L'Institut de la statistique du Québec, l'organisme Avenir d'enfants et l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) dévoilent ce matin les résultats d'une enquête sans précédent au Québec : au total, près de 15 000 parents ont été sondés sur leur quotidien avec un ou plusieurs enfants de 0 à 5 ans. Un travail titanesque qui aborde la vie familiale à partir d'un angle précis : les parents.

« Dans les sondages, on évalue souvent le rôle des parents dans la vie des enfants, mais on sait très peu de choses sur ce que ça veut dire, de jouer ce rôle-là », fait remarquer Carl Lacharité, professeur au département de psychologie de l'UQTR et coresponsable de l'étude. Cette enquête, appelée Perspectives parents, revient donc à poser cette question toute simple : « Et vous, comment ça va ? »

Premier constat, les jeunes parents québécois éprouvent un grand sentiment de compétence. Au total, 95 % des répondants estiment « avoir toutes les qualités requises pour être un bon parent ». Oui, ils doutent ponctuellement d'eux-mêmes, mais règle générale, ils croient dans une écrasante majorité qu'ils sont les mieux placés pour prendre soin de leur enfant.

« C'est une belle surprise pour nous, s'enthousiasme Julie Dostaler, directrice de l'organisme Avenir d'enfants, qui soutient 133 regroupements d'organismes en petite enfance au Québec. Je me demande d'ailleurs si, comme société, on fait assez confiance à nos parents. »

S'ils estiment savoir quoi faire, les nouveaux parents vivent tout de même une expérience particulièrement intense. Pour bonifier le sondage, Carl Lacharité et son équipe ont organisé des rencontres où des parents se sont exprimés sur leur quotidien. « On a vu que le sentiment de compétence est une donnée extrêmement importante dans la vie des parents, note le psychologue. Prenons en exemple les actionnaires d'une compagnie : ce qu'ils vont regarder, c'est le profit. Les parents, eux, ils sont en train de nous dire que ce sur quoi on a l'oeil, c'est comment on se sent compétents. Comment on est efficaces. »

Inaccessible perfection

À la fin de l'année 2015, Odile Archambault, auteure du blogue Maman a un plan, a écrit un billet dans lequel elle abordait cette notion de compétence parentale. Un texte qui a eu beaucoup d'écho dans la blogosphère.

«  Parce que non, l'équilibre, ce n'est pas avancer sur un fil de fer au-dessus de la jungle de la maternité !, lance la mère d'Henri, 5 ans, et de Martha, 3 ans. On ne peut pas être parfaits, mais on sait quoi faire avec nos enfants, en général ! »

Le récent sondage reflète d'ailleurs ses impressions. Les deux tiers des parents estiment qu'il est valorisant d'être parent, et qu'au final, lorsqu'ils se couchent le soir, la liste de leurs réalisations est plutôt longue.

Cependant, un parent sur cinq affirme s'imposer beaucoup de stress. Une donnée liée à la fréquence des moments où les répondants affirment qu'ils élèvent la voix, crient ou se mettent en colère contre leurs jeunes enfants. Si, globalement, 13 % des parents déclarent élever la voix chaque jour, ce chiffre grimpe à 23 % chez les répondants qui disent s'imposer beaucoup de pression.

« Il y a des parents qui ne réussissent pas à se dire "je ne suis pas pire" à la fin de la journée, constate Carl Lacharité. Et ça, ça fait très mal. »

L'importance du réseau

Malgré la popularité de son blogue, Odile Archambault tient mordicus à son réseau « en chair et en os ». La réussite de la vie de famille dépend selon elle des gens dont on s'entoure,  « qui vont nous toucher le bras, nous amener une tisane et nous dire que ça va bien aller », croit-elle.

Le besoin de soutien est d'ailleurs un des éléments marquants du sondage. Au total, 24 % des parents ont affirmé être rarement ou jamais soutenus par leur entourage lorsqu'ils n'en peuvent plus. Des données préoccupantes, croit Julie Dostaler, qui souligne au passage le besoin d'espaces de rencontres pour les nouveaux parents.

« Si on développe bien notre réseau, quand on demande de l'aide, il y a des gens qui arrivent, insiste Odile Archambault. Et il ne faut pas hésiter ! Pour certaines mères, c'est difficile de demander de l'aide, même lorsque la maison a l'air d'une swamp et qu'on mange des toasts au beurre de peanut. Mais ça arrive à tout le monde ! »

Car le vieil adage du village nécessaire pour élever un enfant est plus que jamais d'actualité, estime Carl Lacharité. « Être parent, c'est une excursion : ça peut virer au cauchemar si tu pars seul de ton côté. Pour vivre une belle aventure, ça prend des ressources ! »

Une place de choix aux pères

Rarement une étude a autant fait de place aux pères que l'Enquête québécoise sur l'expérience des parents d'enfants de 0 à 5 ans. Volontairement, les sondeurs ont ciblé un nombre presque équivalent d'hommes et de femmes pour répondre au questionnaire. Dans la plupart des sondages où l'enfant est au coeur du sujet, un seul des parents est appelé à répondre. Et par intérêt, souvent, ce sont les mères qui s'expriment. « On n'a pas voulu tomber dans ce piège-là. C'était clair depuis le début : notre personnage, c'est le parent. La mère et le père », précise Carl Lacharité.