Les points de vente du kebab, sandwich symbole de l'immigration turque, s'imposent peu à peu en France comme des commerces de proximité, où groupes d'amis et familles de divers horizons se donnent rendez-vous.

«Les gens recherchent une ambiance conviviale, la gouaille de la rue orientale», lance Anis, vendeur dans un snack Kebab qui ne désemplit pas à Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris.«Les clients sont attirés par le côté bourru et sympa du patron, l'accent fort du vendeur», renchérit Halim, un autre vendeur rencontré par l'AFP.

Les snacks kebabs offrent des décors pour la plupart simples: un local, des tables et des chaises souvent très rapprochés, un frigidaire self-service de boissons, des murs nus ou tapissés d'une photo représentant un personnage oriental, écrans plasma ou un écran de télévision basique diffusant des clips vidéos.

L'établissement est tenu par deux-trois personnes appartenant à la même famille, selon des «kebabiers».

La formule semble bien fonctionner: En France, 250 millions d'unités sont avalés par an, soit 14% des sandwiches consommés, selon une étude du cabinet Gira Conseil, publiée en mars.

«Le snack kebab a un côté convivial, artisanal, et proche du quartier qu'on ne retrouve pas du tout dans les chaînes de fast-food traditionnels où l'ambiance est assez froide malgré les décors branchés», explique Nadine, rencontrée avec ses parents et sa soeur chez un «kebabier» en banlieue parisienne.

«Il y a un côté dépaysant, quand on passe la porte on change radicalement d'univers: le patron est souvent un habitant du quartier, un voisin. On peut blaguer avec lui, les vendeurs sont sympas, en plus c'est bon», fait valoir sa soeur Emilie.

Ibrahim, un habitué du «kebabier», y «retrouve l'authenticité dans un monde aseptisé. C'est authentique, on ne triche pas, on discute, on rit, on échange des potins, on partage avec les autres», plaide-t-il.

Dans certains quartiers populaires désertés par les cafés et les bars pour des raisons de sécurité, le petit tour au point de vente de kebabs est une tradition. «On (y) retrouve les potes, on vient aux nouvelles, on tape une partie de cartes comme on pourrait le faire autour d'une bière ou d'un café au comptoir d'un bar», raconte Abdel, un fidèle consommateur.

Signe de cette transformation progressive du snack kebab en commerce de proximité, des pages, animées par des consommateurs, lui sont entièrement consacrées sur des réseaux de socialisation comme Facebook et des sites Internet. Ici les aficionados se retrouvent pour échanger leurs bonnes adresses avec un accent particulier mis sur l'accueil et l'ambiance dans les établissements.

«Restaurant très chaleureux», écrit par exemple un internaute à propos d'un «kebabier», sur kebab-frites.com, une plate-forme d'échanges entre les mordus du «viande grillée-tomate-frites-oignons». «L'accueil reste traditionnel, on aurait aimé un peu plus de fantaisie! On arrive à un final plus que correct!», note un autre.

De plus en plus «on connaît son kebabier autant que son boucher ou son boulanger», estime Benoît Maso, créateur de kebab-frites.com.

«Ce n'est plus uniquement l'affaire des musulmans, des jeunes de banlieues, ou des fans de rap», ajoute-t-il.

Entre 8.000 et 10.000 snacks kebabs opèrent en France, d'après M. Maso, dont le site en a recensé 4.300 à ce jour mais c'est un secteur «en mouvement perpétuel». «Beaucoup ouvrent chaque mois et beaucoup ferment», explique-t-il.