«Quand j'ai appris à me tenir debout, elle a commencé à marcher assise. À l'époque où je songeais aux enfants, elle était aux couches. Et aujourd'hui, je lui brosse les dents. Ah! maman, maman...»

C'est un très touchant, par moments déchirant, témoignage que nous livrent la lectrice de nouvelles Sophie Thibault, et feu Monique Larouche-Thibault, sa mère, dans Telle mère, quelle fille?, publié aux éditions de l'Homme, en librairie mardi prochain.

 

Un témoignage bouleversant, comme toute relation mère-fille peut l'être, mais plus encore car marqué par une lente et douloureuse dégénérescence: la sclérose en plaques de la mère qui, malgré elle, bouffe l'enfance de sa fille.

Sophie Thibault se souvient encore, petite («l'époque bénie de mon innocence, au temps où tu marchais, maman»), d'avoir entendu sa mère pleurer, sans comprendre. La voir s'enfermer dans sa chambre, souffrir de ses jambes, et sortir les yeux rougis par la douleur, sans savoir. Puis, alors qu'elle n'a que 10 ans, 11 peut-être, le verdict tombe. Son père l'emmène, elle et son frère («on était inconscients, ou bien on refusait de voir les choses»), au Laurier BBQ. La nouvelle («monumentale») lui tombe dessus comme une massue. «J'ai eu une trouille folle. La peur au ventre. Je vais perdre ma maman, dit-elle en entrevue. Le monde de l'enfance, tout à coup, s'écroule.»

Petit à petit, les rôles s'inversent. Sophie, pourtant toujours une enfant, s'occupe de plus en plus de sa maman. «La réaction d'un enfant, c'est de se dire: c'est de ma faute, dit-elle. J'en ai pris beaucoup sur mes épaules et je suis devenue très vite son aidante naturelle.»

C'est toute l'atmosphère de la famille qui s'alourdit. «Tout a tourné autour de sa maladie. Toute notre vie», laisse-t-elle tomber.

On découvre aussi, à travers ces lignes, une Sophie Thibault assez sombre, croyante à ses heures, même ésotérique, féministe puis souverainiste, en quête, manifestement, d'un sens à sa vie. «J'ai quitté très tôt ma famille pour aller vivre ma vie. C'était une fuite. J'en avais assez des bobos.»

Malgré tout, Sophie Thibault ne voit pas la maladie comme une damnation. «C'est un cadeau mal emballé, mais c'est un cadeau quand même, dit-elle. Il faut savoir le prendre.» Selon elle, la maladie de sa mère a fait d'elle une personne plus grande, pleine de compassion. «Cela a fait de moi quelqu'un qui mord dans la vie», aussi, dit-elle.

C'est d'ailleurs ce qu'elle aimerait que l'on retienne du livre. «Il faut réaliser qu'on n'a pas de temps à perdre. Moi, j'ai reçu la claque de la mort de mes deux parents dans les deux dernières années. Les gens qui ont des parents, profitez-en.»

Monique Larouche-Thibault, atteinte de sclérose en plaques pendant un demi siècle, a été emportée par une fulgurante pneumonie, en octobre dernier.

La sclérose en plaques est une maladie neurologique qui frappe les gens de 15 à 40 ans.

Les femmes sont trois fois plus à risque.

Chaque jour, trois Canadiens reçoivent un diagnostic de sclérose en plaques.

Chaque année, ce sont 50 enfants qui reçoivent le diagnostic.

Pour plus de détails sur la maladie: www.scleroseenplaques.ca/qc