Le ski est une affaire de famille chez les St-Germain.

Jean-François, le père de Laurence, a été un excellent skieur de bosses, terminant huitième du Pro Mogul Tour, un circuit en parallèle dans les années 1980.

Son frère aîné William a quant à lui fait partie de l’équipe nationale de développement de ski alpin il y a une dizaine d’années. Il effectue cet hiver un retour à la compétition.

Les St-Germain se sont évidemment levés au petit matin pour suivre la première manche de Laurence aux Championnats du monde de ski alpin à Méribel.

Si William, qui était chez sa copine à Toronto, a réussi à se rendormir après l’avoir vue s’installer au troisième rang, son père Jean-François n’a pas refermé l’œil à la résidence familiale de Saint-Ferréol-les-Neiges.

« Je n’ai pas dormi : trop de stress ! », a raconté le paternel quelques minutes après la victoire historique de sa fille, samedi matin.

Son téléphone chauffait après avoir reçu quelque 75 textos de félicitations. « J’en reviens pas ! C’est de loin sa victoire la plus importante, en particulier cette année, où elle a eu des hauts et des bas. Ça fait sept, huit ans qu’elle rêve de faire un podium. Quand j’ai vu qu’elle avait assuré, c’était mission accomplie. »

Mais ce qui a encore plus impressionné Jean-François St-Germain, c’est la façon dont sa fille s’est imposée devant Mikaela Shiffrin, probablement la meilleure skieuse de l’histoire.

Mikaela partait quand même avec 0,6 seconde d’avance et Laurence l’a battue par 0,5. Elle a vraiment gagné la deuxième manche. Elle l’a mérité. Aujourd’hui, c’était la meilleure.

Jean-François St-Germain, à propos de la victoire de sa fille

Son seul regret était d’avoir annulé son voyage prévu à Méribel en raison d’obligations professionnelles…

« Montagnes russes d’émotions »

William, lui, ne tenait plus en place avec son amoureuse, qu’il visitait dans la Ville Reine après avoir passé quelques semaines en Europe pour disputer des courses.

« On capotait, on criait, ma copine pleurait et j’ai aussi versé quelques larmes, c’est sûr ! », a-t-il relaté, encore remué, au bout du fil.

La disqualification de Wendy Holdener et les ennuis de Mikaela Shiffrin les ont tenus sur le bout de leur siège. « C’était de méchantes montagnes russes d’émotions ! »

PHOTO MARCO TROVATI, ASSOCIATED PRESS

Wendy Holdener après sa disqualification

Impressionné par sa sœur, l’ingénieur de 30 ans n’a pas été surpris de la façon dont elle a géré la pression de s’élancer parmi les trois dernières.

« C’est sûr qu’elle devait être nerveuse, mais il fallait juste qu’elle se fasse confiance. Quand je l’ai vue pousser au départ, j’ai su tout de suite qu’elle partait avec confiance. Je savais que ça annonçait une bonne run. Elle a montré qu’elle était forte dans la tête parce qu’elle n’avait jamais été dans cette position-là. »

William a pu voir de première main à quel point sa sœur skiait vite ces derniers temps. À la fin d’une conversation téléphonique au début du mois, ils se sont aperçus qu’ils se retrouveraient à une quinzaine de minutes l’un de l’autre en Italie.

Après un stage en Slovénie, le grand frère a fait un détour par Tarvisio pour visiter sa sœur et même faire une journée d’entraînement avec les slalomeuses canadiennes…

« Je suis resté une nuit à leur hôtel, son technicien m’a même offert de tuner mes skis… J’ai passé une couple d’heures dans la salle de fartage à jaser de ski avec les techniciens et les coachs, puis on s’est entraînés ensemble le lendemain. »

Ce retour imprévu « au bon vieux temps » a été savoureux et fructueux. La petite sœur voulait chauffer les fesses de son grand frère…

« On a eu ben du fun. On se coachait l’un et l’autre, on tripait, on se bagarrait. Je pense que ça l’a motivée une coche de plus pour essayer de battre son frère. Je devais pousser pas mal… Ça se voyait tout de suite qu’elle skiait super fort. C’était peut-être le petit déclic dont elle avait besoin. Du genre : eille, ce n’est pas si compliqué que ça, le ski… »

Manifestement pas pour les St-Germain…

Une inspiration

PHOTO FRANCIS BOMPARD, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

James Crawford avec sa médaille d’or du super-G remportée la semaine dernière

La médaille d’or de Laurence St-Germain couronne une quinzaine inespérée pour le Canada aux Championnats du monde de Méribel et Courchevel, qui se terminent ce dimanche avec le slalom masculin.

Ce quatrième podium est un sommet historique pour l’unifolié, qui pointe au quatrième rang au tableau des médailles derrière la Norvège (8), la Suisse (7) et l’Autriche (7), à égalité avec les États-Unis.

James Crawford a frappé fort d’entrée de jeu en remportant le super-G la semaine dernière. Cameron Alexander a enchaîné avec le bronze en descente. Valérie Grenier, Britt Richardson et les frères Erik et Jeffrey Read ont aussi décroché le bronze à l’épreuve parallèle par équipe mixte.

« C’était vraiment inspirant de regarder les courses où je m’entraînais en Italie, a souligné St-Germain, qui se préparait dans le Val d’Aoste. En fait, c’était quasiment frustrant de ne pas être sur place et de ne pas pouvoir célébrer avec tout le monde ! Je pense que c’est ce qui m’a inspirée aujourd’hui. Je voulais en faire partie et je suis très fière d’avoir réussi. »

Ce titre mondial est le premier pour une skieuse canadienne depuis le triomphe de Mélanie Turgeon en descente à Saint-Moritz en 2003. En slalom, il faut remonter à Anne Heiggtveit et sa médaille d’or aux Jeux de Squaw Valley en 1960, à une époque où les Olympiques faisaient office de championnats du monde. Nancy Greene avait remporté l’argent huit ans plus tard à Grenoble.

Erik Guay, couronné en descente en 2011 et en super-G en 2017, est le seul autre skieur québécois à avoir réalisé l’exploit.