Quand Alex Maze a fait ses débuts comme lutteur, en 2019, il s’est senti très seul. Pas parce que son physique – 150 livres réparties sur 172 centimètres – faisait de lui un petit au pays des colosses, mais parce qu’il était le seul homosexuel.

Quatre ans plus tard, celui qui est devenu le premier champion ouvertement gai de l’International Wrestling Syndicate (IWS) se prépare pour un gala historique, ce samedi à Montréal.

Le spectacle prévu à l’Olympia accueillera six athlètes LGBTQ+ sur une vingtaine à l’affiche.

« C’est la première fois au Québec qu’on a une aussi grosse présence queer », explique Alexandre Lessard, alias Alex Maze.

« C’est aussi un grand honneur pour moi de penser que la fédération a confiance en une personne LGBTQ+ pour la représenter, alors qu’on sera en direct pour la première en télévision à la carte sur Fite+, la plus grande plateforme de lutte indépendante dans le monde. »

Cette représentation LGBTQ+ est-elle un signe que le milieu de la lutte est ouvert ? Pas exactement, selon le Québécois de 34 ans.

« Les grandes villes sont accueillantes. Récemment, aux États-Unis, un gala mettait en scène une fille déclarant à un lutteur qu’il était assurément intéressé par elle. Il a répondu que non, et la foule a scandé “He is gay” dans un mouvement de totale acceptation. C’était beau à voir. »

Toutefois, la situation n’est pas rose partout. « L’an dernier, à Sherbrooke, certaines personnes sont allées voir les promoteurs d’un gala pour leur demander pourquoi ils invitaient du monde comme moi, se souvient Lessard. Je sais aussi que la lutteuse Maria Belmont a vécu des moments difficiles avec la foule sur la Rive-Sud de Montréal en commençant sa transition de genre, mais les gens semblent s’être habitués. »

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Le lutteur Alex Maze et ses élèves

Des exceptions à nuancer

On pourrait croire que la lutte professionnelle est inclusive en pensant au lutteur québécois Pat Patterson, qui a fait son coming out il y a bientôt 20 ans. Pourtant, des nuances s’imposent. « C’était longtemps après sa retraite, précise Alexandre Lessard. Son orientation sexuelle était connue dans le milieu, mais il est sorti du placard publiquement des années après sa carrière. »

Et qu’en est-il de Darren Young, premier lutteur à parler publiquement de son orientation sexuelle, alors qu’il était toujours en action ? « Il n’est plus embauché par la WWE depuis des années. Il travaille beaucoup dans le milieu indépendant sous son vrai nom, mais ça reste difficile. »

La WWE est très de droite à ce sujet.

Alexandre Lessard

Puisque la lutte met de l’avant une forme de violence, d’agressivité et de masculinité toxique, Lessard a longtemps cru que les personnes LGBTQ+ n’y seraient pas bien accueillies. « La première fois que j’ai assisté à un spectacle, en tant qu’employé, j’ai porté un chandail sur lequel on pouvait lire : “Gay is not okay, it’s fabulous ” pour voir ce que les gens diraient. Finalement, personne n’a eu de réaction négative. »

Tout un soulagement pour celui qui est tombé en amour avec la lutte en 2002, alors qu’il zappait devant la télé. « À force de regarder, on embarque dans l’histoire et on a envie de savoir ce qui va se passer la semaine suivante entre deux personnages. C’est un peu comme Les feux de l’amour, mais avec du monde qui se tape dessus ! »

Ayant toujours aimé les arts et les acrobaties, il a vu la lutte comme un habile mariage entre le sport et le spectacle. « En plus, c’est l’un des derniers shows interactifs ! Si la foule me crie de donner une claque à un adversaire, ça se peut que je lui en donne une ! »

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Le lutteur Alex Maze

Un sentiment de marginalité

Son premier entraînement a eu lieu en 2019. Son premier combat, à l’hiver 2020. Pendant un an, il n’a croisé aucune autre personne LGBTQ+ dans son nouvel environnement. « Je me demandais si j’étais seul dans ma situation. Mon premier match contre une personne queer a quand même eu lieu en 2023 ! »

Malgré le sentiment de marginalité, Alexandre Lessard n’a jamais voulu cacher son orientation sexuelle. « La meilleure façon d’agir, c’est d’être pleinement qui je suis. Il ne faut pas cacher ça, mais ouvrir les yeux des gens et montrer que tout le monde a sa place. »

Il déplore cependant que certaines fédérations demandent à des lutteurs hétéros de jouer des homosexuels. Même si la lutte implique des « personnages » et que les lutteurs peuvent être perçus comme des « interprètes », tout est dans la manière.

« L’an dernier, dans un match par équipe, mon partenaire imposé voulait perpétuer des stéréotypes comme être ultraflamboyant ou se taper les fesses. J’avais l’impression qu’il voulait se moquer. Quand je lui ai demandé s’il était gai, il m’a dit que non, qu’il avait une femme et trois enfants. »

Le monde de la lutte s’ouvre. Le gala montréalais du 15 juillet mise sur plusieurs athlètes LGBTQ+. Mais Alexandre Lessard aimerait aller plus loin et servir de modèle. « Il faut des personnes comme nous pour faire avancer le mouvement. »