Des conditions «presque parfaites», voire «idylliques»: les vendanges s'annoncent prometteuses cette année grâce à une météo chaude, qui menace néanmoins les rendements en Alsace, Val de Loire, Bourgogne et Beaujolais.

Si nombre de productions agricoles sont rudement touchées par la sécheresse qui frappe plus de 70 départements en France, la vigne, culture de pays chauds, est dans une situation à part.

Elle «aime souffrir et on préfère la sécheresse à l'excès d'eau», rappelle Guillaume Lapaque, directeur des associations viticoles d'Indre-et-Loire et de la Sarthe. Notamment parce qu'un temps sec maintient à distance l'oïdium et le mildiou qui prolifèrent dans l'humidité.

Dans le Bordelais, à quelque cinq-six semaines des vendanges, on se réjouit d'un scénario météo équilibré, «presque parfait» avec ensoleillement, temps sec, avec juste ce qu'il faut d'eau.

«Je dirais, en termes de football, qu'on est en début de seconde mi-temps, avec 4-0 en notre faveur, et aucun blessé», résume Philippe Bardet, coprésident de la Commission technique du CIVB (Comité interprofessionnel des Vins de Bordeaux).

«Certes le match n'est pas fini. Il y a toujours un risque (grêle, pourrissement subit), mais factuellement, jusqu'ici, le scenario est assez extraordinaire» dans le Bordelais.

«Il faut remonter à 2005 pour trouver une année aux conditions si favorables», surenchérit Jean-Charles Chevalier, chef de culture à Château Fonreaud et Château Lestage (appellation Listrac-Medoc).

Pour le Muscadet, «les conditions météorologiques sont idylliques», confie Joël Forgeau, président du Syndicat de défense de l'AOC. «Même c'est sûr qu'un petit peu d'eau ne ferait pas de mal pour assouplir la peau des grains» afin que leur maturation poursuivre sur sa lancée.

Pour autant, le manque d'eau devrait quand même peser sur les quantités dans certaines régions.

«Je suis installé depuis 1998 et je n'ai jamais vu cela: on n'a pratiquement pas reçu d'eau depuis fin mai», déplore Jérôme Bauer, président de l'Association des viticulteurs d'Alsace.

«Pour nous, ce sera la troisième petite récolte consécutive», insiste le viticulteur qui se demande si les producteurs alsaciens vont pouvoir valoriser suffisamment leurs produits pour compenser les pertes en volume.

Dans le Beaujolais, on se risque déjà à annoncer une production en retrait d'un tiers avec des vendanges très précoces, selon Florence Hertaut, conseillère en viticulture à la Chambre d'agriculture du Rhône.

Les jours à venir «déterminants»

En Bourgogne, une des régions qui a le plus soif cet été, «une petite baisse de quantité est vraisemblablement attendue à cause de la chaleur», indique Christine Monany, qui suit la maturité des vignes au Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).

Car le manque d'eau et les chaleurs peuvent stopper la maturité de la vigne, conduisant à la formation de baies particulièrement petites.

Plus à l'ouest, «la situation est partagée en Indre-et-Loire. C'est préoccupant sur les blancs dans l'est où une partie de la récolte est déjà perdue. Dans le Loir-et-Cher, certains vignerons estiment qu'ils ont perdu la moitié de la récolte en Sauvignon. À l'ouest, en revanche, les sols calcaires servent d'éponge», rapporte Guillaume Lapaque.

Dans le sud de la France, pour l'instant les observations se veulent plutôt rassurantes.

En Vallée du Rhône, «au 11 août, le vignoble se porte plutôt pas mal après un hiver pluvieux, un printemps humide et un mois de juin arrosé. Donc le vignoble encaisse plutôt bien, même si, c'est certain, la récolte ne sera pas pléthorique», observe Nicolas Constantin, directeur délégué du laboratoire Dioenos Rhône.

En Provence, «la chaleur impacte ponctuellement des zones en bordure littorale et des zones dans l'arrière-pays où les sols sont peu profonds. En revanche, on est à la limite et si les fortes chaleurs durent, on pourrait voir les vignes se mettre en pause», détaille Michel Couderc du Conseil interprofessionnel des vins de Provence.

Les jours à venir seront donc déterminants. «Si on a pas de pluie dans les jours qui viennent alors, oui, il y aura un véritable impact», avertit Jérôme Despey, président du conseil spécialisé des vins de FranceAgriMer (ministère de l'Agriculture).

Car, comme dit le dicton, c'est «septembre qui fait le vin». Enfin, sauf si tout est vendangé avant....