À l'occasion des lancements de La sélection Chartier 2009, nous avons orchestré une aventure du goût autour de mes recherches en sommellerie moléculaire, en présentant un menu de «grande cuisine en miniature» avec l'amicale collaboration de Stéphane Modat, chef des restaurants Utopie et Le Cercle, à Québec. Découvrez les bouchées dégustations et les harmonies que nous y avons présentées.

Avant tout, il faut savoir que les pistes harmoniques que je livre ici peuvent être effectuées autant avec une cuisine quotidienne qu'une cuisine d'avant-garde. Ce qu'il faut retenir, ce sont les ingrédients dominants des différents canapés, tous des «ingrédients de liaison harmonique». Au départ, j'ai choisi différents thèmes, de sorte que les saveurs de chaque canapé se chevauchent, sans nuire au canapé qui précède ou à celui qui suit, tout comme pour être en symbiose parfaite avec le vin servi et le vin suivant.

Nous avons offert aux invités dès leur arrivée un verre contenant une gorgée de thé vert japonais Kabusecha Kawase, servi frais, dans lequel nous avions ajouté une sphère de concentré de jus de cerfeuil, herbe de la famille des anisés.

Nous leur avons ensuite servi un canapé sur une gelée de basilic, air de concombre à la citronnelle, caramel de carottes jaunes, cubes de pommes confites au zathar, qui s'accordait avec le goût du thé vert subsistant en bouche, et annonçait le vin blanc qui allait être servi. Ce vin, à base de cépage verdejo, était le Verdejo Bribon 2006 Rueda, Espagne (15,25$; 10 856 371), aux notes vertes et anisées on ne peut plus rafraîchissantes, à l'image du canapé et du thé vert.

Toujours avec le même vin, deux bouchées furent servies. La première était composée d'ingrédients au goût anisé et au goût de froid: meringue de persil frisé, fenouil confit à la badiane, crémeux de barre à boulard de la ferme Tourilli, perles de jus d'yuzu biologique, fleur de sel à la lime. À la maison, vous pourriez confectionner un sandwich au fromage de chèvre, avec persil, fenouil et zeste de citron, tout en réussissant exactement la même harmonie avec ce verdejo. Dans la seconde bouchée s'ajoutait, aux deux univers de saveurs, celui des pyrazines végétales: guimauve de pois verts à la menthe, faisan cuit sous vide au cèdre, air de livèche, fleur de sel à la lime kaffir.

La deuxième assiette de duo de canapés, pour s'harmoniser au vin rouge, tout en rappelant le précédent vin blanc, spécialement pour la première bouchée, était composée d'un canapé intitulé «Comme une pâte de fruits de poivron rouge brûlé à l'huile de sésame, thon rouge grillé, servi froid mariné au niora», tandis que le second portait le nom de «Boeuf fumé avant cuisson, riz sauvage soufflé à la chicorée, feuille de basilic thaï, huile de pépins de raisins parfumée au piment de la Jamaïque».

Ces deux tapas étaient conçues sur les thèmes de «Pyrazine de cuisson/Lignine/Vanilline/Eugénol», afin de réaliser l'harmonie avec le Château Garraud 2005 Lalande-de-Pomerol, France (29,25$; 978 072).

Avant la surprise finale, une dernière assiette de deux créations fut servie, pour s'harmoniser avec le mémorable Single Harvest 1995 Madère, Henriques, Portugal (23,95$; 10 808 927). Le premier canapé (betteraves rouges confites à la vanille, chair d'orange au Campari et au clou de girofle, fleur de sel au cacao de Trinidad, poudre de sumac) permettait autant l'union au vin rouge qu'au madère. Le deuxième canapé (biscuit aux dattes imbibé de xérès et de cannelle, dôme de lait de coco torréfié, butterscotch au scotch et lait d'amandes) s'interpénétrait à perfection avec le madère, tout en préparant la bouche au dernier accord.

Enfin, juste avant de quitter la salle, les invités se voyaient servir une gorgée de thé Wulong Pinglin Bao Zhong 1985 (Taiwan), des boutiques de thés Camellia Sinensis, afin d'imprégner leur bouche de saveurs fumées et torréfiées. Puis, quelques pas plus loin, la dernière bouchée de grande cuisine en miniature: un carré aux figues, crème fumée, sucre médium à la racine de réglisse. Sorte de carré aux dattes «aux figues», rehaussé de crème au goût fumé (il suffit de macérer du thé noir Wulong dans une crème 35% chaude, et, une fois refroidie, d'effectuer une Chantilly), ainsi que d'une pointe de réglisse (qui pourrait être un doigt de Pernod dans la préparation de figues séchées).

Voilà! Notez bien les aliments utilisés pour chaque création et pour chaque vin, et créez vos propres recettes et harmonies. Votre symphonie résonnera à son tour dans vos papilles!

Pour de plus amples informations, sachez que le menu et les explications détaillées sont disponibles sur mon blogue (francoischartier.ca).

François Chartier est l'auteur du nouveau guide des vins La sélection Chartier 2009, aux Éditions La Presse. On peut lui envoyer des questions par le blogue internet www.francoischartier.typepad.com ou par la poste au 7, rue Saint-Jacques, Montréal H2Y 1K9