Le monde du vin a son jargon. Parfois très utile et nécessaire, parfois, encore trop souvent, inutile et plutôt ridicule (je pense notamment au vocabulaire de la dégustation, mais c'est un autre sujet et on y reviendra).

Certaines expressions utilisées fréquemment ne sont pas toujours bien comprises. C'est le cas de « Vieux Monde » et de « Nouveau Monde ».

On qualifie de Vieux Monde les pays qui produisent du vin depuis des millénaires, donc essentiellement les pays d'Europe. Quant aux pays dont la tradition viticole se compte plutôt en siècles, ils font partie du Nouveau Monde : toutes les Amériques, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud.

Mais ces expressions ne sont pas purement géographiques. Elles dénotent aussi un style de vin. On peut ainsi parler d'un vin qui est « très Nouveau Monde » en parlant d'un vin italien. Qu'est-ce que ça veut dire ?

J'aime bien faire l'analogie avec l'humain. C'est connu, les nouveau-nés raffolent en général du goût sucré et pas des goûts amers ou acides. Ces derniers s'apprivoisent avec le temps. C'est la même chose pour le nouveau consommateur de vin : qui n'a pas été initié au vin avec du Mateus, du Blue Nun ou de L'Oiseau Bleu ? Tous des vins sucrés. Il est donc normal qu'un nouveau pays viticole commence souvent en produisant des vins plus sucrés, ou du moins plus doux, avec peu de saveurs acides ou amères.

L'expression « Nouveau Monde », pour désigner un style, fait référence aux vins plus fruités que produisent la Californie, l'Australie, l'Argentine et d'autres. Des vins qui mettent l'accent sur un fruit très mûr : quand le raisin mûrit longtemps, il accumule plus de sucre, est moins acide, et donne donc des vins souples (avec peu d'acidité) aux saveurs de fruit intenses. Le vin est plus rond, plus caressant en bouche. Un vin élaboré avec des raisins très mûrs est aussi plus riche en alcool (c'est le sucre du jus de raisin qui se transforme en alcool), et l'alcool contribue à la sensation de sucré. La présence de sucre résiduel, c'est-à-dire tout le sucre du jus de raisin qui n'a pas été converti en alcool, accentue aussi l'impression de sucré.

On entend aussi habituellement par Nouveau Monde un usage plus libéral du bois. L'élevage des vins en barriques peut en effet conférer des arômes et des saveurs qui contribuent à la notion de sucré : vanille, caramel, chocolat et cannelle, entre autres.

À l'extrême, on peut avoir l'impression d'être en présence d'un bonbon ou d'une pâtisserie plutôt que d'un vin.

Complexité

Lorsqu'on parle de vins du Vieux Monde, ou de style Vieux Monde, on fait référence, toujours de façon générale, à des vins qui ne sont pas uniquement axés sur le fruit, qui sont moins puissants en alcool et qui sont moins boisés. Les arômes et les saveurs peuvent être plus complexes, et souvent aussi plus délicats. Les arômes de fruits sont moins souvent confiturés. On parle par exemple d'arômes de framboise fraîche plutôt que de confiture de framboises. À ceux-ci s'ajoutent parfois des notes végétales, florales, minérales ou terreuses. Des arômes a priori moins rassembleurs que ceux de fruit, mais qui donnent plus de complexité et d'intérêt aux vins. Ces vins sont aussi souvent dotés de plus d'acidité et de tanins. L'amertume peut être appréciée : on parle alors d'« amertume noble ».

Cette différence peut aussi être attribuée à des différences culturelles. Alors qu'en Europe, le vin a toujours été pensé pour la table, dans de nombreux pays du Nouveau Monde, il est souvent consommé hors des repas.

Mais avec le temps, la frontière de styles entre Vieux Monde et Nouveau Monde s'estompe. En général, lorsqu'un vin affiche des arômes et des saveurs terreuses, on pense tout de suite Vieux Monde. Mais j'ai goûté récemment un excellent vin du comté de Mendocino, en Californie (The Bird d'Idlewild, un assemblage de barbera, nebbiolo et dolcetto, importé ici par l'agence Les Vieux Garçons), qui, à l'aveugle, semblait tout à fait italien, avec son caractère très sec et tannique, ses arômes de feuilles, de tabac et de terre.

J'ai aussi goûté de nombreux vins européens qui ressemblaient beaucoup plus à des vins californiens ou australiens, histoire de plaire à des marchés ou à des consommateurs bien ciblés. Les généralisations, donc, deviennent dangereuses et de plus en plus désuètes.

Et que dire des pays viticoles encore plus récents : le Japon, la Chine, la Thaïlande ? Serait-ce le « Nouveau Nouveau Monde » ? Il est plus juste aujourd'hui de parler de vins modernes pour qualifier ces vins techniquement bien faits, tout en fruit, ronds et charmeurs, mais qui n'ont pas ou peu d'identité (ils pourraient être d'Australie, de France ou du Canada). Des vins constants et sans surprises, mais aussi sans âme et sans mystère.

Clos La Coutale 2013

Résolument Vieux Monde : le nez, d'intensité moyenne, révèle des notes de terre qui s'entremêlent à celles de fruits noirs mûrs. Ferme en bouche, avec une acidité fraîche et des tanins fermes et serrés, mais sans dureté, ce vin est archisec, de corps moyen, et affiche aussi de la minéralité. Harmonieux et très complet à ce prix, mais assurément fait pour la table où il brillera avec un magret, un confit de canard ou un gigot d'agneau.

16,15 $ (857177) 12,4 %

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Clos La Coutale 2013, 12,4%, 16,15$.

Catena Malbec Mendoza 2013

Il a la même couleur que le précédent : un violet vif et brillant, typique du cépage. Mais les similitudes s'arrêtent là. Celui-ci est tout à fait Nouveau Monde. Très aromatique, avec des notes sucrées de mûres, de bleuets, de ganache et de chocolat au lait. Aucun arôme de terre, mais de la vanille, du pain grillé et une pointe de torréfaction venant d'un élevage en barriques neuves. La texture en bouche est crémeuse et les tanins sont souples, enrobés. Une acidité fraîche garde le tout harmonieux et donne de l'éclat à une matière fruitée. Il pourra accompagner des plats plus sucrés tels que des viandes badigeonnées de sauce barbecue ou apprêtées avec des fruits comme un magret de canard aux mûres.

21,95 $ (478727) 13,5 %

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Catena Malbec Mendoza 2013, 13,5%, 21,95$.

Volpaia Chianti Classico 2012

Un Chianti classique à base de sangiovese, bien typé Vieux Monde. Des arômes de fruits rouges, mais aussi de feuille de tabac, de thé, de terre et de sous-bois. Une acidité bien présente et des tanins fermes forment la colonne vertébrale de ce vin et lui confèrent un caractère archisec et digeste. Savoureux et fait pour la table, il est tout indiqué pour un osso-buco. (Vieillissement en vieux foudres - des fûts de très grand format.)

26,20 $ (10858262) 13 %

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Volpaia Chianti Classico 2012, 13%, 26,20$.

Mazzei Fonterutoli Chianti Classico 2013

Toujours un Chianti, donc toujours géographiquement dans le Vieux Monde, mais dans un esprit un peu plus moderne. Un peu plus coloré, avec des arômes flatteurs de fruit mûr et de vanille, provenant d'un élevage dans des barriques neuves à 40 %. La bouche est un peu plus tendre et crémeuse, mais sans excès : on conserve toujours le caractère frais et tannique du sangiovese. Juste un peu plus mûr, plus rond et plus enrobé. Très bon aussi, mais dans un style différent, un peu plus moderne.

25,75 $ (856484) 13,5 %

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Mazzei Fonterutoli Chianti Classico 2013, 13,5%, 25,75$.