On me demande souvent comment je suis arrivée au vin. Je réponds habituellement que c'est le fruit d'une série de hasards, de rencontres, de boulots. Je ne me suis jamais levée un matin en déclarant : « Je veux devenir sommelière ! »

Bien au contraire, très longtemps, je n'ai pas su ce que je voulais faire dans la vie. Ma première job en restauration était un boulot d'étudiant, à 16 ans. Mais je suis très vite devenue amoureuse du métier, du service, de la gastronomie et du vin.

J'ai poursuivi d'autres études, toujours à la recherche de ce qui m'allumerait, et parce que je me voyais mal annoncer à mes parents que je voulais devenir serveuse. Tout ce temps, j'ai continué à travailler en restauration et à développer une curiosité grandissante pour le vin. Dans le cadre de mes études, je suis allée en Alsace. Là-bas, je suis vraiment tombée dedans. Aussi allègrement qu'Obélix dans la potion magique.

Ce devait être un séjour d'un an. J'y suis finalement restée sept années. Et je suis tombée follement amoureuse de l'Alsace. Pour une curieuse et une gourmande comme moi, c'était un terrain de jeu formidable.

L'Alsace n'a pas de vue sur la mer, ni sur les Alpes, ni même sur le Rhin qui ne coule jamais très loin. Pourtant, elle est indiscutablement l'une des plus belles régions viticoles de France. Le vignoble s'étire au pied des Vosges, le long de collines et de vallées, et il est parsemé de villages plus pittoresques les uns que les autres, avec une profusion de bâtiments historiques, de maisons à colombages et de fleurs.

Mais une grande partie de ce qui fait la beauté de l'Alsace viticole échappe au regard : sous ces villages et ces collines se dissimule une incroyable mosaïque de sols, d'origines et d'âges différents. Peu de régions ont une géologie aussi variée.

Il n'y a pas un seul style de riesling d'Alsace. Le cépage se décline en autant de versions qu'il y a de terroirs. Et il en va de même pour les six autres principaux cépages autorisés dans l'appellation. Des vins archisecs - non, les vins d'Alsace ne sont pas tous sucrés, loin de là ! - aux vins doux, d'expressions simples et gouleyantes à tout ce qu'il y a de plus complexe et sérieux.

GASTRONOMIE

Toute cette variété offre une multitude d'accords possibles à table. Là encore, l'Alsace cartonne : sa gastronomie est aussi riche que ses terroirs sont variés. D'une cuisine paysanne et robuste à une cuisine de la plus grande finesse, elle offre une multitude de saveurs. Et ses vins sont de grands vins de gastronomie. Majoritairement blancs, ils ne se limitent pas pour autant à l'apéro ou aux poissons ! Le pinot gris peut être grandiose avec de la volaille ou des ris de veau. En Alsace, on n'hésite pas à le servir avec de l'agneau ou du gibier. Bien sûr, on cuisine en fonction du vin : avec des légumes racines, des champignons, de la crème, plutôt qu'avec des tomates ou des légumes verts. Il y a une richesse de parfum et de texture dans le pinot gris qui demande la même richesse dans le plat.

Un gewurztraminer, puissant et exubérant, est un compagnon sur mesure pour de nombreux plats des cuisines asiatique et orientale. Il crée aussi un des plus beaux accords avec des caris, à base de poissons ou de volaille, mais aussi de viande rouge.

Et il n'y a pas mieux pour le fromage. Si je ne peux choisir qu'un vin pour un plateau de fromages, ce sera un pinot gris d'Alsace. Et un de mes accords mets-vin préférés de tous les temps est celui, simplissime, d'un bon fromage munster fermier, avec des pommes de terre vapeur, des graines de carvi et un bon « gewurz ». Le bonheur !

Ça vaut la peine de grimper un peu dans les Vosges, au-delà des vignobles, là où forêts et pâturages prennent le dessus sur la vigne, pour aller manger dans une ferme auberge. Ne serait-ce que pour le munster de la maison.

L'HUMANITÉ DU VIN

Ma passion pour le vin est née quand j'ai eu la chance de décrocher un emploi chez un producteur du coin. J'étais toujours aux études, de façon intermittente, et je ne savais toujours pas ce que je voulais faire. C'était à l'époque le deuxième producteur de vin en importance d'Alsace. Mais c'était aussi une entreprise familiale.

En plus d'avoir toujours le nez fourré à la cave et dans le laboratoire de l'oenologue - curiosité oblige -, je m'imprégnais des histoires locales. L'histoire du vin, de la famille et de la région étaient inextricablement liées. Ça m'a permis, très tôt, de prendre conscience de l'humanité du vin. Quand le patriarche de la maison en parlait, ce n'était jamais technique, mais imprégné d'histoire et d'émotions. Grâce à cette famille, j'ai compris que le vin était loin d'être un simple produit de consommation, mais plutôt un vecteur de culture, d'histoire et de tradition. Et je crois que c'est là que je suis vraiment devenue amoureuse du vin.

L'Alsace reste une véritable fourmilière de terroirs et de vignerons, mais aussi de convictions. Ancrée dans la tradition, elle est aussi résolument tournée vers l'avenir. Elle est aujourd'hui, avec le Jura, une des régions emblématiques du vin nature. J'étais hyper excitée à l'époque de découvrir tout ce que l'Alsace avait à offrir. Je le suis encore plus aujourd'hui.

CINQ VINS À DÉGUSTER

VIGNOBLE DU RÊVEUR PIERRES SAUVAGES 2016

Assemblage de pinots - blanc, noir et gris - aux arômes d'abricot, de poire et de fleur d'oranger, avec une pointe miellée. Sec et frais, mais avec un fruité bien mûr en bouche qui lui confère une certaine rondeur. Délicieux avec des pétoncles poêlés (avec une brunoise de pommes de terre, poire et bacon ou encore une purée de chou-fleur), des crevettes sautées à l'orange, une volaille rôtie avec purée de courge butternut.

20,35 $ (13211843), bio, 13,5 %

LÉON BEYER PINOT GRIS ALSACE 2016

Au coeur de l'Alsace, dans le village d'Eguisheim, la maison Beyer privilégie toujours des vins droits, francs et très secs. Fidèle au style, ce pinot gris offre des arômes de poire et de pêche juteuse, avec de délicates notes d'épices et de fumée. Complètement sec, mais avec du gras et une certaine opulence en bouche. Un pinot gris classique qui accompagnera avec bonheur des poissons en sauce, des viandes blanches à la crème, une poêlée de champignons.

23,35 $ (968214) 13,5 %

DOMAINE WEINBACH CUVÉE SAINTE-CATHERINE PINOT GRIS ALSACE 2017

Du grand vin, d'un des domaines les plus respectés d'Alsace. Toute la richesse et la plénitude du pinot gris, qui se déclinent sur des notes de pêche et d'abricot, de zestes d'agrumes confits et de fumée. La bouche est puissante et opulente, souple, mais rehaussée d'une fraîcheur minérale. Un vin profond et complexe, aux saveurs crescendo, déjà délicieux, mais qui se développera encore harmonieusement une bonne dizaine d'années. Pour le gibier à plumes, le foie gras, les fromages de caractère.

59,50 $ (10272536) 14,5 %

DOMAINE BARMÈS BUECHER CRÉMANT D'ALSACE 2015

L'Alsace est aussi source d'excellents vins mousseux. Celui-ci est frais et pimpant, archisec, et tonique, avec des arômes vivifiants de pomme verte, de fleurs blanches et d'agrumes. Parfait pour l'apéro, pour le brunch ou avec des poissons ou fruits de mer frits.

26,30 $ (10985851), bio, 13 %

HALOS DE JUPITER CÔTES DU RHÔNE 2016

Je vous préviens tout de suite, ce n'est pas un vin qui fait dans la dentelle. Mûr, dense et costaud, c'est l'expression de vieux grenaches, donc de rendement faible avec des raisins très concentrés, dans ses terroirs les plus chauds. Pas beaucoup de finesse, mais de la matière à revendre : un fruit hyper mûr aux accents de kirsch, avec des notes d'épices et de garrigue, une bouche souple, dodue, et des tannins fermes. Assurément pour la table, et pour des plats tout aussi costauds : gibier, viandes rouges rôties et en sauce.

17,90 $ (11903619) 15 %

Photomontage La Presse

Véronique Rivest vous propose ces cinq vins de l'Alsace pour obtenir un avant-goût de la région.