Avec ses tuiles de couleur ocre sur le toit et ses murs jaunes, le vignoble Cortellino détonne dans le paysage typique de la Montérégie. Le bâtiment donne plutôt l'impression d'être en Italie.

Joseph Cortellino connaît bien la vigne. Originaire de la région des Pouilles, dans le talon de la botte de l'Italie, il a appris à tailler et à vendanger quand il était petit. Lorsqu'il a déménagé à Montréal, à l'âge de 20 ans, il a imité de nombreux immigrants italiens: il s'est mis à produire son vin maison avec des raisins achetés à LaSalle.

Quelques années plus tard, cet entrepreneur dans le milieu de l'acier a acheté une grande maison et une terre à Saint-Urbain-Premier, au sud de Châteauguay, pour y élever ses cinq enfants. M. Cortellino a alors troqué les fruits du marché contre ceux de son potager. Passionné de vin, il a planté 500 vignes autour de sa maison.

«J'installais les enfants à table et ils égrappaient les raisins à la main, raconte-t-il en riant. Au début, ça les amusait, puis ils ont réalisé que c'était long, enlever les fruits un à un.» Une de ses filles garde toutefois un bon souvenir de ses longues heures à trier les raisins. Sophie Cortellino n'a pas choisi de travailler, comme ses frères et soeurs, dans l'entreprise familiale. Elle a plutôt proposé à son père de démarrer un vignoble. Le tandem père-fille a planté ses premières vignes en 2009 sur une parcelle de terre derrière la maison.

De très petit à très grand

M. Cortellino a l'habitude de faire les choses en grand. Dès le départ, il a planté des milliers de pieds de vigne, puis il a construit un chai dont la grandeur et l'équipement vinicole sont dignes des vignobles européens. Idem pour sa salle de dégustation, dont le look s'inspire des villas de Toscane.

Si le vigneron ne manque pas d'ambition et de moyens, il avoue avoir eu du mal à s'adapter aux quantités plus abondantes de raisin. Par chance, père et fille reçoivent l'aide de la famille, en particulier du père de M. Cortellino, âgé de 90 ans. Le vignoble lui rappelle sa patrie.

Du rouge, comme en Italie

Le goût plus rustique des cépages hybrides du Québec n'effraie pas le vigneron italien. La plupart des vins de sa région natale sont produits avec des cépages peu connus. Leurs goûts sortent souvent des sentiers battus, un peu comme les vins d'ici. «Le goût des vins du Québec est différent, c'est vrai, ajoute M. Cortellino. Mais est-il bon? C'est ce qui m'intéresse.» Sa fille est aussi de cet avis.

«Il faut expliquer le vin aux gens, dit Sophie Cortellino. C'est un défi, car tu ne peux pas comparer le goût de nos vins avec ceux d'ailleurs dans le monde.»

Comme bien des Québécois, les Cortellino aiment les vins rouges. La majorité de leur production est d'ailleurs de cette couleur. Le vigneron favorise aussi l'élaboration de cuvées faites avec un seul cépage, plutôt que des assemblages, afin de goûter la typicité de chacun.

«On ne sait pas encore si les vins rouges du Québec peuvent vieillir, explique-t-il. En vinifiant les cépages séparément, je veux faire le test. Je veux savoir si mes vins vont traverser le temps.»

Pour ce faire, une partie de sa production repose dans son cellier, aux côtés de ses bouteilles de vin italien favorites. Il espère que, dans quelques années, sa fille et lui auront de belles surprises.

Comment s'y rendre

Du centre-ville de Montréal, il faut compter une quarantaine de minutes pour se rendre au vignoble Cortellino. Rendez-vous d'abord sur l'autoroute 30, direction ouest. Empruntez la sortie 41 pour le boulevard Industriel, et tournez à gauche sur le boulevard Sainte-Marguerite. Au bout, tournez à droite sur le rang Saint-Joseph, puis à gauche sur le rang Double (route 205 Sud). Vous croiserez le vignoble quelques kilomètres plus loin.

Photo David Boily, La Presse

Diane, Sophie et Joseph Cortellino dans leur vignoble.

À déguster

Terra Nostra 2011

Ce rouge à base du cépage marquette rappelle ceux des Pouilles élaborés avec du negroamaro. Dans le verre, la couleur est très opaque. On sent des notes animales, le bois et les fruits rouges confits. On perçoit de légers tannins. Les amateurs de vin corsé seront ravis. 13,5 % 14$

Piccolo Griggio 2012

Papaye, oranges et ananas, le nez de ce blanc est séduisant. Sa bouche ne déçoit pas non plus. Son attaque est d'abord vive et rafraîchissante, puis le vin semble corsé. On goûte les fruits tropicaux et les agrumes. C'est un blanc de repas, à déguster avec du poulet au citron ou des fromages. 12,5 % 12$

Photo David Boily, La Presse

Photo David Boily, La Presse