Une brasserie artisanale belge qui met un point d'honneur à fabriquer son lambic, sa gueuze et sa kriek de façon naturelle a dû interrompre le brassage de la bière en raison de la douceur des températures cette semaine, y voyant l'effet du réchauffement climatique.

«Trois brassins, aujourd'hui (mardi), jeudi et lundi prochains, ont dû être annulés car les températures nocturnes atteignent en ce moment 10 à 15 degrés, ce qui est beaucoup trop doux» pour permettre un refroidissement à l'air libre, a expliqué à l'AFP Jean Van Roy, de la brasserie Cantillon à Bruxelles.

Cette petite brasserie artisanale, qui espérait produire cette année quelque 400 000 bouteilles et recevoir 50 000 visiteurs, utilise des céréales issues de l'agriculture biologique et puise son électricité dans des panneaux photovoltaïques.

Surtout, contrairement à ce qui se passe dans la production industrielle, Cantillon respecte scrupuleusement la tradition qui veut que le moût (la mixture destinée à la fermentation) refroidisse «à l'air libre, pour se charger naturellement avec les levures sauvages présentes dans l'air», ajoute M. Van Roy, dont l'arrière-grand-père a fondé la brasserie en 1900.

Vieilli en fûts de bois, le lambic, une bière sans gaz, sert ensuite de base pour fabriquer la gueuze ou les bières dans lesquelles ont macéré des fruits, comme la kriek (du flamand «cerise»), qui fermentent à nouveau en bouteille.

«Pour un refroidissement optimal, il doit faire entre moins trois degrés et huit degrés», estime le brasseur. «Le réchauffement climatique se fait clairement ressentir depuis vingt ans. Mon grand-père, il y a 50 ans, brassait de la mi-octobre jusqu'aux Saintes Glaces, en mai. Moi, je n'ai jamais pu faire ça de ma vie, et j'en suis à ma quinzième saison!», raconte-t-il.

La période de brassage est écourtée d'année en année: elle débute plus tard? «L'an passé on n'a commencé que le 10 novembre», explique M. Van Roy, et termine plus tôt. «Je m'adapte parce que je n'ai pas d'autres options, et je le regrette évidemment», souffle-t-il.

Le brasseur dit craindre, à long terme, pour l'entreprise. «On n'a que cinq mois pour brasser et notre production est très restreinte», explique-t-il. «Si on perd une semaine, on peut encore voir venir, mais trois semaines ou plus, ça serait beaucoup plus compliqué».

À moins de recourir à un système de refroidissement de l'air dans les pièces où la bière est stockée en bacs, juste après le brassage, la cuisson et le houblonnage. Un système consommateur d'énergie et qui présente l'inconvénient de «sortir du cadre naturel». «Ce ne serait plus la même bière», estime M. Van Roy.