Martin et Judith sont les parents de Justin, un charmant garçon âgé de quatre ans. Ce dernier évolue très bien à la garderie et s'intègre socialement. Les parents sont heureux de voir que leur fils s'est bien adapté à plusieurs situations qu'il a vécues depuis sa naissance, car ils le croyaient à risque de développer des symptômes d'anxiété.

En effet, Martin souffre d'anxiété depuis qu'il est enfant et il s'inquiétait de transmettre cette tendance à son fils. Heureusement, il a entrepris une démarche en psychothérapie lorsque Judith était enceinte de Justin, et il contrôle maintenant beaucoup mieux ses symptômes. De plus, Judith n'est pas du tout anxieuse... elle a même un petit côté fonceur et téméraire! Martin et elle croient que Justin aurait hérité de ce tempérament plus fonceur. Ils croient également que ce tempérament, associé à un meilleur contrôle de l'anxiété de Martin depuis qu'il a fait sa thérapie, ont contribué à le protéger des risques de développer un trouble d'anxiété... au grand soulagement de Martin qui, malgré sa thérapie, a conservé un petit côté inquiet et père poule!

Lorsqu'un parent souffre d'un trouble d'anxiété, il y a des risques que son enfant développe lui aussi certains symptômes, pour trois raisons :

1) Le tempérament : le tempérament d'un enfant est présent dès sa naissance et il est déterminé génétiquement, du moins en partie. Ce tempérament aura une influence sur le développement de la personnalité de l'enfant et sur sa façon de réagir aux situations qui se présenteront à lui. Les études démontrent que les enfants qui ont un tempérament inhibé ont de plus fortes chances de développer un trouble d'anxiété. Les enfants qui ont ce type de tempérament sont plutôt introvertis, calmes et ils réagissent parfois mal à la nouveauté. Donc, un parent anxieux qui a lui-même un tempérament inhibé peut transmettre (bien involontairement!) ce même tempérament à son enfant et ainsi le prédisposer à développer des symptômes d'anxiété.

2) L'apprentissage social : l'apprentissage social est un mot bien savant qui désigne en fait l'apprentissage par imitation ou le fait d'apprendre en observant un modèle. Lorsqu'un parent est de nature anxieuse, sa perception du danger a tendance à être exagérée. Son enfant, qui observe ses réactions, peut éventuellement développer la même perception exagérée que le monde qui l'entoure est dangereux. Par exemple, si un enfant voit son parent réagir avec anxiété devant le petit caniche de la voisine, il pourrait développer la conception que tous les petits caniches sont dangereux.

3) La surprotection : souvent, les parents qui souffrent d'anxiété ont tendance à surprotéger leur enfant en leur faisant éviter toutes sortes de situations qui ne sont pas réellement dangereuses. En protégeant l'enfant de «faux dangers», non seulement le parent anxieux lui envoie le message que le monde est dangereux, mais il transmet également à l'enfant le message qu'il ne peut l'affronter seul... ce qui peut affecter son sentiment d'efficacité personnelle. Or, plusieurs études démontrent que les personnes souffrant d'anxiété ont un faible sentiment d'efficacité personnelle.

Pour ces trois raisons, lorsqu'un enfant commence à manifester des symptômes d'anxiété et qu'un de ses parents est lui-même anxieux, une des premières formes d'intervention serait la psychothérapie... pour le parent! En fait, lorsqu'un adulte sait qu'il souffre d'anxiété avant même d'avoir des enfants, faire une thérapie peut être une bonne façon de prévenir le développement de symptômes d'anxiété chez ses futurs enfants. L'enfant pourrait tout de même naître avec un tempérament le prédisposant à l'anxiété, mais le fait de voir son parent utiliser les outils de sa thérapie pourrait faire en sorte que l'enfant apprenne lui-même à utiliser ces outils... par apprentissage social.

II ne faut pas oublier que, comme dans l'exemple cité plus haut, un parent anxieux n'aura pas forcément un enfant anxieux... l'enfant peut aussi hériter du tempérament de son autre parent qui, lui, n'est pas forcément anxieux. Mais cette situation n'est pas nécessairement l'idéal. Imaginez un peu : un parent anxieux et surprotecteur, avec un enfant téméraire et casse-cou! Il y a de quoi donner des sueurs froides au parent! Mais, dans ces circonstances, comme dans l'exemple de Judith et Martin, le parent qui n'est pas anxieux peut aider le parent anxieux à remettre en question ses inquiétudes et à adopter une attitude plus rationnelle. Comme quoi on n'est jamais trop de deux pour élever un enfant.