Rares sont les gens qui n'ont jamais l'impression de manquer de temps. Mais ce n'est pas seulement une impression.

Selon une étude de Statistique Canada publiée en avril dernier, le nombre moyen d'heures travaillées des couples canadiens a augmenté de 13% depuis 30 ans.

 

Une autre étude réalisée il y a deux ans a révélé que le tiers des Canadiens se considèrent comme des bourreaux de travail. Non seulement ils sont plus stressés que les autres travailleurs quand ils manquent de temps (71%, contre 58%), ils regrettent de ne pas passer suffisamment de temps avec leur famille (70%, contre 45%).

«Plus du tiers des Canadiens peuvent être classés dans la catégorie des personnes fortement stressées, principalement à cause de leur travail», peut-on lire dans une troisième étude, que Gilles Pronovost, professeur à l'Université du Québec à Montréal, a réalisée à partir des enquêtes de Statistique Canada. «Tout indique que nous vivons dans une société malade du temps», écrit le chercheur.

François Gamonnet, le fondateur de l'Institut de gestion du temps, a même trouvé un nom pour les gens qui ont l'impression constante que 24 heures ne suffisent pas dans une seule journée: la «tempsdinite». «On sous-évalue le temps et on surévalue ses capacités», résume celui qui est une sorte de «docteur du temps».

Pourtant, dit le consultant qui ne jure que par le logiciel Outlook, «une journée est bien assez longue pour une personne organisée».

À l'ère des BlackBerry et des portables, pourquoi cette obsession du temps? «Ce qui a changé depuis 30 ans, c'est le concept de vitesse des communications. Nous sommes loin de la vitesse de l'homme qui marche, ironise François Gamonnet. Nous avons des outils qui nous permettent d'aller vite. Mais est-ce que nous savons piloter à la vitesse de nos outils? Non.»

«Le monde du travail d'aujourd'hui, où tout va vite, nous empêche d'adopter des comportements qui sont guidés par l'efficacité, poursuit-il. Comme si un pompier passait son temps à éteindre des incendies, sans voir qu'il y a un pyromane derrière lui.»

Cinq symptômes

Selon la méthode Gamonnet, la tempsdinite se traduit par cinq symptômes. Il y a la «lofophilie», soit l'incapacité à réaliser des tâches dans les délais prévus. Il y a aussi la «chronophagie», qui concerne les gens qui se sentent constamment dérangés par les autres et leur environnement. «Le cellulaire, les collègues de travail, les visiteurs, le BlackBerry», énumère François Gamonnet.

Il y aussi la «ouite», qui touche les travailleurs qui disent oui à tout. Le fondateur de l'Institut de gestion du temps leur conseille de négocier avec leurs collègues en leur disant, par exemple: «Je peux remettre cela demain, mais l'autre devra attendre à la semaine prochaine.»

Enfin, il y a la «réunionite» et la «courrielite», qui affectent les gens qui ont l'impression d'être constamment en réunion ou de ne jamais voir le fond de leur boîte de courriels.

Le spécialiste en gestion de temps demande d'abord à ses clients de noter tout ce qu'ils font: 15 minutes de courriels, 5 minutes au téléphone avec tel client, 10 minutes dans le bureau du patron, etc. «Les gens prennent conscience de la durée prévue et de la durée réelle pour accomplir une tâche. Au bout du compte, ils vont récupérer du temps gaspillé en ayant conscience de leur comportement.»

Doit-on nécessairement interrompre une tâche pour répondre à un courriel? La rédaction de tel document qui n'était pas urgente valait-elle vraiment deux heures de travail? «Il faut être efficace et efficient, et établir le budget du temps nécessaire et suffisant à telle tâche, et juger si cela est une priorité», résume François Gamonnet.

Il faut même prévoir du temps pour gérer son temps. «Il ne faut pas y passer toutes ses journées, mais ne pas le gérer prend encore plus de temps.»

«Chaque personne peut perdre facilement une heure par jour, dit François Gamonnet. Le travail est un sport d'équipe, mais les règles du jeu sont individuelles. C'est pour cela que tout le monde court dans tous les sens.»