L'industrie porcine et les nitrates (cet agent de conservation que l'on dit cancérigène) ont beau être au banc des accusés depuis un certain temps, rarement le bacon a-t-il autant eu la cote dans la cuisine. Maintenant que les dattes enrobées de bacon figurent au menu de tous les restos branchés d'Amérique du Nord, les amateurs de lard fumé ont décidé de pousser l'audace harmonique un peu plus loin.

Voilà qu'on entend parler de bacon trempé dans le chocolat, de crème glacée ou de caramels au bacon et même de vodka et de bière au bacon. Crime ou génie culinaire? Tout est question de dosage et d'équilibre.

 

«Le Québec ne serait pas le Québec sans le bacon! affirme Samuel Pinard, chef du restaurant La Salle à manger, sur l'avenue du Mont-Royal. Ça fait partie de notre histoire. C'est le premier mode de conservation du cochon utilisé chez nous. Au restaurant, je passe en moyenne cinq cochons par semaine. Je fais une sauce BBQ au bacon pour accompagner du flanc de porc, par exemple.»

Le bacon rehausse et donne de la personnalité à un plat, que ce soit un pouding au pain, une salade ou des pâtes. «C'est le Cheez Whiz des années 2000! lance le jeune chef. Ça peut servir d'épice ou d'ingrédient principal. Une grosse tranche de bacon braisé à la bière avec une tête d'ail rôti, du pain et une salade, ça fait un repas incroyable. J'utilise aussi le bacon de manière plus inusitée, en pralin, par exemple, dans une salade de maquereau fumé», raconte celui qui apprécie le bacon sans antibiotiques de l'entreprise Porcmeilleur. Pour ceux et celles qui font la guerre aux agents de conservation, on proposerait aussi le bacon biologique des Viandes de Charlevoix, vendu dans les magasins d'aliments naturels.

Jusqu'à maintenant, il n'y a rien pour faire sourciller les bien-pensants de la bonne chère. Mais il suffit de parler de crème glacée ou de bonbons au bacon pour qu'une expression d'incrédulité mêlée de dégoût apparaisse sur leurs visages. Pourtant, si l'on pense à la cabane à sucre, à ces tranches de bacon qui baignent dans le sirop d'érable, à côté d'une montagne de crêpes, on réalise que bacon et sucre font bon ménage.

L'entreprise américaine Vosges Haut Chocolat propose toute une collection sur le thème du bacon et du chocolat: tablettes de chocolat, mélange à crêpes et, celui qui semble le plus appétissant, caramel dur au bacon trempé dans le chocolat. D'après les commentaires glanés sur les blogues, dont le réputé Chowhound, la Mo's Chocolate Bacon Bar ne serait pas piquée des vers. On la trouve à l'épicerie fine La Vieille Europe.

La chocolatière Geneviève Grandbois, pour sa part, ne raffole pas de ce mariage. «L'accord bacon et chocolat n'est pas celui qui m'excite le plus, bien que j'aime beaucoup l'idée du salé et même celle du fumé dans le chocolat. Le chocolat au bacon que j'ai goûté récemment ne m'a pas convaincue. Je n'ai pas trouvé que c'était harmonieux ni équilibré», affirme-t-elle. L'expérience qui s'en rapproche le plus a eu lieu à Montréal en lumière, où on avait commandé à la chocolatière une imitation de tranche de bacon en chocolat.

Du bacon qui se boit?

Le bacon se trouve aussi sous forme liquide. Outre la vodka Bakon, il y a maintenant la bière au bacon. Poussant un peu plus loin le concept de la Rauchbier, une bière fumée allemande dont quelques brasseries de chez nous proposent des versions (l'Équinoxe d'automne de Dieu du ciel et la Rauchbier des Trois Mousquetaires, par exemple), le réputé brasseur Garrett Oliver, de la Brooklyn Brewery, vient tout juste de mettre au point la Reinschweinsgebot.

Son malt est fumé dans une pièce, avec le bacon. Par la suite, M. Oliver infuse la bière avec la saveur du gras de bacon, en utilisant une technique issue de la parfumerie. La bière, dont la Brooklyn Brewery n'a produit que 21 caisses, a été lancée le 18 septembre dernier au très chic restaurant Per Se, lors d'un repas à 350$ le couvert.

Décidément, cet aliment du peuple qu'était autrefois le bacon a gagné ses lettres de noblesse.

Quelques blogues bacon: www.royalbaconsociety.comwww.bacontoday.comwww.mrbaconpants.com

 

J'AI TESTÉ

Mo's Bacon Bar

Voici une des curiosités les plus bizarres qu'il m'ait été donné de tester. D'abord, il faut dire que la Bacon Bar ne parle pas au même hémisphère du cerveau que le Gianduja ou le caramel à la fleur de sel. C'est beaucoup plus par curiosité que par gourmandise qu'on achète cette excentricité de la compagnie Vosges Haut Chocolat (d'autant plus qu'elle coûte 8,99$). On y va du bout des dents. Il n'y a pas à dire, ça goûte le chocolat et le bacon. Le croquant et le salé se marient bien avec le chocolat au lait. Intéressant. Mais, après quelques minutes, le petit arrière-goût de lard fumé, un peu trop tenace, nous fait jurer de ne jamais recommencer.

En vente à La Vieille Europe, 8,99$ pour 85 gr.