrits un week-end sur deux à La Réserve. Leurs groupes étaient distincts de ceux qui skient toutes les fins de semaine. « Ça permet aux enfants d'avoir la même courbe de progression », souligne Antoine Tétreault-Paquin. Est-ce suffisant pour s'améliorer ? « Oui, affirme-t-il. Quand on skie avec un groupe, on rentre moins souvent pour prendre un chocolat chaud que lorsqu'on est avec papa ou maman. »

Il faut dire qu'à La Réserve, le programme en alternance comprend 4 heures de cours données en avant-midi et en après-midi, pendant 5 samedis, pour un total de 20 heures de formation. « Ce n'est pas juste le matin, fait valoir Antoine Tétreault-Paquin. Sinon, on n'aurait pas assez d'heures de cours pour bien développer nos jeunes. »

Chez Pair-Forme, qui propose des circuits, parcours, relais et jeux, les familles qui viennent une semaine sur deux ratent la moitié des séances. « Mais même s'ils en manquent, ils ne sont pas en retard par rapport aux autres familles, étant donnée la manière dont les cours sont faits », assure Guillaume Drouin.

HORAIRES DE GARDE COMPLIQUÉS

Est-ce un coup de pouce apprécié des parents séparés ? « Toutes les idées pour que le parent gardien dans une famille monoparentale puisse avoir des moments de calme, de solitude et de détente sont bonnes », commente Luc Albert, directeur général de l'Association des familles monoparentales et recomposées de l'Outaouais.

Mais aucune formule n'est parfaite, ne serait-ce qu'en raison de la complexité des horaires de garde actuels. « Chaque cas est différent, ce n'est pas aussi simple qu'une semaine chez maman et une semaine chez papa », indique M. Albert. Autre hic : le coût élevé de plusieurs cours. « Il ne faut pas oublier que beaucoup de familles monoparentales ont une situation financière précaire », souligne-t-il.

MOINS BON POUR LA MUSIQUE

Certaines activités, comme les cours de musique, se prêtent moins bien au rythme bimensuel. Manon Chénard-Marcotte, propriétaire d'une école de musique qui porte son nom à Cap-Santé, a huit élèves adultes qui suivent des cours toutes les deux semaines. « Je ne conseille toutefois pas cette formule aux enfants, dit-elle. La première semaine, ils ne pratiquent pas en se disant qu'ils auront le temps de le faire d'ici deux semaines. Et s'ils pratiquent pendant deux semaines sans supervision du prof, une erreur peut entrer dans leur "disque dur". C'est décourageant, ensuite, de défaire ce qu'ils ont mis deux semaines à mal faire. Dans le meilleur des mondes, il vaut mieux venir 30 minutes par semaine que 60 minutes toutes les deux semaines. »

Il reste « qu'il faut s'adapter aux parents », estime Antoine Tétreault-Paquin. Les séparations surviennent alors que les enfants sont de plus en plus jeunes, selon une étude du ministère de la Famille présentée au dernier congrès de l'ACFAS. Un quart des enfants nés à la fin des années 90 ont connu la séparation ou le divorce de leurs parents avant l'âge de 5 ans et demi. Soit avant d'apprendre à nager ou à skier... « Des parents changent de montagne pour venir chez nous, parce qu'on offre ce service de cours alternatifs », assure M. Tétreault-Paquin.

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Mise en forme parents-enfants

Entraînement pair-forme, Québec

Natation

Groupe Aquatique Milles-Îles Nord, Sainte-Thérèse

Ski alpin

Belle Neige, Val-Morin

Ski La Réserve, Saint-Donat

Triathlon

Club de triathlon Tri-O-Lacs, Vaudreuil-Soulanges

Note : Liste non exhaustive

Photo fournie par l’école de ski La Réserve

Leçon de ski alpin à La Réserve de Saint-Donat, dans Lanaudière. Le programme alternatif propose cinq samedis de cours, pour 330 $ par enfant.

L'avis de deux familles

Deux familles témoignent de leur participation à des activités un week-end sur deux, pour des raisons différentes.

NE PAS PAYER POUR RIEN

Il y a trois ans, Jean-Claude Lachapelle a eu l'idée de demander au club de triathlon Tri-O-Lacs un rabais pour les enfants en garde partagée qui vont aux entraînements un week-end sur deux. C'est le cas de son fils Marc-André, 15 ans, élève en sports-études de triathlon au collège Bourget de Rigaud et membre de Tri-O-Lacs. « Je ne voulais pas payer pour rien », explique M. Lachapelle, qui a été heureux de voir sa requête acceptée par le club. « Le triathlon, c'est le fun parce qu'il faut toujours repousser ses limites, témoigne Marc-André, qui a commencé à 5 ans. J'aime aller vite, ce que je fais en vélo. C'est aussi un sport qui donne beaucoup de liberté. »

POUR LE PLAISIR DE SKIER AILLEURS

Émile et William Legris, des jumeaux de 11 ans, suivront des leçons de ski à La Réserve un week-end sur deux, à compter de janvier. Ce sera leur troisième hiver dans ce programme alternatif, alors que leurs parents ne sont pas séparés. « On a choisi cette formule parce que ça nous évite d'aller à La Réserve toutes les semaines », explique Frédéric Legris, leur père. « Les samedis où les jumeaux n'ont pas de cours, on peut aller à une autre montagne, indique-t-il. Les enfants aiment beaucoup skier avec nous, ce qu'ils n'ont pas beaucoup le temps de faire quand ils ont leurs cours. C'est le fun, une semaine sur deux, d'être ensemble. » Au besoin, la famille profite du week-end sans leçons de ski pour rester en ville au lieu d'aller au chalet. « À skier toujours au même endroit, on s'isole du reste de la population », observe M. Legris.

Mieux que de rater la moitié des cours

Est-ce une bonne idée d'inscrire un enfant à un cours bimensuel ? Marie-Ève Mathieu, professeure au département de kinésiologie de l'Université de Montréal et directrice du laboratoire Activité physique et santé, en a discuté avec La Presse.

Que faut-il penser des activités sportives offertes une semaine sur deux ?

Si c'est planifié une semaine sur deux, c'est beaucoup mieux que si un enfant suit un cours régulier et manque la moitié des cours. Dans ce cas-là, la progression n'est pas respectée. Le jeune se sent ou se retrouve rapidement en retard sur les autres. Cela peut créer un problème. Offrir des cours qui ont lieu une semaine sur deux est une avenue plus intéressante.

N'est-ce pas inquiétant de diminuer les heures consacrées au sport ?

Ce n'est pas un pas dans la bonne direction d'enlever des cours. Mais il faut considérer que, sauf exception, les cours ne seront de toute façon jamais suffisants pour atteindre le niveau d'activité physique requis. Un enfant devrait faire 60 minutes d'activité physique d'intensité moyenne à élevée tous les jours. Un cours de fin de semaine ou un cours d'éducation physique, ça permet d'apprendre des habiletés qu'il faut pratiquer ensuite. C'est comme la lecture : il ne faut pas juste lire dans les cours de français.

Peut-on maîtriser un sport en le pratiquant deux fois par mois ?

Si le jeune ne fait pas de ski alpin un week-end sur deux, il peut être difficile pour lui d'y arriver. Surtout que le ski, on en fait pendant une période très courte de l'année. Si un enfant fait de la natation une fin de semaine sur deux, mais 10 mois par année, ce n'est pas si mal. Il faut s'assurer que l'enfant puisse atteindre le niveau de base pour avoir du plaisir dans sa pratique sportive.

Quels sont vos conseils ?

Il faut voir comment l'enfant réagit s'il pratique un sport une semaine sur deux. Il y a sûrement des jeunes qui s'adaptent bien et d'autres qui trouvent ça difficile. Ce sont des loisirs. Il faut parfois être sage et considérer une activité plus viable, si ça ne fonctionne pas. Mais il est intéressant que les milieux essaient de se réinventer. Inscrire des enfants à des activités sportives, c'est un gros engagement pour les familles. On en voit qui font presque des burn-out sportifs. Peut-être que si le sport est offert une semaine sur deux, ça permettra aux enfants de souffler.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

« Suivre un cours offert une semaine sur deux, ça peut être une idée intéressante, estime Marie-Ève Mathieu, professeure au département de kinésiologie de l'Université de Montréal. C'est mieux que de rater la moitié des cours, ce qui est décourageant. »