Le Courrier vinicole, publié environ cinq fois par année par la Société des alcools, propose des vins réputés, parfois plus rares, et s'adresse entre autres aux collectionneurs.

Les vins doivent être commandés en ligne par les Services SAQ Signature. Le plus récent numéro, consacré à la péninsule ibérique, présente une centaine de vins d'Espagne et du Portugal. La date limite de commande est le lundi 21 mars, à midi.

De cette offre, la presse spécialisée a pu déguster 15 vins espagnols et 11 vins portugais. Je n'ai été qu'à moitié surprise de retrouver une majorité de vins portugais, malgré leur plus petit nombre, parmi mes coups de coeur.

J'ai une relation d'amour-haine avec l'Espagne viticole. Elle possède certains des plus beaux terroirs de la planète vin, mais produit encore trop de vins qui les ignorent complètement.

Comme tous les pays viticoles d'Europe, l'Espagne jouit d'une longue tradition. On y cultive la vigne depuis plus de 4000 ans, sur presque la totalité de sa surface. Elle détient le plus vaste vignoble du monde avec près de 1 million d'hectares de vignes. Pour comparaison, la France et l'Italie en comptent un peu moins de 800 000 hectares.

Comme ces deux dernières, l'Espagne compte une riche collection de cépages indigènes, certains très anciens, et une énorme variété de terroirs. Même des régions voisines, comme celle de Rioja et de Navarra par exemple, ont des particularités géologiques, topographiques et climatiques très différentes. Cette variété de cépages et de terroirs crée une mosaïque fascinante, à l'origine de vins qui peuvent l'être tout autant.

Et pourtant, il y a encore beaucoup de vins d'un style très international. Des vins au fruit tellement mûr et confituré qu'ils perdent toute notion d'origine. Un usage libéral de bois neuf ne fait qu'accentuer ce caractère. 

Le nombre de cuvées espagnoles empreintes de technologie plutôt que de terroir continue de m'effarer.

La France et l'Italie sont aussi passées par cette phase. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, les techniques de viticulture et de vinification ont évolué très rapidement et ont permis de produire de meilleurs vins. Au début, on s'est un peu emballés avec toute cette technologie, au point de la laisser prendre le dessus. Même si ces vins technologiques existent toujours, de nombreux vignerons sont revenus à un plus juste équilibre entre tradition et innovation. La technologie au service de la tradition, donc, pour produire des vins sans défauts, mais qui laissent le terroir s'exprimer. L'un n'exclut pas l'autre !

L'évolution a été plus lente en Espagne. Alors que la France et l'Italie jouissaient d'une grande reconnaissance internationale, l'Espagne tirait un peu de la patte ; ses vins étaient encore souvent rustiques. Lorsque la technologie moderne arrive enfin, aidée par l'adhésion de l'Espagne à l'Union européenne en 1986, d'un coup, elle semble prendre toute la place. Tout ce qui était vieux n'était plus bon. Quand ces vins au profil international ont commencé à récolter les éloges d'une presse très influente, ils se sont mis à pulluler. Comme si on avait soudainement trouvé la voie instantanée du succès : des vins ultramûrs et boisés, charmeurs pour ne pas dire racoleurs, mais dénués de toute personnalité.

Et pourtant, des abruptes collines arides du Priorat aux vignobles verdoyants de Galice ; du climat résolument continental de la Ribera del Duero à celui méditerranéen d'Alicante ; sans oublier les îles Baléares et Canaries, où de vieux cépages indigènes donnent des vins tout à fait uniques, l'Espagne a beaucoup à offrir côté terroir. Elle compte aussi de nombreuses traditions séculaires : les longs élevages des vins de la Rioja, les vins fortifiés ou liquoreux d'Andalousie, d'Alicante, de Tarragone.

L'Espagne a ce qu'il faut pour nous surprendre et nous enchanter. Et elle le fait de plus en plus. 

Entre autres grâce à de nombreux producteurs qui travaillent d'arrache-pied à défendre leurs terroirs et leurs traditions. Oui, il fait chaud en Espagne et le raisin peut atteindre des taux de sucre très élevés, ce qui se traduit par des vins puissants. Mais ceux issus des meilleurs terroirs font aussi preuve d'équilibre et de fraîcheur, grâce à des sols qui imprègnent les vins de minéralité et des vignobles en altitude.

Espérons que ces vins de terroir prendront le dessus sur les vins lourds, denses et trop boisés, qui manquent de profondeur et de finesse, qui nous assomment plus qu'ils ne nous parlent. Comme un voisin de table qui parle trop fort et n'écoute personne d'autre que lui.

À long terme, le succès de l'Espagne résidera dans la production de vins qui lui sont uniques, qui reflètent ses plus beaux terroirs, et qui n'imitent ou ne ressemblent à aucun autre.

DEUX COUPS DE COEUR DU COURRIER VINICOLE

ALVARO PALACIOS FINCA DOFI PRIORAT 2012

Sa couleur pâle est trompeuse : le vin est puissant, tissé serré, avec beaucoup de matière, mais aussi beaucoup d'élégance et de vitalité. Le nez, complexe et parfumé, rappelle les fruits rouges, la garrigue, l'anis, le cuir, l'orange, le pain d'épices. Bref, très complexe ! La bouche suit, franche et suave, avec une minéralité sous-jacente, beaucoup de fraîcheur et des tanins mûrs, mais encore fermes. Puissant, mais équilibré, digeste et marqué par la minéralité : la signature des vins du Priorat. Fort probablement le meilleur Finca Dofi goûté à ce jour. Principalement grenache.

Garde : 10 à 15 ans.

82 $

(12658512)

14,5 %

ARTAZU SANTA CRUZ DE ARTAZU 2012

Élaboré entièrement avec du grenache, son nez est fin, joli, délicat et floral, avec du fruit rouge et noir : cerise, framboise, cassis. La bouche, tout en fruit et en fraîcheur, fait preuve de beaucoup de finesse. Un boisé délicat et très intégré apporte quelques notes épicées. On y trouve toute la sucrosité du grenache (le vin est sec, mais le fruit très mûr), mais avec aussi de l'élégance. Et de la tenue : une acidité fraîche et des tanins fins et fermes lui permettront de bien vieillir même s'il a déjà un grand charme.

Garde : 8 à 10 ans.

48 $

(12578272)

14,5 %