Il s'appelle Aaron Stone. Il a 16 ans, une belle gueule et un talent certain pour les jeux vidéo. Et s'il n'en tient qu'à Disney, il pourrait bien devenir le pendant masculin de Hannah Montana. En un mot: le héros des jeunes gars.

Ce qu'il faut savoir, c'est que pour créer le personnage (en ondes à l'automne sur le Family Channel), Disney a embauché une véritable armée d'anthropologues et de psychologues. Objectif? Décortiquer l'univers des jeunes garçons de 6 à 14 ans, comprendre leurs codes, ce qui les allume, ou au contraire, les éteint. En clair: saisir ce qui est dans le coup, et ce qui ne l'est pas, auprès d'un public qui, traditionnellement, s'exprime peu, ou pas.

 

Cette démarche enthousiasme Égide Royer, psychologue et professeur titulaire en adaptation scolaire à l'Université Laval, qui trouve que le ministère de l'Éducation du Québec devrait même carrément s'en inspirer. «Disney a mandaté une équipe pour saisir ce qui se passe dans la tête des gars de 6 à 14 ans, dit-il. Si Disney est capable, un système d'éducation qui dépense 1,7 milliard pour ses élèves en difficulté, majoritairement des gars, devrait minimalement faire la même démarche», dit-il.

À l'instar de Disney, qui a chouchouté son public féminin (avec ses princesses, High School Musical puis Hannah Montana) tout en laissant de côté les jeunes garçons (un marché lucratif négligé depuis Davy Crockett), le système de l'éducation québécois a un «sérieux problème»: «on ne sait pas comment rejoindre les garçons», dénonce Égide Royer.

À preuve, dit-il, en citant les chiffres du Ministère: on compte au Québec deux fois plus de garçons que de filles en difficulté d'apprentissage, trois fois plus de garçons ont des difficultés de comportement, et cinq fois plus de garçons souffrent de déficit d'attention avec hyperactivité. «Et le chiffre le plus inquiétant, c'est que 35% des garçons finissent leur secondaire sans aucun diplôme scolaire», dit-il.

Le New York Times a récemment rencontré une chercheuse de Disney. Groupes de discussion, journées de magasinage, visites de chambres de jeunes, tout a été analysé. Même les affiches aux murs, les motifs des draps, et les relations avec la famille.

Résultat? Aaron Stone est un joueur de basket médiocre (parce que les jeunes s'identifient davantage à un personnage moyen, mais qui cherche à s'améliorer), aime partager ses petites victoires (parce que gagner, ça n'est pas si important, finalement), et expose fièrement le dessous de sa planche à roulettes (parce que dans la vraie vie, c'est là que les jeunes personnalisent leur skate).

De la même manière, il faudrait ici chercher ce qui rejoint les garçons, quelles sont leurs valeurs, leurs intérêts de lecture, leurs jeux, leurs héros, et pourquoi pas leurs modèles masculins, suggère Égide Royer. «Les résultats pourraient nous amener à réaménager les cours d'école, développer de nouveaux outils technologiques, je ne sais pas moi, mais chose certaine, il faut aller aux nouvelles, dit-il. Parce qu'on a un problème. Et ça ne s'améliore pas du tout.»

Égide Royer, à qui l'on doit plusieurs ouvrages sur la question, prépare un nouveau livre sur la réussite des jeunes en difficulté, pour publication au printemps 2010.