Que se passe-t-il dans la tête et dans le coeur des juges et des experts à la cour quand ils ont devant eux deux parents qui se disputent la garde de leurs enfants ? Pour le savoir, Elisabeth Godbout, doctorante à l'École de service social de l'Université Laval, a interviewé onze juges de la Cour supérieure, neuf travailleurs sociaux et sept psychologues. En rafale, ses cinq grandes conclusions.

La grande priorité : la préservation des liens

Plus que jamais, les juges et les experts favorisent la préservation de liens étroits avec les deux parents. Derrière cette tendance, note Mme Godbout, « on retrouve principalement la valeur fondamentale de l'égalité entre les hommes et les femmes. [...] De façon intéressante, ce principe réfère davantage aux parents qu'à l'enfant, ce qui rejoint les écrits qui traitent de l'instrumentalisation de l'enfant et de son intérêt dans une justice centrée sur les adultes », relève Mme Godbout.

Seule exception à cette grande priorité : les nourrissons, pour lesquels on continue de penser que la mère « est le parent par excellence », « bien que ce ne soit plus nécessairement un absolu ».

Un critère en baisse : le degré de communication entre les parents

Au terme de ses entretiens avec ses experts, Elisabeth Godbout constate que pour eux, un degré minimal de communication entre les parents - longtemps une priorité devant les tribunaux - a nettement perdu de son lustre.

Pour une très nette majorité de répondants, « le manque de communication peut être contourné et il ne s'agit pas d'une raison suffisante pour éviter une garde partagée », relève Mme Godbout.

Ainsi en est-il d'un juge qui croit qu'il faut vraiment un « antagonisme délétère » pour qu'une demande de garde partagée ne soit pas accordée.

Qui a pris soin de l'enfant ? De plus en plus secondaire

Autre critère très en baisse : l'historique de soins. Exception faite d'un juge qui ne croit pas « à la grâce spontanée », les experts confirment qu'« un père qui s'est peu impliqué jusque-là dans les soins des enfants n'est plus défavorisé d'emblée s'il se montre motivé à s'y mettre ».

Comme l'a signalé un juge, il n'est pas rare qu'après un congé de maternité prolongé s'installe une dynamique dans laquelle la femme s'occupe plus des enfants au quotidien pendant que l'homme, pour compenser la perte de revenus, travaille plus que jamais et passe à tort pour un père absent.

Même la violence alléguée n'est plus un frein

Quand un conjoint était visé par des allégations de violence conjugale, ses chances d'obtenir les enfants ont longtemps été nulles. C'est loin d'être le cas aujourd'hui.

Pour 7 des 23 répondants de Mme Godbout, « les allégations de violence sont souvent trompeuses (soit fausses ou exagérées) ».

« Les vrais cas de violence conjugale sont rares », ont dit huit experts.

Pour plusieurs d'entre eux, la violence alléguée n'est que « ponctuellement liée à la séparation ». Neuf répondants estiment par ailleurs « qu'un parent qui a été violent dans la relation conjugale n'est pas nécessairement un mauvais parent pour autant ».

Seule une minorité d'experts sont réticents à confier un enfant à une personne qui aurait été violente.

Les mères n'ont plus la cote

Les répondants d'Elisabeth Godbout n'ont pas été tendres envers les femmes, leur attribuant des « comportements problématiques » comme celui de chercher à s'approprier l'enfant, de formuler des craintes exagérées au sujet de l'autre parent ou, comme le lui a dit un juge, de prolonger à dessein l'allaitement pour limiter les droits d'accès du conjoint.

Les femmes auraient aussi plus tendance, selon les experts interviewés, « à saboter la communication et à alimenter le conflit pour tenter d'éviter une garde » puisque « ce sont surtout elles qui voudraient éviter une garde partagée ».