Une déclaration du ministre de l'Agriculture Didier Guillaume estimant que le vin n'était «pas un alcool comme les autres» a déclenché mercredi sur les réseaux sociaux l'indignation de nombreux médecins spécialistes des dépendances.

«Je ne crois pas que le vin soit un alcool comme les autres», a déclaré Didier Guillaume mercredi sur le plateau de BFMTV.

«La dépendance à l'alcool est dramatique, et notamment dans la jeunesse, avec le "binge drinking", etc. C'est dramatique, mais je n'ai jamais vu, à ma connaissance, malheureusement peut-être, un jeune qui sort de boîte de nuit,  et qui est saoul, parce qu'il a bu du côtes-du-rhône», a ajouté le ministre, estimant que les jeunes buvaient plutôt «des mélanges» ou «de l'alcool fort».

Ces déclarations ont d'autant plus mis le feu aux poudres qu'elles interviennent une semaine après la présentation d'un plan gouvernemental contre les dépendances déjà très critiqué par les spécialistes à propos de son volet alcool.

«Quel aveuglement ! M. Guillaume, tous les médecins vous invitent à faire un tour aux urgences un soir de feria ou de beaujolais nouveau. Pour être plus précis, il y a tous les jours des comas éthyliques au vin», a réagi sur Twitter le professeur Michel Reynaud, addictologue et président du Fonds Actions Addictions.

Ce discours du ministre «place surtout la France dans une position intenable et lamentable quant à l'influence du lobby sur nos politiques», a estimé pour sa part le professeur Amine Benyamina, psychiatre spécialiste des addictions, également sur Twitter.

«Contrairement à ce que prétend le ministre de l'Agriculture, les études démontrent que les jeunes se saoulent avec du vin (18 %) ou du champagne (25 %), selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Le vin est aussi un alcool comme les autres pour se saouler», a déclaré de son côté Bernard Basset, vice-président de l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA), lui aussi sur Twitter.

«Il faut lutter contre toutes les dépendances, mais il faut éduquer les Françaises et les Français et la jeunesse au bon, au beau», a ajouté le ministre, avant d'enfoncer le clou: «Il faut éduquer à boire un verre de vin, pour savoir ce que c'est».

Des déclarations qui tranchent avec une des études sur lesquelles s'appuie le plan gouvernemental, selon laquelle «faire goûter de l'alcool à un enfant pourrait avoir pour effet d'augmenter la consommation de boissons alcoolisées à la fin de l'adolescence».

Des acteurs de la lutte contre l'alcoolisme ont dénoncé ces derniers mois la présence d'Audrey Bourolleau au poste de conseillère Agriculture de l'Élysée. Elle était déléguée générale du lobby du vin avant de rejoindre Emmanuel Macron.

«Il y a au gouvernement et surtout à l'Élysée des gens qui ont décidé de soutenir la viticulture», avait réagi M. Reynaud, lors de la présentation du plan contre les addictions, déplorant l'absence de «mesures structurellement efficaces» et notamment pour agir sur le prix de l'alcool.