«Ça marche, mais on ne sait pas pourquoi!» expliquait Maryse Barre, alors régisseur du Saint-Émilion Grand cru Château Pavie-Macquin, à l'occasion d'une visite de ce domaine viticole aujourd'hui très réputé.

Nous étions en 1985. Et «ça», c'était... la biodynamie, que Mme Barre avait adoptée bien avant d'autres et dont elle suivait les préceptes fidèlement.

Elle montrait ainsi à ses visiteurs, dont j'étais, deux rangs de vignes, plantés à quelques jours d'intervalle.

L'un à la date prescrite par les calendriers propres à la biodynamie, et l'autre quelques jours plus tôt ou plus tard.

«Et voyez. Depuis, les deux rangs ont reçu les mêmes soins», signalait-elle.

Tous pouvaient voir, en effet, que le rang planté à la date prescrite était de toute évidence en meilleure santé que l'autre...

Or, encore cultivé «selon des principes qui s'inspirent largement de la biodynamie», note le guide Les meilleurs vins de France 2008, le Château Pavie-Macquin, élevé au rang de Premier Grand cru classé en 2006, compte aujourd'hui parmi les plus grands vins de cette appellation.

Qu'est-ce donc que la biodynamie? Qu'apporte-t-elle, ou pas, aux vins qui sont obtenus par cette méthode de culture?

Oenologue et auteur, Pierre Casamayor la décrit comme «le stade extrême de la démarche biologique», dans Le vin en 80 questions (Hachette).

Encore mal connue, décriée par certains qui voient là une forme de fumisterie, elle est pourtant adoptée (en tout ou en partie) par des viticulteurs célèbres, dont Alphonse Mellot du Domaine de la Moussière (Sancerre), Lalou Bize-Leroy (Domaine Leroy, en Bourgogne), Aubert de Villaine (Domaine de la Romanée-Conti, aussi en Bourgogne), etc.

Mais, sans doute parce que la biodynamie sent encore un peu le soufre, certains, notamment les trois précédents, s'abstiennent d'en faire état.

D'autres domaines, dont les 42 qui ont fait goûter leurs vins tout récemment, à Toronto puis à Montréal, s'en réclament ouvertement. Par exemple les domaines Deiss et Ostertag, d'Alsace, Trapet, de Bourgogne, Tissot, du Jura, etc.

Trois grands principes guident la biodynamie, comme l'explique succinctement Pascal Patron dans son Guide des vins bio (Quebecor).

D'abord, elle bannit l'utilisation de tout produit chimique (engrais, herbicides, pesticides); mais la bouillie bordelaise (le cuivre), servant à prévenir des maladies de la vigne, et le soufre, nécessaire à la conservation des vins, sont autorisés. Elle demande également que les viticulteurs laissent agir uniquement les levures naturelles, présentes sur les peaux des raisins, et s'abstiennent donc d'employer des levures sélectionnées (produites commercialement).

La biodynamie prescrit également l'usage de nombreuses préparations - un peu comme en homéopathie - afin de dynamiser la vigne. Certaines étant plus que bizarres, à base de quartz, d'ortie, de... bouse de vache, etc. Mais, comme le disait Mme Barre, «ça marche».

«Combien de grammes de quartz font marcher votre montre pendant plus d'un an?» demande Nicolas Joly, propriétaire de la célèbre Coulée de Serrant (Loire).

Fondateur en 2001 du groupe La Renaissance des appellations, dont sont membres les 42 viticulteurs venus à Toronto et Montréal, il demande encore, dans la présentation du carnet de dégustation remis aux participants à cette occasion, pourquoi une préparation à base de quartz «en biodynamie n'accélérait-elle pas la photosynthèse, qui génère les sucres, les couleurs, les arômes?»

Enfin, troisième élément fondateur de la biodynamie, si l'on peut dire, elle croit aux influences cosmiques, et «utilise un calendrier strict tenant compte des interactions du Soleil, de la Lune et des planètes pour les travaux et les traitements de la vigne», écrit Pascal Patron.

Étrange? Peut-être bien moins qu'on ne peut le penser, quand on songe que l'Everest, à la pleine lune, se soulève d'environ un centimètre à cause de la force d'attraction accrue de notre satellite à ce moment-là.

En un mot: selon la biodynamie, on a tué les éléments vivants de nombreux vignobles par l'usage massif de produits chimiques, les racines demeurant en surface et n'étant plus nourries que par les engrais.

L'objectif est donc de revitaliser les sols et, aussi, de forcer la vigne à y plonger ses racines profondément, pour y trouver une alimentation saine.

On peut ajouter que le fait qu'un vignoble soit en biodynamie n'est pas une garantie formelle de qualité, des vins produits selon cette méthode pouvant être aussi ordinaires, sinon aussi médiocres, que d'autres... (Certains vins parmi la quarantaine que j'ai pu goûter ce jour-là étaient ainsi dépourvus d'à peu près tout intérêt.)

Enfin, comme c'était par exemple le cas pour les vins du Domaine Trapet, de Gevrey-Chambertin, les vins réussis nés de la biodynamie se présentent avec un fruité et un éclat remarquables.

D'autres, notamment ceux du Domaine Marcel Deiss (Alsace) et ceux de Chardonnay du Domaine Tissot (Jura), sont déroutants.

La SAQ doit mettre ainsi en vente, d'ici quelques semaines, les 75 caisses qu'elle a achetées du Arbois 2004 Chardonnay Les Graviers Domaine Tissot, lequel succède au 2001.

Vinifié puis élevé en fûts pour une période de 16 mois, dont un tiers de fûts neufs, c'est un vin qui se présente avec un bouquet à ce point pénétrant, minéral, calcaire même, que le dégustateur ne peut être que déconcerté. Même présence en bouche, même intensité aromatique qu'au nez, avec un après-goût aux notes fumées qui n'en finit plus. Insolite, mais en même temps délicieux, comme un mets nouveau aux saveurs inattendues. Inutile de dire qu'il pourra tenir tête à des plats aux saveurs très relevées. Superbe à sa façon (75 caisses à venir).

S, 875500, 32,75$, *** 1/2, $$$ 1/2, 6-7 ans?

>>>La recommandation de la semaine

Véritable... salade de fruits puisqu'il y entre quatre variétés, surtout de l'Aragonez (ou Tempranillo) et de l'Alicante Bouschet, le Vinho Regional Alentejano 2005 Vinha do Monte, du Portugal, d'un pourpre un peu prune, dont le joli bouquet a des arômes évoquant les cerises noires, est un vin plus que moyennement corsé, d'une bonne concentration, au goût marqué de fruits noirs, et dont les tannins, assez fermes, sont néanmoins dépourvus de rugosité. Élevé en cuves, et donc non boisé, tout en fruit, il gagnera à être servi un peu frais (13-14 degrés). À prix très sage...

C, 501486, 12,75 $, **1/2, $, 2008-2010.

>>>Dégustés pour vous

Bourgogne 2006 Vieilles Vignes Albert Bichot. Bourgogne rouge plutôt léger, au bouquet à la fois délicat et typé Pinot noir, aux saveurs franches et peu tannique, non boisé bien qu'il m'ait semblé l'être un peu. À prix très honnête. C, 10 667 474, 15,85$, ** 1/2,$ 1/2 , 2008-2009.

Côtes du Roussillon 2006 Les Sorcières du Clos des Fées. Vin rouge du Roussillon bien coloré, dont le bouquet, nuancé, aux notes d'épices chaudes («de garrigue», selon son producteur qui cite un magazine) donne aussi l'impression qu'il est boisé, mais il ne l'est pas. Assemblage de Carignan (35%), de Grenache (35%), et de Syrah (30%), c'est cette dernière qui domine, et laisse un effluve herbacé à l'aération. Ne manque ni de corps ni de chair, sur des tannins à la fois enrobés et serrés. Très bon.

S, 10 516 406, 21,80$, ***, $$ 1/2, 2008-2010.

rozes-Hermitage 2003 Cuvée Louis Belle Domaine Belle. Quasi opaque, son bouquet de fruits noirs, large, profond, se présente avec des notes de réglisse, de goudron, etc. Bien en chair, corsé, tannique et un peu astringent, sa générosité fait qu'on lui pardonne de ne pas être davantage distingué. Très réussi quand même.

S, 917 484, 25,95$, ***, $$$, 2008-2012.

Filzener Herrenberg 2005 QMP Riesling Spätlese Edmund Reverchon. Remarquable vin blanc allemand de Riesling, au bouquet éclatant, pur, on ne peut plus Riesling, passablement moelleux (sucré), mais avec toute l'acidité voulue pour en faire un vin équilibré. Le boire en soirée pour lui-même (8,5% d'alcool seulement), ou pour accompagner un dessert peu sucré (81 caisses disponibles).

S, 10 225 481, 28,35$, *** 1/2,$$$ 1/2, 2008-2013?

LA RÈGLE

> Plus d'étoiles que de $, le vin vaut largement son prix.

> Autant d'étoiles que de $, il vaut son prix.

> Moins d'étoiles que de $, il est cher ou même très cher.

> C indique qu'il s'agit d'un vin courant, vendu dans la plupart des succursales.

> S désigne les vins de spécialité, en vente uniquement dans un nombre limité de succursales.

> Le nombre d'années figurant après la note indique le potentiel de garde approximatif à partir de maintenant.

* Vin correct

** Bon

*** Très bon

**** Excellent

***** Exceptionnel

1/2 Égale une 1/2 étoile