Si Alex Harvey a décidé de coucher sur papier son parcours dans une biographie, ce n’était pas par prétention ou par besoin de retourner sous les feux de la rampe, mais plutôt pour répondre à une demande de plus en plus forte. L’enfant prodige du ski de fond canadien est conscient de son héritage et, cinq ans après sa dernière course, le moment était venu de se raconter.

En librairie depuis mercredi et publié aux Éditions de l’Homme sous la plume du collègue Simon Drouin, Alex Harvey : le prince – Parcours d’un champion retrace la trajectoire exceptionnellement fascinante du double champion du monde et vainqueur de huit médailles d’or sur le circuit de la Coupe du monde.

De ses premiers Jeux olympiques à Vancouver en 2010 jusqu’à son dernier podium sur les plaines d’Abraham en 2019 en passant par sa quatrième place à l’épreuve du 50 km aux Jeux olympiques de Sotchi en 2014, Harvey revient en détail sur les évènements qui ont ponctué une carrière ayant attiré regards et admiration.

Il faut connaître l’ancien skieur quelque peu pour savoir que jamais il n’aurait eu l’ego de présumer que les amateurs de ski de fond avaient absolument besoin de ce livre de 264 pages.

Drouin lui avait lancé l’idée en 2018, un an avant sa retraite. Mais Harvey n’en avait pas fait de cas.

C’est notre rubrique Mauvaise conduite, chronique hebdomadaire dans laquelle les journalistes de l’équipe des sports de La Presse et les lecteurs sont invités à répondre à une question sur un ton souvent relativement léger, qui a été l’amorce de toute cette démarche.

« Je n’y pensais pas activement jusqu’à ce que je voie cette rubrique dans La Presse en décembre 2022 », explique l’avocat de 35 ans, en arrivant à son bureau du centre-ville de Montréal.

À la question « De quelle personnalité du monde du sport aimeriez-vous écrire la biographie ? », un lecteur avait répondu Alex Harvey. « Simon m’avait fait suivre cet article-là. Et en janvier 2023, deux maisons d’édition m’ont contacté, sans sollicitation. Et je présume que c’est en lien avec cet article. J’ai rappelé Simon. Avec le recul, ça m’intéressait et Simon était encore ouvert à se prêter au jeu. »

Un an plus tard, Simon Drouin et lui ont accouché d’un bouquin captivant qui nous transporte dans les coulisses de certains des grands moments de l’histoire du sport canadien.

« Par exemple, les gens me demandent encore pourquoi je n’en veux pas aux Russes [NDLR : la Russie a été bannie des JO durant quatre ans en 2019 pour fasification de données antidopage] de ne pas avoir eu de médaille aux Jeux olympiques, mais je sais que j’ai ce sentiment de sérénité à l’intérieur de moi. Mais là, j’ai pu mettre des mots là-dessus, mieux le verbaliser, donc c’est intéressant comme exercice. »

Il est aussi question de sa relation avec son père Pierre, son entraîneur Louis Bouchard, son agent Denis Villeneuve et avec ses coéquipiers de l’équipe nationale, à une époque où le ski de fond était moins bien développé. De manière générale, replonger dans ses souvenirs a été une réelle partie de plaisir. Il s’est aussi rendu compte de l’ampleur de son héritage.

« La mémoire humaine fait qu’il y avait des souvenirs altérés à cause du temps. Simon était vraiment bon pour remettre les choses en place et me challenger sur certains de ces souvenirs, parce qu’il retournait voir certaines de ses notes d’entrevues et des articles qu’il avait écrits. C’était vraiment intéressant de remettre toutes les choses en perspective. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Alex Harvey

Un chouchou du public

Le 21 décembre 2019, Harvey a été élu par les lecteurs de La Presse comme l’athlète québécois de la décennie. Honneur duquel il tire encore à ce jour une grande fierté, compte tenu des athlètes qu’il a affrontés au cours de ce tournoi à la ronde.

Il y avait des Laurent Duvernay-Tardif, [Mikaël] Kingsbury, Charles [Hamelin], les deux Alexandre [Bilodeau et Despatie]. Il y en avait, des noms ! Ça m’avait vraiment fait chaud au cœur de voir que les gens, d’une manière ou d’une autre, se sont attachés à moi.

Alex Harvey

Il en a fait mention dans une portion de l’entrevue dans laquelle il était question de sa couverture et de la reconnaissance de ses compatriotes une fois de retour sur sa terre-patrie après de longs hivers passés à l’étranger. En Scandinavie, particulièrement en Norvège, le Québécois était une mégavedette. Il y était sollicité comme un joueur du Canadien de Montréal dans la métropole. Or, ici, probablement en raison de sa discipline, ses succès et ses exploits de l’autre côté de l’océan attiraient peut-être moins d’éloges et de projecteurs.

Toutefois, le principal intéressé se dit choyé d’avoir reçu autant d’attention, surtout pour un athlète n’ayant jamais remporté de médaille olympique.

« C’est le parfait équilibre, parce que quand je comparais avec Devon [Kershaw], qui est un de mes meilleurs amis, et mes autres coéquipiers, même eux quand ils avaient de très grands succès, ils avaient une très petite couverture médiatique. Tandis que moi, j’ai toujours eu une très bonne couverture médiatique. Moins bonne que si on compare aux Scandinaves, mais comparativement à mes coéquipiers, elle était excellente. Et ce n’était pas non plus comme les joueurs de hockey où on est dans les revues à potin, mais c’est ça en Norvège. C’était un bon équilibre. Encore aujourd’hui, à l’épicerie, les gens sont super courtois. »

Toute sa vie, depuis son adolescence, Harvey parlait de sa passion, de ses ambitions et de son quotidien au présent ou au futur. Cependant, pendant un an, il devait converser au passé.

Il reste que l’exercice a valu la peine. Il est fier du résultat final et espère que ceux qui l’ont suivi pendant près de deux décennies pourront se régaler de ses histoires et revivre avec lui tous ses moments de grâce.

« C’est un petit pincement de repenser à tout ça, parce que c’était tellement le fun, mais ça me permet quand même d’apprécier le fait que j’ai pu me retirer au bon moment et je suis vraiment heureux avec ma vie en ce moment. »

Lisez des extraits du livre Alex Harvey : le prince – Parcours d’un champion
Alex Harvey : le prince – Parcours d’un champion

Alex Harvey : le prince – Parcours d’un champion

Les Éditions de l’Homme

264 pages