À quelques kilomètres du temple dédié au dieu romain du vin Bacchus, au coeur de la vallée de la Békaa, la viticulture au Liban est en pleine renaissance: depuis quelques années, de nouveaux vignobles fleurissent et se font un nom à l'étranger.

En l'espace de 10 ans, leur nombre a explosé: «de cinq en 1998, nous sommes aujourd'hui plus de 30», explique à l'AFP Ramzi Ghosn, du domaine «Massaya», précurseur avec son frère de la «nouvelle vague».

«Marsyas», «Coteaux du Liban» et d'autres sont en majorité des petites ou moyennes caves qui misent sur la qualité et figurent déjà sur les cartes des vins à Paris ou à Londres.

«Après le vin d'Europe, celui du Nouveau monde, c'est le vin de l'+Ancien monde+ (Grèce, Chypre, Palestine, Syrie) qui émerge», explique M. Ghosn. «Le Liban y joue un rôle d'avant-garde, poussé par sa tradition culinaire et viti-vinicole».

«Les vins libanais sont à la mode», affirme à l'AFP Frédéric Bernard, directeur général d'une société de négoce de vins de Bordeaux, «Bordeaux Tradition». «Ils sont moins standardisés que ceux du Nouveau monde, on y trouve de vraies différences».

La Békaa, réputée pour donner les meilleurs crus du pays, jouit de facteurs idéaux: altitude à 900 mètres, sol calcaire, pluie, étés chauds et longs, notamment à Zahlé, royaume des vignobles où, d'après la légende, Noé, premier vigneron selon la Bible, serait enterré.

«C'est un marché de niche si petit que cela suscite une curiosité», affirment les frères Sandro et Karim Saadé qui ont lancé «Marsyas» en 2005, avec l'aide de Stéphane Derenoncourt, figure de l'oenologie mondiale.

«L'avenir au Liban, ce sont les petits domaines», disent-ils, alors que le marché local reste largement dominé par les «deux grands», Ksara et Kefraya (deux tiers des ventes).

«Les endroits célèbres pour la production du vin depuis l'Antiquité, comme le Liban, c'est attrayant pour le consommateur et cela permet de relancer les projets», affirme M. Derenoncourt à l'AFP.

L'industrie, une fierté nationale, rapporte environ 30 millions de dollars en chiffres d'affaires, dont 15% à l'export, notamment vers la Grande-Bretagne et la France. Le vin est aussi de plus en plus consommé par les Libanais.

Au-delà des chiffres, se profile une passion intimement liée au terroir.

Formé à Saint-Emilion, Sébastien Khoury a lancé en 2006 le «Domaine de Baal» deux semaines avant la guerre entre Israël et le Hezbollah. «Ce fut difficile, mais aujourd'hui, nous exportons 40% de la production», dit-il.

En 2003, Nicolas Abi Khater lance «Les Coteaux du Liban». Six ans plus tard, il meurt et sa femme Roula prend la relève, aidée de trois employés et son fils de 15 ans. «Je ne savais pas ouvrir une bouteille de vin», plaisante cette diplômée de musicologie, qui écoule toute sa production à l'étranger.

Le PDG de Renault et Nissan, le Français d'origine libanaise Carlos Ghosn, a créé la surprise en lançant au printemps avec des partenaires locaux le vin «Ixsir».

Le succès du vin libanais a encouragé certains à s'y lancer dans des régions autres que la Békaa.

Dans la région de Batroun (nord), où les pentes contrastent avec le sol plat de la Békaa, le vin «Atibaia» de Jean Massoud verra le jour en 2011. «Ce sera un vin de garage de très haute qualité», explique-t-il.

Parallèlement, le tourisme du vin se développe et de plus en plus de Libanais et d'étrangers visitant le temple romain de Baalbeck font également une tournée dans les caves.

«Nous construirons un hôtel de charme et un restaurant gastronomique d'ici deux ans», indique M. Khoury. Les frères Saadé envisagent de construire un Musée du vin.



Pour Mme Abi Khater, «cela donne une belle image du Liban» où, il y a 5.000 ans, les Phéniciens avaient été l'un des premiers peuples à domestiquer cette boisson noble.