Leur avez-vous déjà dit que oui, le pot fait planer, mais que non, en fumer, ce n'est pas la meilleure idée? Oui, à vos enfants, ceux-là mêmes que vous croyez à tort si jeunes encore. C'est pourtant ce que prônent les experts en la matière. Dire la vérité, toute la vérité, aux enfants. Et ce, dès le primaire. Parce qu'il n'y a pas d'âge pour être bien informé. Encore moins pour prendre des décisions éclairées.

«L'autre jour, dans la ruelle, il y avait un gars avec des yeux tout blancs. Il avait une seringue à côté de lui. Les policiers sont venus parce qu'il était drogué.» Non, nous ne sommes pas ici dans une polyvalente d'un quartier mal famé de Montréal, mais dans une cour d'école primaire, dans un coin plutôt huppé de la ville.

Vous pensiez que vos enfants étaient encore bien innocents? Détrompez-vous. La drogue, ils connaissent. Et même si vous, vous n'avez encore jamais abordé la question, eux, ils en parlent. Et ils en entendent parler. Des consommateurs, ils en voient. Et des vendeurs aussi, d'ailleurs. 

«Moi, dans le parc derrière chez moi, j'ai déjà vu des gens vendre de la drogue», confirme une gamine de 6e année. «Moi, quand je vois des vendeurs de drogue au parc, ça me fait peur», enchaîne sa copine, âgée d'à peine 11 ans.

Une petite idée de ce que c'est

«La plupart des enfants, dès la 1re année, ont une idée vague de ce qu'est la drogue», explique Rémi Côté, psychologue scolaire. Si certaines écoles primaires proposent, en collaboration avec des organismes communautaires, des programmes de prévention, à raison de quelques heures dans l'année, ce n'est toutefois pas systématique. Au primaire, les formateurs ne parlent d'ailleurs pas de drogue directement, mais abordent plutôt la question, et ce, depuis quelques années déjà, sous l'angle du bien-être et de l'estime de soi. «On parle plutôt de l'importance d'être en bonne santé», confirme l'intervenant, une approche qui vise la prévention, plus globale, d'une foule de comportements à risque (la toxicomanie, mais aussi le suicide, les troubles alimentaires et l'intimidation). Du coup, l'information de base sur les différents types de drogue, leur composition, leurs effets et les risques respectifs sont peu, voire pas du tout abordés.

Définir l'«usage acceptable»

C'est d'ailleurs ce que déplore le psychologue Alain Roy, qui vient de publier un livre sur la question, Exploration drogues, aux éditions MultiMondes, destiné aux jeunes dès 11 ans. Dans son livre, il décrit, avec moult détails, les différents effets que peuvent avoir la caféine (de loin la drogue la plus consommée, notamment avec la popularité des colas et des boissons énergisantes), l'alcool (la drogue qui fait le plus de ravages dans le monde), le cannabis et les médicaments psychoactifs. 

«J'ai voulu présenter l'essentiel de ce que les jeunes doivent connaître, pour faire des choix éclairés, dit-il. Et j'ai développé une philosophie. Je ne dis pas ce qu'il ne faut pas faire, mais plutôt comment avoir un usage acceptable.» Une vision qui peut surprendre, quand on sait que la quasi-totalité des gens associe plutôt la drogue à des images apocalyptiques. «Je pose la question depuis 30 ans, et dans 95% des cas, les gens associent la drogue à des images dramatisantes et sensationnalistes! Quand je demande quelles sont les trois drogues les plus consommées, on me dit la cocaïne, l'héroïne et l'ecstasy, alors que dans les faits, c'est de loin la caféine, l'alcool et la nicotine», poursuit l'auteur, qui souhaite du coup offrir un message plus «nuancé» sur la drogue.

Cette «nuance» est d'ailleurs tout à fait dans la tendance du moment. «Quand les parents nous appellent en panique, on leur explique qu'il existe plusieurs types de consommation, et que ce n'est pas nécessairement problématique, confirme Kathia Noiseux, intervenante professionnelle à Tel-Jeunes. La consommation peut être exploratoire. On essaie de relativiser.» 

Bien sûr, dans un monde idéal, «les jeunes ne devraient jamais consommer avant d'avoir atteint une maturité physiologique et émotionnelle, vers 18 ans. Mais dans les faits, c'est la réalité, ils le font déjà, reprend Alain Roy. De la drogue, il y en a partout, ils en voient sans arrêt. Alors ils veulent savoir ce que c'est». D'où l'importance de leur en parler.