On ne juge pas un livre par sa couverture, mais selon une étude de l'institut Wine Intelligence, les consommateurs choisissent souvent une bouteille de vin en fonction de son étiquette. C'est pourquoi les vignerons accordent autant d'importance au choix de l'habillage de leur produit. Certains vont même jusqu'à adapter l'étiquette au marché québécois.

Il y a trois ans, François Chartier a bousculé les conventions en affichant des aliments sur les étiquettes de ses vins. Le concept audacieux a reçu plusieurs prix, mais aussi plusieurs critiques. Certains n'appréciaient pas le look trop moderne de ces vins faits en Europe, d'autres trouvaient le choix des aliments trop restrictif.

Ce design original a disparu des bouteilles. Le sommelier devenu producteur de vin voulait passer un message: la qualité de ses vins a changé.

«C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour expliquer que mes vins ont changé, explique-t-il. J'ai fait un travail énorme pour avoir de meilleurs raisins.»

François Chartier a effectué le changement contre l'avis de la firme montréalaise Sid Lee qu'il avait embauchée pour créer les étiquettes avec les aliments. Le sommelier semble toutefois avoir gagné son pari.

Son rosé mis en vente au printemps est le premier à avoir subi la métamorphose, et les 3000 caisses de vin ont rapidement trouvé preneur. Même scénario pour son Fronsac rouge, dont les ventes ont augmenté de 47 % dans les deux premières semaines. Est-ce que cette augmentation est liée au changement d'image? Difficile à dire, répond François Chartier. Il faudra attendre le résultat des ventes annuelles pour le savoir.

Mauvais choix

Les aliments sur les étiquettes de François Chartier ne plaisaient pas à tous, mais ses vins avaient connu malgré tout beaucoup de succès, soit 1,2 million de bouteilles vendues en seulement trois ans. 

Le choix d'une étiquette moderne et jeune ne réussit toutefois pas à tous les producteurs. Pour se démarquer des autres bordeaux, l'entreprise Yvon Mau avait choisi un habillage plus tendance pour son vin appelé «Le petit grand». L'image met en scène un lapin qui regarde son ombre et qui voit un lion. La bouteille est arrivée sur les tablettes de la SAQ en 2014 et ses ventes n'ont jamais décollé. 

«On voulait aller chercher des consommateurs de vin du Nouveau Monde avec cette étiquette, explique la responsable du produit au Québec, Julie Goyer. Mais on s'est rendu compte que les consommateurs de bordeaux sont classiques. On a dû changer l'étiquette.»

Le producteur de cidre Entre Pierre et Terre a lui aussi dû changer l'image de son mousseux. Lancé en 2013, le «Sexy Dog» a séduit la critique par la délicatesse de ses bulles, mais le nom du produit et son étiquette ont mis un frein aux ventes. 

«On avait voulu s'inspirer des microbrasseries avec une étiquette plus osée et jeune. On a remarqué que, pour les mousseux, il faut un style plus sobre, comme les champagnes», indique Loïc Chanut.

Autre problème: la langue. Le nom anglophone du cidre québécois déplaisait à de nombreux consommateurs. Une remarque qu'encaissent d'autres produits comme le vin français Be Bordô qui vient de changer la mention «Le red» sur ses étiquettes pour «le rouge fruité».

Des étiquettes adaptées au Québec

Le domaine Velenosi en Italie a modernisé l'étiquette de sa cuvée Brecciarolo en 2009. Il a troqué la bande verticale pour un habillage plus traditionnel. Or, les Québécois n'ont jamais vu cette nouvelle étiquette.

«Au Québec, une bonne partie du public nous connaît comme "le vin italien avec l'étiquette à la verticale", dit le responsable de la commercialisation Ulisse Patalocchi. Pour cette raison, on ne l'a pas changée.»

Velenosi n'est pas le seul vignoble à adapter son image aux consommateurs d'ici. L'agence Oenopole a retenu les services de graphistes québécois pour créer des étiquettes sur mesure pour les nouveaux vins de Jean-Paul Daumen. Le vigneron du Rhône était déjà bien connu pour ses cuvées haut de gamme dont les étiquettes sont très classiques. 

«On voulait que les vins se distinguent en SAQ, explique Elisabeth Lebel, de l'agence Oenopole. On voulait aussi que les gens soient fiers de mettre la bouteille sur la table.»

La stratégie semble avoir fonctionné. Les étiquettes réalisées au Québec ont eu un tel succès que le producteur les a conservées sur ses bouteilles vendues aux États-Unis.

Photo fournie par la SAQ

L'agence Oenopole a retenu les services de graphistes québécois pour créer des étiquettes sur mesure pour les nouveaux vins de Jean-Paul Daumen. Le vigneron du Rhône était déjà bien connu pour ses cuvées haut de gamme dont les étiquettes sont très classiques.