Les voyages forment le cognac: une maxime qui pourrait s'appliquer au périple insolite d'un fût d'alcool charentais, revenu bonifié sur ses terres d'origine au terme d'un an de navigation à bord d'un paquebot norvégien du nord au sud du globe.

«On voulait savoir quels seraient les effets de températures extrêmes sur le cognac», a indiqué le maître de chai, Richard Braastad, après une dégustation organisée par la maison de négoce familiale Tiffon, installée à Mainxe (Charente), juste à côté de Jarnac.

«Rien qu'à la couleur, il (le cognac) s'est renforcé, concentré. En un an, il a pris entre trois et quatre années. C'est extraordinaire, magique», a-t-il commenté après avoir comparé le nectar voyageur à l'échantillon témoin.

Le fût de cognac Tiffon a quitté Bordeaux pour la Norvège le 19 avril 2009, chargé à bord d'un navire norvégien spécialisé dans les croisières en eaux arctiques et antarctiques.

Au fil des excursions, l'eau-de-vie a franchi douze fois les cercles polaires du nord au sud et deux fois l'équateur en faisant, entre autres, escale à New York ou Ushuaïa avant de rejoindre les bords de Charente en début de semaine.

La barrique, arrimée au ponton pendant six mois, a été exposée à de forts roulis et à des températures variant entre +50 et -10 degrés Celsius.

Elle a ensuite été déposée en cale sur demande des autorités américaines pour des raisons de sécurité.

Selon les dégustateurs parmi lesquels un représentant du Bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC), ce régime très spécial a profité au spiritueux coutumier de l'ombre, de l'humidité des chais et dont le vieillissement revêt une importance majeure.

L'assemblage de quatre crus d'environ quinze ans d'âge a également surpris par une «rondeur», un «moelleux» accrus et «un côté sauvage». Ces atouts devraient contrebalancer la perte de quelque 40 litres sur les 350 initialement embarqués. Soit une évaporation quatre fois supérieure à celle enregistrée en chais.

La maison Tiffon prévoit de commercialiser ce cognac en exploitant le caractère exceptionnel de l'expérience. «Economiquement, ce n'est pas quelque chose qui peut se faire en grande quantité», a précisé M. Braastad. Un client bordelais a déjà réservé deux futures bouteilles.

L'opération a été inspirée à Trond B. Olsen, ami de la maison Tiffon, par l'expédition du Norvégien Roald Amundsen, dont le centenaire sera célébré l'an prochain. Selon M. Olsen, l'explorateur qui a atteint le pôle sud en 1911 avait à son bord plusieurs alcools dont du cognac.

La maison de cognac Tiffon, notamment propriétaire de la marque Braastad, exporte 90% de sa production annuelle (1,3 million de bouteilles) vers la Scandinavie. En 2009, son chiffre d'affaires s'est élevé à 15 millions d'euros.