Pas une semaine ou presque ne passe à New York sans que des cuisiniers amateurs mesurent leur talent dans des concours culinaires où ils sont notés par le public et une poignée de juges. Quand fine cuisine rime avec compétition.

«Bonjour les cuistots, il vous reste cinq minutes pour ranger votre désordre et soigner la présentation de vos plats», prévient Theo Peck, coorganisateur du Brooklyn Beer Experiment (BBE), un concours culinaire à base de bière. Il est 12h55 et, face à lui, une armée de 26 cuisiniers amateurs font des pieds et des mains pour mettre la touche finale à leurs plats en ce premier dimanche de juin.

 

À l'extérieur, plus d'une centaine de gourmands font déjà impatiemment la file. Ils n'ont qu'une hâte: payer leur droit d'entrée (18$), déguster les plats et voter pour leur favori.

Depuis six mois, ce type de concours culinaires amateurs (cook-off, dans la langue de Martha Stewart) attire de plus en plus de gens à New York. Les organisateurs du BBE ont ainsi demandé aux candidats de préparer 350 portions de chacun de leurs plats. «C'est un boulot de fou», admet Mark Sopchak en alignant ses bouchées de guimauves maison infusées à la bière brune, montées sur un biscuit et un étage de truffe au chocolat à la bière cerise.

Son voisin, Noah Berland, est autrement plus détendu devant ses «beignets amish». Il faut dire que ce conseiller technique a déjà six compétitions sous la toque. Au cours des derniers mois, il a notamment participé au concours du meilleur biscuit, du meilleur chili, du meilleur bacon et du meilleur tofu. Deux semaines plus tôt, il avait remporté le prix du meilleur risotto.

«Dans les années 70, les gens faisaient des concours de fondues ou de gâteaux au fromage et votaient pour leur préféré. Puis, la mode a passé. Aujourd'hui, ce genre de concours connaît un renouveau», explique ce jeune New-Yorkais.

Juge au BBE, George Duran, de la chaîne de télévision Food Network, croit que la popularité des émissions télévisées consacrées aux concours de chefs - comme Iron Chef, Last Cake Standing, etc. - n'est pas étrangère à la mode des compétitions culinaires amateur.

Coiffé d'une petite casquette de cycliste, Nathan Wesley, de la revue Wine Spectator, croit surtout qu'«il existe pour la première fois aux États-Unis une génération intéressée par la gastronomie. Il y a plein de jeunes de 20 ou 30 ans qui produisent leurs propres saucisses, leur propre chocolat ou leur propre bière et qui aiment partager avec leurs amis», note-t-il avant d'aller aider les organisateurs à compter le vote du public.

Alyssa Lees, qui a remporté le prix du jury avec ses saucisses épicées et ses mini-puddings à la Guinness et à la crème de gingembre, pourrait être la porte-parole idéale de ce mouvement. Programmeuse-analyste de 30 ans, elle et un groupe d'amis - les «Fat Bastards» (!) - se réunissent régulièrement pour concocter des festins. «Participer à cette compétition semblait être la suite naturelle de notre amour pour la cuisine», explique-t-elle.

Bien qu'il y ait quelques prix à gagner, les candidats participent essentiellement pour la gloire. Si la plupart des cuistots investissent entre 75$ et 100$ par compétition, d'autres n'hésitent pas à dépenser beaucoup plus. Un exemple extrême? L'équipe BKLYN Braised, menée par Chris Woehler, a ainsi dépensé 1200$ pour le BBE, alors que le grand prix n'était que de 150$!

«En plus des ingrédients, j'ai dû acheter pas mal d'équipements, produire des t-shirts et des décorations pour notre table. Et, bien sûr, j'ai eu besoin de litres de bière allemande ultra-chère pour la cuisson», explique Chris Woehler, designer graphique de profession. Mais l'investissement s'est avéré fructueux. Ses bouts de côtes (short ribs) ont remporté le très convoité prix du public.