Un concept de « bulle » pour la reprise de l’entraînement et des compétitions en ski alpin a été refusé par la Santé publique, a appris La Presse.

Très inquiet pour l’avenir de la relève, Ski Québec alpin (SQA) souhaitait mettre en place une « bulle » à Mont-Édouard, une station située à L’Anse-Saint-Jean, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Elle devait permettre à quelque 200 jeunes skieurs de l’élite de renouer avec la pratique de leur sport, interrompue depuis le début du premier confinement au Québec, le 12 mars.

Dans un document de 16 pages, la fédération détaille les mesures qu’elle comptait implanter pour assurer la sécurité des participants, des clients de la station et des citoyens de la municipalité : port du masque à l’intérieur et à l’extérieur, création de « bulles d’entraînement sécuritaires », limitation des déplacements entre l’hébergement et la montagne, test de COVID-19 cinq jours en amont, prise de température deux fois par jour, roulottes réservées pour l’équipement de chacun des groupes, activités en semaine seulement, restriction du nombre de personnes sur les parcours, etc.

L’isolement naturel de la station Mont-Édouard et de la municipalité de L’Anse-Saint-Jean, dont les autorités respectives avaient donné le feu vert, a également été plaidé par SQA. De façon générale, les participants devaient rester sur place pour une période de quatre semaines.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le village de L’Anse-Saint-Jean, au Saguenay–Lac-Saint-Jean

Soumis le 13 octobre, le projet a été refusé mardi. « Comme pour tous les sports, on commence à manger des coups durs, a réagi le directeur général de la fédération, Daniel Lavallée, mercredi matin. On veut au moins que l’élite puisse s’entraîner. Malheureusement, ça n’a pas passé. On était en attente des discussions avec la Santé publique. Il y a deux semaines, on avait compris que le projet était approuvé. Mais ce ne l’est plus. C’est sûr que la situation avec la COVID a changé aussi. »

Le Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui connaît une augmentation marquée de nouvelles infections, a basculé en zone rouge le 2 novembre. La courbe des cas quotidiens de COVID-19 continue de progresser dans la province, avec un sommet de 1378 mercredi.

« On a fait quelque chose d’assez étoffé, très hermétique, mais comparé à ce que la Ligue de hockey junior majeur a fait, on n’est pas capables de faire des tests aux trois jours ! » a indiqué M. Lavallée.

Offrant le cinquième dénivelé en importance au Québec, Mont-Édouard a accueilli les derniers championnats canadiens, en mars 2019, et une tranche de la Coupe Nor-Am, le circuit de développement nord-américain, en février. La montagne est un lieu d’entraînement prisé des skieurs québécois.

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Mont-Édouard est un lieu d’entraînement prisé des skieurs québécois.

Le directeur général de SQA comprend et « respecte » les réserves des experts de la Santé publique. « Ils sont inquiets pour la bulle. Ils trouvaient que l’aspect hébergement n’était pas étanche, que ça prenait plus de tests. Ils étaient inquiets pour la clientèle des 15 à 19 ans ; ce sont eux qui figurent dans les majorités des cas. »

Le DG rétorque néanmoins que la pratique extérieure du sport et la superficie du plateau d’entraînement et de compétition — équivalent à « au moins 20 terrains de soccer », selon une lettre soumise au Ministère — devraient être pris en considération.

« On ne veut pas comparer un sport à l’autre, mais on parle de ski alpin. C’est un sport extérieur où tu portes gants, masque, lunettes, casque, tuque. Tu es tout habillé. »

Quand des recherches disent que 1 % des cas de contamination se font à l’extérieur, c’est dur d’imaginer qu’on est un sport à risque.

Daniel Lavallée, directeur général de Ski Québec Alpin

À l’heure actuelle, seuls les membres de l’équipe du Québec sont à l’entraînement à Sun Peaks, en Colombie-Britannique. La situation est intenable à long terme, prévient M. Lavallée.

« On cherche des solutions en Europe parce qu’ils ne pourront être au Québec cet hiver, c’est clair. Mais l’Europe, ce n’est pas idéal [avec la résurgence des cas]. L’Ouest [canadien], c’est en train de se resserrer. Les équipes nationales sont toutes revenues au pays parce que les pistes et les glaciers fermaient, les Coupes du monde s’annulaient. Il y a comme un étau qui se referme autour du ski alpin. »

« De l’anarchie »

Le DG de la fédération craint l’impact de la pandémie sur les meilleurs espoirs. « Sans vouloir être dramatique, on est en train de perdre des générations. Au Québec, la prochaine génération est très forte chez les femmes en ce moment. Chez les hommes, ça va, mais c’est extrêmement fort chez les femmes. Là, il faut qu’on les mette sur la neige ! »

Relancé de toutes parts par ses membres, M. Lavallée est incapable de donner une réponse claire quant à la possibilité de tenir une saison un tant soit peu normale. Sa plus grande inquiétude est que des clubs en viennent à transgresser les règles.

« J’appelle ça de l’anarchie. Les gens vont se mettre à faire des parcours cachés quelque part, de leur propre chef. Ça, ça va être dangereux. Tu vas commencer à voir de sérieuses blessures. Ça ne sera même pas couvert par nos assurances.

« C’est l’un des arguments qu’on faisait à la Santé publique. Si c’est une question de santé et de sécurité, vous devriez justement permettre le sport de glisse organisé. Parce que nous, on va le faire en sécurité. »

Une enquête du Pôle sports HEC Montréal a révélé lundi qu’une majorité de hauts dirigeants du sport québécois évaluait à au moins 8 sur 10 l’ampleur de la crise de la COVID-19 sur leur organisation. « En ce moment, le sport a le caquet bas », a admis M. Lavallée, qui constate la même déprime chez plusieurs de ses homologues.