Le 16 juin dernier, plus de 5000 enfants de la province ont participé à la cinquième Grande journée des petits entrepreneurs. Ils n'ont pas encore 13 ans, mais plusieurs dirigent leurs affaires de main de maître. Que pouvons-nous apprendre d'eux? Pour le savoir, nous avons profité de cette journée pour discuter de créativité et de vision avec des enfants de partout au Québec
ILS L'ONT, L'AFFAIRE
L'Île-des-Soeurs, Montréal: Une tache qui fait mouche
Savon magique
Une entreprise de Ludovic Larose, appuyé par Nariman Kouchaki et Tim Alorabi
Ludovic, 9 ans, ne se doutait pas qu'en tachant la banquette de la voiture de son père, il trouverait l'inspiration pour lancer sa propre entreprise. «J'ai ouvert un crayon avec de l'encre dedans et il a tout explosé sur le beau cuir beige de l'auto de papa», nous raconte- t-il en esquissant un sourire gêné. Son père lui a alors demandé de trouver un moyen de détacher la banquette, sinon Ludovic devrait payer pour le remplacement du cuir. Sa mère à ses côtés, le garçon a concocté plusieurs mélanges, dans l'espoir de trouver celui qui effacerait la tache. «On a passé toute une matinée à faire des recettes», se souvient Cathy Beausoleil. Puis... bingo! Le garçon crée enfin un produit «magique» qui vient à bout de la tache d'encre. Fier de sa découverte, Ludovic décide de participer à La grande journée des petits entrepreneurs pour vendre son produit au grand public. Il invente aussi d'autres produits d'entretien ménager, comme des «bombes magiques» pour nettoyer la cuve des toilettes. Il se garde toutefois de nous révéler quels ingrédients il utilise! La production a pris tellement d'ampleur cette année que ses deux meilleurs amis sont venus lui prêter main-forte. «Mon meilleur conseil, c'est de toujours vérifier si ça fonctionne, parce que si ça ne marche pas, les clients vont être vraiment choqués», soutient Ludovic. Le garçon ajoute qu'il faut aussi faire preuve d'une grande conscience environnementale. Il emballe d'ailleurs tous ses produits dans des contenants récupérés ici et là.
Saint-Ubalde, Québec: Trois frères, mille et une idées
Les petits marchands du lac Blanc
Une entreprise de Fabrice, Édouard et Justin Hardy Bracquemont
Toute l'année, les frères Hardy Bracquemont, âgés de 5 à 9 ans, ramassent des canettes à gauche et à droite. En les apportant au dépanneur du coin, ils arrivent à amasser un peu d'argent. À l'occasion de La grande journée des petits entrepreneurs, «Les petits marchands du lac Blanc» ont mis toute la gomme pour récupérer un maximum de matière première: les garçons donnaient biscuits et limonade aux concitoyens qui passaient leur donner des canettes. «Ça nous permet aussi de faire attention à l'environnement», souligne Édouard, 7 ans. Cette année, les petits marchands présentaient une nouveauté à leur clientèle: des bûches de bois «antimoustiques». Trouée sur le dessus et sur le côté, cette bûche se consume en dégageant une fumée qui éloigne les moustiques. Les frères ont tergiversé sur le prix de ces bûches, qu'ils ont fixé à 12 $. «Parce que notre père dit que c'est quand même long à faire! C'est lui qui a fait les trous», explique Fabrice, 9 ans. Le garçon explique ensuite que, pour réussir, la priorité, c'est de «se fixer un objectif». En 2017, les frères espéraient accumuler trois fois 50 $. Un objectif qu'ils ont dépassé en récoltant un total de 180 $. «Ce que je trouve le plus le fun, c'est de tout compter l'argent, surtout quand on a fait plus que notre objectif!», lance Fabrice.
Jonquière, Saguenay: La générosité de Victoria
Victo lave des vélos
Une entreprise de Victoria Delisle
La petite Victoria, âgée d'à peine 7 ans, ne ménage pas ses efforts pour gagner de l'argent. Derrière son petit stand, elle vend des gâteaux («la recette de ma grand-mère!»), de la limonade et du jus de raisin. À tous ses clients, elle offre aussi un service de nettoyage de vélos. L'objectif: verser tout l'argent récolté à une soupe populaire. «Quand j'étais petite, je voulais ramasser de l'argent pour les pauvres, mais je ne pouvais jamais, raconte la fillette. Là, je suis assez grande pour le faire. Je n'ai pas besoin de garder mes sous.» Le succès d'une entreprise passe par la qualité du service à la clientèle, explique Victoria avec aplomb. «C'est important d'être gentil et de dire "Bonjour", "Ça fait plaisir de vous avoir donné ce petit gâteau" et "Au revoir". On peut même leur donner la recette du gâteau», énumère la fillette. «Qu'elle ait, si jeune, ce goût d'aller vers les autres, je trouve ça impressionnant», souligne sa mère, Mélanie Tremblay, fière de sa fille.
Rosemère: Imagination débordante
Sandrine et l'inséparable
Un livre de Sandrine Paquin-Laberge
Au milieu de l'espace public où se trouvent des dizaines de jeunes entrepreneurs, Sandrine se démarque. La jeune fille de 10 ans tient dans ses mains un livre qu'elle a elle-même écrit l'an dernier. «Ma grand-tante est éditrice, et elle sait que j'ai de l'imagination. Elle m'a suggéré d'écrire une histoire», résume Sandrine. La fillette s'est inspirée d'une histoire vécue. «Un jour, on a trouvé un inséparable dans notre cour. Il était perdu, parce qu'ici, cet oiseau ne vit pas dans la nature. Ça m'a donné le goût d'inventer une histoire avec un inséparable», indique la jeune auteure, qui précise que sa mère l'a aidée «à trouver de beaux mots». Sandrine ne s'est pas limitée à la rédaction de ce livre, illustré par sa cousine: elle entreprend aujourd'hui de participer aux ventes. Jusqu'à présent, elle a vendu plus de 300 exemplaires de L'inséparable. «Pour réussir, il faut être fier de son projet, souligne-t-elle. Ça nous permet d'être plus enthousiaste! Et il faut être poli, aussi.»
LE SECRET EST DANS LA SAUCE
La limonade sur le coin de la rue a lancé bien des petits entrepreneurs. Dans le rayon des produits alimentaires, certains voient plus grand. Beaucoup plus grand.
Cap-Rouge: Du caramel pour tous les goûts
Super Caramel
Une entreprise d'Olivier et Gabriella Veilleux
Gabriella et Olivier Veilleux en sont convaincus: le meilleur caramel du monde, c'est celui de Super Caramel. Leur petite entreprise décline cette douceur en neuf parfums: fleur de sel, érable, canneberge, café, cannelle, citron et chocolat blanc, chocolat noir, bleuet et framboise. «Mes parents ont une entreprise, et j'avais envie, moi aussi, d'avoir du fun et de faire du profit», raconte Olivier, 10 ans, à la veille de sa cinquième participation à La grande journée des petits entrepreneurs. Et pour faire du profit, le garçon et sa soeur de 11 ans ont dû mettre la main à la pâte: ils ont préparé en équipe 402 pots pour l'événement. «Pour être un bon entrepreneur, il faut avoir du fun et se préparer d'avance, mais surtout, il faut savoir compter, souligne Olivier. Si tu vends des fraises et que ça te coûte 10 $, et que tu les revends 8 $, tu perds 2 $ chaque fois. Il faut savoir faire beaucoup de profit!» Les petits entrepreneurs devaient d'ailleurs tenir compte du prêt d'environ 300 $ consenti par leurs parents pour acheter les ingrédients. Heureusement, le duo a vendu toute sa production «Je suis vraiment fière de moi, parce que je m'améliore d'année en année», affirme Gabriella.
Sainte-Brigitte-de-Laval: Du piquant dans la famille
Monsieur Piment
Une entreprise de Joseph et Rachel-Sissi Larouche
Parce que son père raffole des mets épicés, Joseph Larouche a eu l'idée, en 2016, de créer ses propres recettes de sauce piquante. C'est ainsi que la petite entreprise Monsieur Piment est née. «On fait ça complètement par passion!», lance le garçon de 11 ans. Encouragés par leurs parents, Joseph et sa soeur, Rachel-Sissi, 9 ans, ont préparé cette année trois types de sauce piquante. «Ce n'est pas juste de la sauce tomate avec des piments! Oh que non! prévient Joseph. On ajoute des ingrédients, mais on garde toujours le goût du piment.» Fort de trois participations à La grande journée des petits entrepreneurs, le garçon affirme que généralement, lorsque les passants s'approchent de son stand, ils repartent avec de la sauce. «Je vois des entreprises qui attendent les clients. Ce n'est pas comme ça qu'il faut faire. Moi, je vais voir les gens. Je leur dis: "On vend de la sauce, c'est 5 $ le pot, allez voir notre page Facebook..." C'est comme ça qu'on se démarque», explique Joseph avec une confiance hors du commun. Sa soeur ajoute qu'il suffit de trouver les mots pour convaincre les clients les plus incertains: «Si quelqu'un dit qu'il n'aime pas la sauce piquante, on peut lui dire que ça fait un beau cadeau. C'est pas compliqué!»
Saint-Laurent, Montréal: Beau, bon et sans allergènes
Confiserie Ryan et Liam
Une entreprise de Ryan et Liam Mai-Quach
Lorsque l'on demande à Tuyet Quach le nom des aliments auxquels ses fils sont allergiques, elle commence par Liam, 4 ans. Le garçon souffre d'allergies au lait, aux oeufs, au blé, à l'orge, aux arachides, aux noix, à la moutarde et au sésame. «Pour Ryan, qui a 8 ans, on prend tous ces aliments, et on ajoute... attendez... pour ne rien oublier, il faut que je regarde une liste dans mon téléphone», explique-t-elle. On comprend rapidement pourquoi. Ryan est allergique à une douzaine d'autres aliments, dont les fruits de mer, le poisson, les légumineuses... et l'ail. Par nécessité, la mère de famille a adapté une série de recettes aux besoins de ses fils. À l'occasion de La grande journée des petits entrepreneurs, Ryan a vendu des petits gâteaux et d'autres douceurs «parce qu'ils sont vraiment bons et sans colorant», lance-t-il d'une traite. Le garçon verse tous les profits à la campagne ByeByeAllergies de la Fondation du CHU Sainte-Justine. «Parfois, c'est difficile de faire les calculs pour remettre la monnaie, admet Ryan. Pour réussir, il faut y aller étape par étape. C'est moins compliqué comme ça!»
Anjou, Montréal: Une fête à emporter
Piñatas Fantasia
Une entreprise de Tatiana et Angela Dinamarca
En passant devant la table de Tatiana et Angela, un jeune client écarquille les yeux. «Est-ce que je peux en prendre deux?», demande-t-il à sa mère. Il faut dire que les deux jeunes entrepreneures ont mis le paquet. Elles ont fabriqué et décoré de multiples piñatas, toutes assorties d'un sac de bonbons. «C'est déjà prêt pour faire une fête», souligne Angela, 8 ans. Pour lancer sa petite entreprise d'un jour, la fillette s'est d'ailleurs inspirée des nombreuses célébrations familiales. «On s'amuse beaucoup et il y a toujours des piñatas dans nos fêtes», explique sa mère, Maria Espinoza. Pendant la discussion, Tatiana, 5 ans, dépose un petit gâteau dans la main d'un client potentiel. Manifestement, l'allure festive de la table fait son oeuvre et l'enfant décide d'acheter un des chapeaux de fête utilisés pour la décoration. «Dans une entreprise, l'important, c'est vraiment de travailler en équipe, précise Angela. Sinon, ça peut te prendre trois journées pour faire quelque chose qui aurait pu te prendre seulement une journée avec l'aide de ta famille.»
CHIC ET PRATIQUE
Fabriquer des bijoux et des accessoires, c'est bien, mais pour séduire la clientèle, il ne suffit pas qu'ils soient jolis, croient plusieurs petits entrepreneurs. Voici des objets utiles et conçus pour faire du bien.
Carignan: Pour son meilleur ami
Les bracelets ZIP
Une entreprise de Juliette Lefebvre et Janie Lamarche
À leur poignet, Juliette et Janie, 10 ans, arborent des bracelets fabriqués avec des fermetures à glissière. Le concept? «On en achète un pour soi et un autre pour notre BFF... notre meilleur ami», nous expliquent-elles en choeur. Conquises par cette idée populaire en Europe, Juliette et Janie, 10 ans, ont sauté sur l'occasion: elles ont commandé des bracelets en ligne pour en faire la revente à Montréal. «C'est pour zipper notre amitié!», lance Juliette. Les amies ont tenté de les fabriquer elles-mêmes, mais elles ont rapidement compris qu'il serait plus avantageux pour elles d'opter pour la revente. «Les bracelets nous coûtent 75 cents, et on les revend 5 $ pour deux... 100 % des profits vont à l'Opération Enfant Soleil», souligne Janie. Les deux jeunes filles parlent avec tant d'enthousiasme de leur produit qu'elles ont vendu la moitié de leur stock à leurs amis avant La grande journée des petits entrepreneurs. «Si tu veux être un bon entrepreneur, il faut que tu vendes quelque chose que tu aimes vraiment, résume Juliette. Comme ça, tu en vends plus et tu as du plaisir.»
Gaspé: La mer à portée de main
Mia de Penouille
Une entreprise de Mia Brière-Fournier
Mia habite tout près de la mer, à Gaspé. La jeune fille de 11 ans choisit soigneusement des morceaux de bois de grève, et elle en fait des porte-clés au style unique. La jeune entrepreneure précise qu'elle ramasse le bois «légalement», dans un secteur non protégé. Elle applique ensuite un vernis, perce un petit trou, enfile un anneau, et grave son nom sur chaque porte-clé. «C'est Mia qui fait toutes ces étapes toute seule», souligne sa mère, Marie-Claude Brière. Afin de diversifier son offre, Mia fabrique aussi des porte-clés faits de pots de pilules et de cire fondus, ou encore de goupilles de canettes. Enfin, elle gère elle-même les finances de son entreprise. Après ses ventes de la semaine dernière, elle a d'ailleurs pu rembourser une partie du prêt de 100 $ consenti par ses parents pour l'achat de son matériel. Et qu'est-ce qui fait d'elle une bonne entrepreneure? Son habileté à alimenter les réseaux sociaux et son aisance en public, croit-elle. «Si tu es gêné, tu ne présentes pas très bien ton produit, les gens écoutent moins et ils veulent moins t'encourager.»
Malartic: Des bijoux qui font du bien
Kréa Flore
Une entreprise de Floryann-Idaly Arcand
Floryann-Idaly Arcand, 9 ans, souhaitait fabriquer un produit qui pourrait apaiser les bébés. Initiée aux vertus des huiles essentielles par sa mère, la fillette s'est mise à fabriquer des jouets de dentition nouveau genre. «J'utilise des billes de silicone pour que les bébés les mettent dans leur bouche, et au bout du collier, j'ajoute des pierres de lave pour mettre des huiles essentielles. Ça aide à les calmer», explique Floryann-Idaly. Utilisés en présence des parents, ces colliers «sont sécuritaires», précise la fillette. Elle explique avoir même conçu un modèle pour un camarade qui souhaitait mordiller un objet pour se détendre en classe. Aînée d'une fratrie de quatre enfants, Floryann-Idaly insiste à plusieurs reprises sur la nécessité de «rendre service». «Moi, disons que quelqu'un me demande de lui fabriquer un bijou, j'essaie toujours de lui faire plaisir.»