C'est presque devenu une rubrique gastronomique à part entière dans les magazines branchés américains: et où ont dîné/vont dîner les Obama cette semaine?

Le «buzz» présidentiel suffit à faire la gloire des heureux restaurateurs élus. Même s'ils ne servent que des hamburgers ou de la pizza... Comme au restaurant «Pi» de Saint-Louis, où les clients n'hésitent pas à patienter dans des queues interminables, depuis qu'ils savent que Barack Obama, tombé amoureux de ces pizzas pendant la campagne, a fait venir les pizzaïolos de «Pi» à la Maison-Blanche.«On leur dit «il y a deux heures d'attente» et ils répondent «ok!», s'ébahit encore Chris Sommers, venu -à ses frais- se mettre aux fourneaux de la présidence pour un soir d'avril...

La pizza de Saint Louis, les pancakes de Pittsburgh, le hamburger ou la saucisse/chili de Washington, la cuisine «soul» sudiste de Chicago... Il suffit que le nouveau président des Etats-Unis en mange un morceau pour que l'Amérique entière veuille illico goûter la même chose. Une nouvelle tendance?

«Les livres de cuisine de la Maison-Blanche ont toujours eu du succès, mais non, jamais à ce point», souligne Eddie Gehman Kohan, rédactrice en chef du blog «Obama Foodorama». Et de noter la «fusion» de deux tendances en forte hausse aux Etats-Unis: l'immense intérêt pour tout ce qui touche aux Obama et la passion croissante pour tout ce qui se mange...

Cette «Obamania» qui dure, tous les sondages le disent, est d'ailleurs plus une «Michelle-mania» désormais, la First Lady étant presque encore plus populaire que son mari.

Et l'alimentaire y tient une bonne place, notamment avec le «potager bio» lancé par la «Maman-en-chef» à la Maison-Blanche, pour apprendre à ses filles à se nourrir correctement et de manière économique... et donner l'exemple au passage à un pays frappé par une épidémie d'obésité.

«Elle a attiré l'attention, une attention indispensable, sur des sujets nutritionnels cruciaux», ajoute Eddie Kohan. «Elle a vraiment suscité une prise de conscience en décrivant l'évolution de sa propre famille, ayant troqué les mauvaises habitudes alimentaires pour un style de vie plus sain».

C'est d'ailleurs sans doute Michelle, les spécialistes l'affirment, qui a choisi le «Blue Hill», restaurant new-yorkais fort cher mais leader du combat écolo en faveur de la consommation exclusive de produits frais «de proximité», pour le désormais traditionnel dîner en amoureux du «First Couple» fin mai.

Or, contre toute attente, personne n'a craché le morceau sur ce qu'ont mangé les Obama ce soir-là... Le Landerneau des critiques gastronomiques américains s'étripe sur ce qui est devenu «l'affaire du Blue Hill», certains, comme Frank Bruni, du New York Times, se disant «quelque peu déçu (...) d'un choix si convenu», et rêvant de voir les Obama se jeter sur quelque chose de «décadent, dégoulinant, glouton», un carré d'agneau bien gras...

«No comment», répond juste Dan Barber, le chef du «Blue Hill», connu pour être un fervent adepte du mouvement «directement de la ferme à l'assiette».

Tout juste se félicite-t-il que grâce au couple présidentiel, la question de savoir «comment la nourriture pousse, qui la fait pousser, et d'où elle vient», a pris de l'importance. «J'espère que (Michelle Obama) peut faire plus pour ce mouvement via son soutien, même plus que son mari au sein du système politique. Parce qu'elle le formule en termes de joie, de plaisir, elle le dépolitise», ajoute Dan Barber.

L'alimentation est donc devenue un sujet hautement politique à la nouvelle Maison-Blanche, à deux doigts de se retrouver le théâtre d'une querelle des Anciens et des Modernes entre cuistots...

Et même certains commentaires négligemment jetés par Michelle Obama ont fait couler des rivières d'encre: «faire la cuisine ne me manque pas. Ca me va très bien que d'autres s'en chargent», avait-elle lancé lors d'une conversation à bâtons rompus avec des enfants invités.

Pour la critique et blogueuse culinaire Amanda Hess, «le message était sans équivoque: faire la cuisine chaque jour est une corvée»... Elle exhorte donc Mme Obama à oser se remettre aux fourneaux, histoire de donner l'exemple pour faire les choses autrement... «Ses progrès pourraient être nos progrès», note-t-elle.

Tout cela laisse de marbre un «sage», l'ancien chef de la Maison Blanche Walter Scheib, qui officia 11 ans, sous les Clinton et sous les Bush: «les gens ont tendance à l'oublier: les présidents et leur familles ne viennent pas de Mars. Ils mangent ce que mangent les vrais gens. La Maison-Blanche est une vraie maison». Certes ravi de voir fleurir le nouveau potager bio présidentiel, il note qu'au bout du compte, c'est sans doute une des dernières parmi les 100 choses que le président Obama doit absolument réaliser dans ce monde».