La bulle serait-elle enfin crevée? Après les technos, l'immobilier et les multiples produits dérivés de la Bourse en délire, voici que Bordeaux, un autre secteur frappé depuis des années d'une enflure incontrôlable, semble revenir quelque peu à la raison.

Le prix des primeurs 2008 (les vins goûtés chez les producteurs ce printemps par les acheteurs et quelques dégustateurs et qui sont toujours en barrique) a fortement chuté par rapport aux folies des dernières années.Ces vins n'arriveront ici que dans trois ans, mais vous pouvez déjà les commander parmi la sélection de la SAQ (courrier vinicole, saq.com) ou chez sa cousine ontarienne, la LCBO (par sa branche Vintages).

La correction des prix stratosphériques déjà observée l'an dernier pour les 2007 s'accentue pour les 2008, une année pourtant jugée plus prometteuse, selon les experts.

Les grands vignobles français, à force d'exagérer, auraient-ils tué leur poule aux oeufs d'or? Non, mais disons qu'elle a perdu beaucoup de plumes, au grand bonheur des amateurs qui pourront coucher quelques bonnes bouteilles de bordeaux 2008 sans avoir à creuser un déficit olympique dans leur marge de crédit.

La récession y est évidemment pour quelque chose, les consommateurs ayant moins de moyens pour les folies bordelaises. Mais la crise économique n'explique pas tout. Les très grands vins, Petrus, Cheval Blanc et autres pièces de collection, trouvent toujours preneur, même à prix fous, même en temps de récession.

Si les consommateurs québécois peuvent cette année commander des bordeaux 2008 à des prix pré-2005, c'est en grande partie grâce à la stratégie de la SAQ, notre cher monopole que l'on aime tant détester, qui a mis tout son poids de premier acheteur mondial dans la balance.

En débarquant chez les producteurs ce printemps, le directeur Développement et recherche de produits, Denis Marsan, leur a dit: vous ramenez vos prix à ceux de 2004 ou on n'achète pas!

Comme l'explique, en version non décantée, une autre source de la SAQ: «On estime que l'on s'est fait f... en 2007 pour une année ordinaire, pas question de continuer comme ça. Il fallait envoyer un message clair pour que l'on revienne à des prix réalistes.»

Nous ne sommes pas tout à fait revenus aux prix des 2004, mais nous sommes bien loin des extravagances observées à partir de 2005.

Voyez un peu ce que ça donne:

> Cos d'Estournel (une référence viticole et mercantile): 129$ en 2004; 275$ en 2005; 159$ en 2008;

> Cheval Blanc: 399$ en 2004; 1099$ en 2005; 795$ en 2008;

> Petrus: 595$ en 2004; 1299$ en 2005; 795$ en 2008;

> Ausone: 399$ en 2004; 1299$ en 2005; 895$ en 2008;

> Haut-Brion: 265$ en 2004; 1299$ en 2005; 345$ en 2008;

> Pontet-Canet: 75$ en 2004; 115$ en 2005; 119$ en 2008.

La différence, évidemment, est plus marquée pour les très grands vins, dont les prix varient de plusieurs centaines de dollars d'une année à l'autre.

Pour les plus «petits» vins de la hiérarchie bordelaise (enfin, «petits» veut dire ici par rapport aux plus «grands»), on note une augmentation modeste pour les crus classés (ce qui est normal d'une année moyenne vers une bonne année). Un échelon plus bas, celui des vins sans titre aristocratique, la baisse des prix est spectaculaire. Tant mieux. On en reparle la semaine prochaine dans cette chronique.

Moins de vin

> Georges Duboeuf, Saint-Véran 2007 (Code SAQ: 00134742) 19,75$

Ce vin-là est tellement vendu au Québec que c'est devenu presque ringard de l'acheter. J'y ai pourtant retrempé les lèvres récemment. Pour le prix, rien à redire. Classique et fiable. Un peu plus fin, plus subtil et un peu plus cher: Louis Jadot, Saint-Véran, Combe aux Jacques 2008 (Code SAQ: 00597591) 21,25$.